Lire l'interview en V.O
Bonjour Richard Montanari, La 1ere question est un petit rituel sur Plume Libre . Pouvez-vous nous dire un peu plus sur qui est Richard Montanari ?
Je suis romancier, scénariste et essayiste. Pendant mes années en tant qu'auteur freelance j'ai écrit pour des dizaines de magasines nationaux et régionaux, sur tous les sujets : critiques de films et de pièces de théâtre, des articles sportifs ou sur la recherche médicale . J'ai publié sept romans policiers, les quatre derniers étant une série criminelle se déroulant à Philadelphie. J'aime le cinéma indépendant, la boxe et la gastronomie. Et le vin, bien sur.Pourriez-vous nous décrire une journée type passée à écrire ? Y a-t-il des rituels ou des petites manies ?
Qu'est ce qui vous a poussé à l'écriture ? Et pourquoi dans le Polar/thriller ?
J'ai toujours été un raconteur d'histoire. Enfant déjà, quand j'étais invité à un goûter d'anniversaire, j'étais celui qui préparait des petits sketchs . En deuxième année (CE1), notre école a organisé un spectacle et non seulement j'ai joué un solo de flute et fait des tours de magie, mais, aussi incroyable que cela paraisse, j'ai fait des imitations de célébrités. Lorsque j'ai découvert la fiction quelques années plus tard, j'ai réalisé combien ça serait formidable d'écrire une histoire sur du papier, de la donner à quelqu'un et qu'elle soit lue. Depuis, j'ai renoncé aux spectacles et aux imitations, Dieu merci, mais j'ai continué à écrire. En ce qui concerne le thriller, c'est un genre qui m'a toujours attiré. Quand j'ai commencé à étudier les films pour en faire la critique, j'ai été comme capturé par les films à suspense. Spécialement par les films d'Alfred Hitchcock. Lorsque j'ai commencé à écrire mon premier roman, c'était comme si je n'avais pas le choix. C'est ce genre d'histoires que j'aime lire, et c'est ce genre d'histoires que je veux écrire.
Après un café, le petit-déjeuner et un footing, je passe environ une demi-heure à chercher mes lunettes (véridique!). Une fois que je les ai trouvées, je m'assois devant mon ordinateur et j'essaie d'écrire 1000 mots de mon nouveau roman. Parfois cela ne prend que quelques heures. D'autres jours, cela prend bien plus longtemps.
L'après-midi, je transfère ce que j'ai écrit sur mon Mac Book Air, et je vais faire un tour au café du coin. Le soir je me repose, regarde des films, fait la cuisine pour mes amis et ma famille.
Combien de temps passez-vous sur l'écriture d'un livre ?
En général je passe environ neuf mois sur le premier jet, et entre deux et trois mois sur la re-lecture et le deuxième jet. Depuis Déviances, publié en 2005, j'ai publié un livre par an.
Comment sont nés les inspecteurs Byrne et Balzano ? Et plus généralement, comment construisez-vous vos personnages ? Comment choisissez-vous leurs noms, par exemple ?
Ces personnages sont nés après une longue période d'observation. Le Département de Police de Philadelphie a été assez gentil pour me permettre d'entrer dans leur monde très fermé, et ils m'ont permis d'accéder à toutes les facettes d'une enquête criminelle : la scène de crime, la collecte et l'analyse des indices et des données, les interrogatoires et les témoignages. Kevin Byrne, un "vétéran" qui a passé 20 ans dans la police, est un mélange de plusieurs détectives, de leurs différentes méthodes, perspectives, styles et motivations. Un certain nombre d'inspecteurs de l'unité Homicides du Département de Police de Philadelphie pense que le personnage a été inspiré par eux. Je n'ai pas le cœur de leur avouer que Kevin est vraiment un mélange d'eux tous.
Quant aux noms de mes personnages, c'est un processus assez long.
J'y réfléchit un certain temps. Finalement, un nom se détache des autres, colle au personnage et devient le personnage.
Pourquoi une femme dans cette équipe ?
Sans grande surprise, du moins aux États-Unis, le monde des enquêtes pour homicide est encore un univers essentiellement masculin. Quand j'ai commencé mes recherches pour Déviances, je suis allé plusieurs fois l'unité des homicides du PPD et je me suis rendu compte qu'il n'y avait que deux femmes qui y travaillaient. La personne qui dirigeait le travail de jour était une femme, ainsi que plusieurs membres de l'équipe de médecine légale, mais pas dans les équipes d'enquêteurs. J'ai trouvé là l'opportunité de créer un personnage différent avec Jessica Balzano. Le fait qu'elle soit mère d'une petite fille de trois ans (du moins dans Déviances, Sophie est plus âgée à présent) et boxeuse professionnelle en a fait quelqu'un d'encore plus intéressant à mes yeux, et, j'espère, aux yeux des lecteurs.Pourquoi avoir choisi d'incarner des personnages issus de l'immigration ? (Byrne est irlandais, Jessica italienne)
D'un point de vue personnel (je suis d'origine italienne et estonienne), je voulais que ces personnages fassent appel à un certain héritage culturel, comme c'est le cas aux États-Unis. Il y a une vieille tradition de policiers irlandais dans les forces de polices américaines, et quand j'ai crée le personnage de Kevin, cela m'a semblé tout naturel. En dessinant le personnage de Jessica, je me suis rendu compte que je connaissait beaucoup de ces femmes fortes et indépendantes, d'origine Italo-américaines, et que je pouvait apporter beaucoup de réalisme au personnage.
Aviez-vous dans l'idée, dès le début de l'écriture des aventures de ce duo, d'en faire une série ?
J'ai en effet eu cette idée, et l'espoir aussi, que cela devienne une série. On ne sait jamais. Je pense que c'est pendant l'écriture de Psycho que je me suis rendu compte qu'il y avait encore beaucoup de choses à dire à propos de Kevin Byrne et Jessica Balzano. Je crois qu'ils ont évolué à travers chaque livre, et je n'en ai pas encore fini avec leurs aventures. Le défi, bien sur, est de faire évoluer leur personnage à chaque roman
Philadelphie a aussi un rôle primordial dans l'ambiance de vos livres, pourquoi avoir choisi cette ville ?
Philadelphie est un théâtre formidable pour une fiction. C'est une grande ville,mais constituée de plus d'une centaine de quartiers. Cette ville a une longue histoire, et fut autrefois la capitale des États-Unis; en un ou deux pâtés de maison, on passe des bâtiments historiques aux rangées de maisons délabrées. C'est une ville d'une grande diversité culturelle, bordée de deux fleuves majestueux, avec un centre-ville débordant d'activité, et pourtant si vous roulez une demi-heure dans n'importe quelle direction, vous vous retrouvez à la campagne.
Comment percevez-vous l'accueil des lecteurs français ?
C'est difficile à dire. Je suis ravi et fier que Déviances et Psycho aient été accueillis avec tant d'enthousiasme par les lecteurs français. J'espère que c'est parce que les histoires sont bien écrites, et que les personnages, tant les héros que les méchants, sont plaisants. Je suis très heureux d'annoncer que Le Cherche-Midi, qui a publié les trois premiers livres de la série en France, publiera mon prochain livre (intitulé Badlands aux États-Unis et Play Dead en Grande-Bretagne) en 2009.
Comment ressentez vous la traduction de vos livres ?
Travaillez-vous en collaboration avec le traducteur ?
Avez-vous l'impression qu'il y a un changement lors d'une traduction ?
Je travaille avec les traducteurs et je trouve vraiment qu'ils ont fait un boulot formidable. En ce qui concerne des changements lors de la traduction, je ne sais pas. Je ne parle pas français (ni allemand ou espagnol non plus, malheureusement), donc je ne peux pas vraiment dire si il y a des changements. J'ai reçu beaucoup de lettres de lecteurs français qui ont aimé les livres, donc je suppose que la traduction a été fidèle et que les livres sont bons.
Le thriller est un « genre » qui se vend très bien. Comment ressentez-vous cette fascination des lecteurs pour la mort, le sang, la violence ?
Je pense que nous aimons tous avoir peur. Tout du moins, un peu peur et seulement dans les pages d'un livre ou sur les écrans de cinéma. Et, bien sur, dans le Grand Huit des parcs d'attractions. En ce qui concerne la violence, si vous croyez au mythe de Cain et Abel, vous vous rendez compte que seulement quatre personnes sur terre ont suffit pour qu'un meurtre soit commis.
Et je pense que depuis, on peut constater que c'est un sujet de discussion ou de lecture courant
Beaucoup d'auteurs américains ont un grand succès en France. Mais nous avons aussi de très bons auteurs de thrillers. Pourquoi est-ce si difficile pour eux d'être « exportés » aux États-Unis ?
C'est difficile de répondre. Il y a tellement de facteurs qui rentrent en jeu pour une publication que je ne pense pas qu'il soit possible de pointer du doigt une raison particulière.
Pourquoi certaines choses s'exportent dans un sens et pas dans l'autre, cela reste un mystère pour moi. J'ai vu et apprécié beaucoup de films français dans ma vie, donc je sais que c'est possible (en ce qui concerne le cinéma).
<
Internet ouvre de plus en plus d'espace aux gens du monde entier. Que pensez-vous de cette forme de communication ? Qu'est ce que cela vous apporte-il en tant qu'auteur américain par rapport à vos lecteurs étrangers ?
D'abord, et c'est le plus important : la vitesse à laquelle la communication peut s'établir. Une personne peut lire un roman, le terminer, s'assoir et envoyer un courrier à l'auteur en quelques secondes. Avant, cela prenait une semaine ou deux.
J'adore recevoir des courriers de lecteurs, et je leur réponds le plus souvent possible.
Funérailles, le troisième volet des aventures de Byrne et Balzano sort ce mois ci en France. Que pourriez-vous dire aux lecteurs qui n'ont pas encore eu le plaisir de découvrir vos héros ?
J'aimerais leur demander de leur donner une chance, (même en empruntant le livre à la bibliothèque, mais ne dites pas à mon agent que j'ai dit ça!). Je pense qu'ils reconnaitront en Kevin Byrne et Jessica Balzano un duo de "vraies" personnes qui font un métier difficile. Ce ne sont pas des super héros, ce ne sont même pas des héros, mais ils envisagent chaque dossier avec un esprit ouvert et une détermination presque sauvage à rendre justice à ceux qui ne peuvent le faire eux-mêmes.
Les suites ont-elles étés plus facile à écrire ou au contraire plus compliquée du fait que vos personnage ont du évoluer dans leur vie personnelle par exemple ?
Ça a été plus compliqué, mais c'est une bonne chose. Plus j'écris sur eux, et plus ils deviennent complexes et nuancés. La série se déroule en "temps réel", ce qui signifie que la fille de Jessica a maintenant 6 ans et va rentrer à l'école. C'est un gros changement pour Jessica et cela implique toute une collection de nouveaux sentiments.
Dans chaque roman, vous menez la vie dure à ce pauvre Byrne. Il est toujours impliqué personnellement dans un drame. Pourquoi tant de haine ?
Kevin est grand et costaud. Il peut très bien le supporter.
Dans Funérailles on se rend compte que le passé a souvent un impact direct sur les événements du présent. D'ailleurs, le thème des fautes du passé est présent dans les 3 romans que nous avons pu lire. Pensez-vous qu'on n'échappe jamais à son passé ?
Non, c'est impossible. Nous sommes la somme de nos expériences, de notre vécu, et le passé est toujours dans notre ombre. Parfois ne recevons une bonne surprise, le paiement d'un acte généreux accompli dans le passé. D'autres fois, comme dans la plupart de mes livres, un fantôme du passé ressurgit avec un cadeau empoisonné.
Après les classiques du cinéma (Psycho), vous revisitez les contes d'Andersen d'une façon très particulière, pourquoi avoir choisi cette base ?
Dans chaque roman je représente une pathologie du Mal. Dans Déviances c'était le catholicisme, dans Psycho, les scènes de meurtre des classiques du cinéma, et dans Funérailles les contes de fées. Dans chaque cas, le méchant est comme consumé intérieurement par une forme d'art, un champ d'étude ou une croyance religieuse ou personnelle qui l'affecte tellement qu'il en devient obsédé, et au final un meurtrier.
La fin de Funérailles laisse le lecteur songeur (et Byrne aussi). Va-t-il rester à Philadelphie ? Reverrons-nous Byrne et Balzano ?
Tout ce que je peux dire c'est : restez à l'écoute. Le livre sur lequel je suis en train de travailler, intitulé The Devil's Garden (le Jardin du Diable) est un thriller indépendant. Il sera publié par Random House en 2009.
Dans « Déviances », la musique, et en particulier le blues, est très présente. Écoutez-vous de la musique en écrivant ? Si oui, laquelle ?
Vous avez écrit d'autres livres que la série Byrne/Balzano, pensez-vous que les lecteurs français auront la chance de pouvoir les découvrir ?
Je l'espère aussi. Mes trois premiers livres sont entre les mains de plusieurs maisons d'éditions (européennes) en ce moment. Le deuxième, The Violet House, sera publié en Grande-Bretagne en 2009
J'écoute rarement de la musique en écrivant. Si je le fais, je choisis plutôt de la musique classique, ou du moins instrumentale. Les chants ont tendance à me distraire. Kevin Byrne est un fana de vieux blues, tout comme moi. Bien que je ne le fasse que rarement, mettre une chanson sur une page peut parfois donner un ton ou un ressenti particuliers à une scène.
Quels sont vos coups de cœurs en littérature ? Musique, cinéma ?
La liste est bien trop longue. Je dirais que j'écoute principalement de la musique classique et du jazz, mes artistes favoris étant Chet Baker, Oscar Peterson et Sonny Rollins. Du coté du classique, les premières ouvres de Mozart et Beethoven, ainsi que Jean-Sébastien Bach (Sleepers Awake joue un rôle important dans mon roman Badlands). Si je devais choisir mon film préféré, celui que j'ai vu tellement de fois que je ne peux les compter, ca serait "The Third Man" de Sir Carol Reed ("LeTroisième Homme", film policier avec de 1949 avec Joseph Cotton et Orson Welles NDT). Mes réalisateurs favoris sont Hitchcock, Fellini, David Lean et Billy Wilder.
Parmi mes auteurs de polars préférés: James M. Cain, Jim Thompson et Charles Willeford.
Merci Richard Montanari, vous avez le mot de la fin.
Et bien ce mot sera: Merci (en français dans le texte ;-) )