Christophe Lambert & Stéphane Descornes







Juin 2010



 





Christophe Lambert, Stéphane Descornes, comment vous est venue l'idée de base de black Cristal ?

Christophe : Nous voulions écrire un roman à quatre mains, quelque chose dans la lignée du TALISMAN DES TERRITOIRES, de Stephen King et Peter Straub. Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître (c’était en 1987). Nous avions acheté un cahier Clairefontaine à petits carreaux, par une belle journée d’été, et attaqué la rédaction le soir-même, une page chacun notre tour, durant une bonne partie  de la nuit (je dormais chez Stef). Au début, nous ne savions pas du tout où nous allions. La structure a été forgée progressivement. Par la suite, nous sommes passés à un chapitre chacun notre tour, et ce pendant 6 cahiers (1200 pages, tout de même). Ce petit jeu nous a pris trois ans.

Stéphane : Les dernières pages de chaque cahier sont pleines de notes savoureuses, chacun à notre tour griffonnant : des idées pour la suite de l'aventure ; des plans ; des significations symboliques ; des noms de personnages ou de lieux ; mais aussi, (histoire de faire marrer l'autre) : des poèmes dérisoires ou des jeux concours (si, si) avec des questions absurdes du genre : " Quel sera le premier mot de la 1000e page et qui l'écrira ? 1er prix : la page la plus nulle dédicacée par son auteur, Stéphane Descornes. " J'en passe et des meilleures.


Qu'avez vous changé par rapport à la première monture que vous aviez écrite il y a plus de 20 ans ?

Christophe : Beaucoup de choses. Nous avons resserré l’intrigue, en enlevant le personnage de Claire, la petite amie du héros. Originellement, elle atterrissait aussi dans le monde du cristal et vivait un paquet d’aventures en parallèle avec notre « élu ». Les deux se rejoignaient à la fin mais cela n’apportait pas grand-chose, au total. Cette partie du récit était faiblarde. Nous avons changé le surnom du « méchant », ex « prince des ténèbres » devenu le « libérateur ». Nous avons changé le dénouement de la trilogie qui, je l’espère, en surprendra plus d’un. Et surtout nous avons changé le style. Il ne doit pas rester trois phrases de l’original. Nous étions pleins de bonne volonté mais, comment dire… encore un peu « frais ».
Stéphane : En gros, on a gardé ce qui tenait le mieux la route : les personnages et la route elle-même, les lieux traversés. C'est Chris qui a donné l'impulsion en ré-écrivant les premiers chapitres. J'ai pris le train en marche à partir de Madréta. Ensuite, au fur et à mesure des corrections, des passages complémentaires écrits par l'un ont été insérés dans les passages de l'autre. Et vice versa.
Comment s'est passé la collaboration avec votre co-auteur ?

Christophe : Très bien, aujourd’hui comme il y a vingt ans. On se connaît depuis l’enfance. On se voit chaque semaine. On a subi les mêmes influences au même âge. Quand j’étais ado, Stef m’a fait découvrir King mais aussi Djian, Brautigan, Fante, Bukoswki (des écrivains qui font tous une apparition dans le tome 3 !). On se répartit les chapitres en fonction de nos envies. Stef est très bon pour les personnages (c’est lui a créé Roktès, le meilleur « méchant » du livre) et pour injecter des petites touches décalées, poétiques ou drôles. Je suis plus à l’aise dans la partie « aventures et action ».
Stéphane : Itou. J'ai un esprit fantasque qu'il faut souvent canaliser. Chris est plus cartésien et repère très vite les problèmes de structure. Il est aussi très fort pour les scènes d'action et les montages alternés. On se complète assez bien. Les rares lecteurs du Black Cristal version 1987 nous disaient déjà : " j'arrive pas à savoir qui a fait quoi ". On nous le dit encore parfois aujourd'hui et ça nous ravit ! La preuve que notre duo fonctionne pas mal.

On sent beaucoup d'influence à travers ce récit notamment Tolkien. Comment fait-on pour digérer ainsi la somme de ces influences ?

Christophe : En 1987, je n’avais pas lu « Le seigneur des anneaux ». Enfin, pour être plus exact, je calais systématiquement aux alentours de Tom Bombadil. Par contre, j’avais vu le dessin animé de Bakshi et, surtout, je faisais beaucoup de jeux de rôles. Donc mes influences en matière de « fantasy » venaient plutôt de « Donjons et dragons ». En vingt ans, nous avons eu le temps de digérer tout ça… enfin, j’espère.
Stéphane : Quelqu'un a évoqué Pirates de Caraïbes comme une de nos influences, mais je m'inscris en faux. Dans Black Cristal, il y a certes des pirates déjantés, mais ils existaient déjà en 1987 ! Mes références en matière de fantasy se bornaient alors à HEAVY METAL, le dessin animé, et à TYGRA, c'est dire ! Pour moi, l'influence principale, ça reste le pitch du TALISMAN : un gamin d'aujourd'hui projeté dans un monde parallèle. On a greffé là-dessus des éléments d'un univers très personnel, qu'on cultive en commun depuis l'enfance. On a toujours aimé créer des personnages, les mettre dans des situations invraisemblables et se raconter des histoires. Ca a commencé dans les rues de Rungis, quand on avait 10 ans. Et ça continue, trente ans après.

D'où vient l'inspiration quand il s'agit de créer un monde imaginaire de zéro ? Comment trouvez-vous les noms des villes, des mers... ?

Christophe : Le monde original s’est fabriqué petit à petit, ce qui a engendré pas mal de problèmes de cohérence qu’il a fallu corriger dans la nouvelle version. Nous voulions adopter un ton un peu humoristique, mais sans non plus tomber dans la satire. Le dosage n’est pas évident à trouver. Pour certains noms, on s’est contentés de prendre les lettres de mots qui nous étaient familiers et de jouer avec. Par exemple, le nom du navire de Roktès, le Sinalta, est quasiment l’anagramme de l’Atlantis (D’Albator) !
Stéphane : Mark Finn est un mélange de Mark Twain et de son personnage Huckleberry Finn, (comme dans le TALISMAN, le héros s'appelait Jack Sawyer, hommage à l'autre célèbre personnage de Twain : Tom Sawyer.) Les noms de lieux et de personnages viennent de notre petit panthéon personnel et sont souvent des private jokes. Un des méchants s'appelle Ako, nom d'une de nos profs en primaire. Cellapelada vient d'une chanson de Lavilliers. Maargal, d'un épisode du Capitaine Flam. Sin Glass d'une bd SF de Spirou. Roktès est un condensé de mon nom, à l'envers. Etc. Il y aurait tout un catalogue à faire. Je parlerai de Bouk d'Aurevilly une autre fois...

Une question que vous n'avez jamais osé poser à votre co-auteur ?

Christophe : C’est qui, le type que tu gardes drogué et menotté dans ta cave ?
Stéphane : C'est toi ! Mais tu ne te souviens pas que je te force à écrire tes livres ET les miens ? Ni que j'empoche tous les droits d'auteurs ? Ah c'est moche, la drogue...
Un très grand merci à ces des auteurs qui nous ont accordé cette interview avec célérité. Merci à eux d'avoir jouer le jeu.
Black Cristal , parution mai 2010, éditions Pocket Jeunesse.


Le site de Christophe Lambert
Les livres de Christophe Lambert sur Plume Libre:  Black Cristal




Go to top