Bonjour Céline, vous n’échapperez pas au petit rituel de présentation de Plume Libre. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours ?
Mon parcours est fait d’un petit peu de chance et de beaucoup de belles rencontres. Si toute petite je rêvais d’écrire des romans, j’ai eu la chance plus tard de rencontrer des écrivains géniaux. Claude Seignolle, d’abord pour qui je séchais les cours de maths parce que je passais des après-midi chez lui à admirer sa collection d’autographes, Serge Brussolo ensuite qui me faisait faire des lectures pour les éditions du Masque, et un troisième auteur tout aussi exceptionnel... avec lequel je me suis mariée ! Au contact de ces grands raconteurs d’histoires j’ai compris assez vite qu’écrire des livres c’était drôlement dur et qu’il était peut être plus malin de les publier… J’ai donc commencé à faire des stages dans l’édition. Une responsable des Belles Lettres dont j’étais stagiaire m’a dit un jour qu’une de ses amies montait une maison d’édition et qu’elle aurait besoin d’un coup de main. Cette amie c’était Sabine Wespieser. Je suis allée la voir et je ne l’ai plus quittée pendant 4 ans. Elle m’a appris toute la chaîne du livre. Nous étions toutes les deux à travailler 7jours/7 à son projet fou, en changeant en permanence notre casquette, selon les besoins du moment, nous étions tour à tour fabricante, éditrice, attachée de presse… ça a été une expérience formidable, Sabine m’a fait gagner des années. Et puis j’ai quitté le nid parce que j’avais d’autres histoires à vivre et voilà 5 ans maintenant que je suis éditrice chez Fleuve Noir où je m’occupe du domaine français.
Quelle est la ligne éditoriale de Fleuve Noir ?
Je dirais que la politique éditiorale sur laquelle nous travaillons avec Deborah Druba, la directrice du Fleuve Noir, est avant tout une politique d’auteurs. Nous voulons pouvoir défendre des auteurs sur le long terme, leur laisser le temps de mûrir, de se faire une place parmi le reste de la production. Et nous avons la chance de travailler dans une maison d’édition où cela est encore possible.
Quel est le parcours d’un manuscrit chez Fleuve Noir ?
Les manuscrits qui arrivent par la poste sont tous stockés dans mon bureau après avoir été enregistrés à leur arrivée. Le plus régulièrement possible je consacre une bonne heure à les trier. Je regarde les lettres d’accompagnement, les résumés, les débuts de roman. Je vois assez vite si le texte peut nous intéresser. Si c’est le cas je le lis intégralement ou je le fais lire à une de mes lectrices qui me fait un rapport. Et si le rapport me parle, je le lis à mon tour.
Certains manuscrits arrivent par recommandation de collègues, d’auteurs, de connaissances. Il est vrai que dans ce cas-là la lecture est parfois plus rapide. C’est injuste je le reconnais pourtant c’est facilement compréhensible. Quand un manuscrit ou un auteur est chaudement recommandé c’est déjà presque une pré-sélection. Alors qu’un manuscrit arrivant par la poste est noyé dans la masse. Je recommande toujours aux gens qui veulent être édités de faire connaissance avec le milieu au préalable, ça facilite les choses.
Voilà comment ça se passe pour les textes français, pour les romans étrangers c’est totalement différent, il faudrait que vous interrogiez Deborah Druba elle vous racontera, c’est passionnant !
Un nouvel auteur vient de rejoindre le Fleuve : François-Xavier Dillard. Comment avez-vous découvert son tout premier roman « Un vrai jeu d’enfant» ?
Un nouvel auteur « prometteur » vous voulez dire ? Pardon, promis j’arrête de faire mon éditrice le temps de finir de répondre à cette itw.
FXD, donc, connaissait justement un de nos collaborateurs qui nous a transmis son manuscrit. C’est sûr que ça a facilité les choses – FX avait un contact direct dans la maison, qu’il pouvait harceler à sa guise « Alors, alors, Fleuve Noir a aimé mon histoire de pigeons farceurs ? » lequel contact pouvait à son tour venir taper quotidiennement à ma porte « Alors, alors, cette histoire de pigeons farcis c’est vraiment nul ? » (pour les lecteurs qui ne comprendraient rien à ce passage, c’est normal, se reporter à l’itw de FXD)
Plus sérieusement j’ai été bluffée en lisant ce livre, je me demandais si c’était vraiment un premier roman ou si on m’avait menée en bateau. Impossible d’en arrêter la lecture, les chapitres courts et rythmés donnant envie de tourner les pages les unes après les autres, j'avais l'impression d'être dans un pur thriller, dans du vrai suspense. Dès le début on sait que ça va mal, très mal tourner, mais on ne sait pas quand ni comment ça va nous tomber sur le coin du nez. Et puis un roman polyphonique aussi bien réussi, ça faisait longtemps que je n’avais pas vu ça.
Comment travaillez-vous avec les auteurs ?
La plupart des auteurs avec qui j’ai l’habitude de travailler me parlent de leur prochain roman en amont. On « valide » ensemble le sujet. Certains m’envoient parfois ensuite le début, s’ils ont besoin de mon regard, je suis à leur disposition. Ensuite, quand le livre est terminé on prévoit des séances édito qui peuvent durer plusieurs heures où je montre à l’auteur ce qui à mon sens mérite d’être retravaillé au niveau du style et de la construction. Après quoi l’auteur tranche, c’est toujours lui qui a le dernier mot (sauf dans le cas des pigeons miteux mais là je pense que vous me comprendrez).
Comment s'effectuent les choix des titres et des couvertures des romans que vous éditez ?
Concernant les titres, dans un monde idéal l’auteur aurait l’idée du titre génial en même temps que l’idée du roman génial. Mais ce n’est pas toujours le cas. Parfois la maison va trouver qu’un titre n’est pas assez fort, parfois l’auteur n’aura pas d’idée. Dans ce cas là on se creuse la tête on fait des listes, et quand ça ne va toujours pas toute l’équipe du Fleuve se réunit, on brainstorme pendant des heures. Ce n’est pas toujours « un vrai jeu d’enfants ». D’ailleurs ce titre a été trouvé pendant une réunion de ce type par notre chef correctrice après des jours de galère. Elle nous a sauvé la vie et a trouvé LE titre qu’il fallait pour ce roman ! Chaque livre a un titre idéal, mais il faut parfois tourner autour longtemps. Il est rare d’hésiter vraiment entre deux titres. Ca nous est arrivé il y a peu avec Karine Giébel pour son prochain roman Juste une ombre . Encore maintenant avec Karine on se dit parfois que l’autre titre était bien aussi !
Pour les couvertures nous avons un studio interne mais aussi des graphistes externes avec qui nous travaillons régulièrement. Notamment Axel Mahé qui a fait la couverture de FXD (et bien d’autres : Vertige, Nous étions les hommes, Paradis à vendre, Des Ronds dans l’eau …). Quel que soit le graphiste, nous faisons un brief très précis, en précisant l’ambiance, les scènes fortes, parfois en suggérant une mise en scène, et en donnant des extraits à lire ou le livre complet s’il est terminé. Et quand nous avons de bonnes pistes nous les présentons en réunion couverture avec toute la direction.
Pourquoi est-il si difficile dans le domaine de l'édition de connaître les chiffres exacts des ventes de roman ?
Excellente question !
Tout simplement parce qu’il y a plusieurs « chiffres ». Les livres que vous voyez en librairie sont soumis au retour, le libraire a la possibilité de les renvoyer chez l’éditeur s’il ne les a pas vendus. Du coup il est difficile de savoir exactement, même pour l’éditeur, quel est le nombre de livres réellement vendus avant que la période de fin des retours soit passée – donc avant plusieurs mois. Les libraires font une mise en place. Si ça se passe bien ils recommandent. Le diffuseur assure les commandes, l’éditeur réimprime s’il le faut, mais on ne sait pas vraiment combien d’ouvrages vont nous être retournés. Il existe néanmoins des statistiques réalisées pour essayer de quantifier les « sorties de caisse » mais ces chiffres là sont des tendances qu’il est préférable de ne pas communiquer.
Alors on peut dire que les éditeurs et les auteurs entretiennent un flou sur leurs ventes, c’est sûr, mais avouez quand même que ce n’est pas si simple de s’y retrouver !
Quel part attribuez-vous au média Internet dans le plan communication pour la sortie d'un roman ?
Une part de plus en plus importante. En ce qui me concerne, la « presse » internet est aussi importante désormais que le support papier. Et chez nous un service dédié à internet existe depuis des années.
Quel regard portez-vous sur le numérique ? Fleuve Noir a t-il des projet dans ce domaine (avant-premières ou nouvelles en numérique) ?
Le numérique c’est une super opportunité de faire découvrir nos auteurs, d’une autre manière. Donc il faut y aller, sans pour autant renier le papier ! Universpoche (qui est le nom de la maison d’édition qui regroupe les marques Fleuve Noir, Pocket, 10/18, Pocket jeunesse et Kurokawa) a des projets ENORMES sur le numérique. On en reparle vite ?
Quels sont les prochains auteurs à découvrir chez Fleuve Noir?
Il y a une auteur à re-découvrir, Barbara Abel, qui, après deux comédies au Fleuve revient à ses premières amours et au roman psychologique. Je vous recommande chaudement la lecture de Derrière la haine qui sortira en avril. Et en fin d’année, vous découvrirez un auteur franco-américain, Tim Sliders, qui nous a écrit LA comédie familiale de tous les temps (au sens propre comme au sens figuré). Un petit bijou pour les prochaines fêtes de fin d’année. D’ici là vous aurez tremblé avec Karine Giébel, vous aurez passé des vacances ratées avec Agathe Colombier Hocherg, vous aurez retrouvé nos deux commissaires chouchou Antoine Marcas et Franck Sharko… et bien d’autres surprises encore !
Merci beaucoup Céline, nous vous laissons le mot de la fin.
Merci à Plume libre, merci pour tous ces livres et ces auteurs que vous nous donnez envie de lire ! Merci de prendre le temps et de nous en donner ! Et à très bientôt pour de nouveaux moments partagés !