Bonjour Denis Bouchain, une petite tradition chez Plume Libre ;
pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Bonjour et merci de m’avoir proposé cette interview. Je suis éditeur aux
éditions Plon depuis cinq ans et je me consacre quasi essentiellement
aux romans, un genre que j’apprécie beaucoup mais pour lequel il n’est
pas toujours évident de trouver des auteurs ni de les faire exister
auprès des lecteurs.
Pouvez-vous nous parler de votre métier d'éditeur ?
C’est un métier que je trouve passionnant : on rencontre beaucoup de
gens avec des parcours et des profils différents mais qui sont tous
passionnés par leur travail. C’est un métier très complet car il amène
aussi à être en contact avec beaucoup d’intervenants différents : le
service de presse, le service commercial, la direction artistique mais
aussi les journalistes, les blogueurs, les libraires et bien entendu les
auteurs. C’est un métier qui apporte beaucoup de joies, comme lorsqu’on
découvre un auteur, comme lorsque celui-ci commence à intéresser la
presse, la sphère Internet, les libraires et les lecteurs, mais qui crée
aussi beaucoup de stress lorsque les choses ne vont pas comme on le
voudrait. Dans ces cas-là, il faut s’efforcer d’être patient, ne pas
lâcher l’affaire ou alors se remettre en question…
Comment vous est venue l'idée de la collection "Nuit Blanche" et comment est-elle
née ?
J’ai toujours eu du goût pour le thriller et le policier : pour moi,
c’est une littérature extrêmement romanesque et je pense que le roman a
été très négligé en France pendant des années. Seule la littérature dite
« de genre » n’a pas lâché l’affaire, proposant de vraies histoires,
avec des personnages, des ambiances, des enjeux narratifs forts. Bref,
je me disais que c’était un sillon à exploiter, même s’il est très
encombré aujourd’hui. Or, dans les années 60, Plon éditait une
collection de romans policiers intitulée « Nuit blanche ». Je me suis
dit que c’était l’occasion de la faire revivre…
Quel est le parcours d'un manuscrit jusqu'à son édition ?
D’abord il y a une lecture effectuée par des lecteurs extérieurs à la
maison. Si le texte les inspire, ils me le passent. Je le lis, je
regarde si c’est intéressant, s'il rentre dans nos collections, s'il y
a beaucoup de travail. Si le texte me plaît, j’essaie de rencontrer
l’auteur pour « sentir » comment il est : est-il prêt à retravailler ?
A-t-il écrit son texte avec l’envie et la volonté de poursuivre une
œuvre ? Imposer un auteur demande du temps et il m’est difficile de me
lancer dans l’aventure avec un auteur qui ne pourra produire qu’un seul
roman. Si le courant passe bien, je lui propose un contrat d’édition.
Ensuite, il y a une période où l’on retravaille le manuscrit. Elle peut
parfois prendre un an…
Quels conseils donneriez vous à un auteur avant de vous faire parvenir
son roman ?
Qu’il regarde bien en librairie si Plon publie ce genre de texte. Qu’il
se demande si son texte est original, qu’il peut se démarquer des
autres. Se distinguer est très, très important. Ensuite, il y a le
problème de l’écriture : beaucoup de gens envoient des textes vraiment
mal fichus. Je me demande parfois s’ils lisent. Pour moi, un bon auteur
doit avoir lu un minimum dans sa vie. On ne s’improvise pas auteur d’un
claquement de doigts, sans s’être au minimum frotté à ses prédécesseurs.
Etre auteur c’est être très exigeant, très bosseur.
Comment définiriez vous les Thriller de cette nouvelle collection?
Je pense qu’ils font tous vivre des personnages au parcours très
accidenté. Ce que j’aime, c’est cette pâte humaine, psychologique, ces
destins chaotiques.
Pourquoi avoir choisi ces 4 auteurs en particulier et pourquoi de
jeunes auteurs français ?
Parce que je m’occupe de littérature française chez Plon. Et que je
pense sincèrement que nous avons des auteurs de talent en France, avec
un esprit bien particulier. Parmi ces quatre auteurs, certains, comme
Ingrid Desjours et Laurent Terry, avaient déjà publié un premier
thriller, alors que la collection n’existait pas. Ensuite, j’ai
rencontré Laurent Brard et Thierry Brun dont les textes me plaisaient
beaucoup. Je me suis dit qu’avoir quatre auteurs permettait de lancer
une collection. Je pense qu’il n’en faut pas plus par année. Sinon, les
défendre correctement devient très compliqué. Assurer la promotion d’un
auteur demande du temps et de l’énergie.
Quels seront les prochains auteurs de cette collection ? Un scoop à
nous révéler ?
Je ne sais pas encore trop. J’espère récidiver avec les auteurs actuels,
mais peut-être que tous n’auront pas le temps d’écrire un nouvel
ouvrage. Il faut que je voie ça avec eux. Je suis également en
pourparlers avec d’autres auteurs mais je n’ai pas de scoop, pour
l’instant. Mais je vous tiendrai informé si ça vous intéresse…
À quel rythme seront publiés les prochains romans ?
Je compte rester à quatre par an, maximum. Comme je vous le disais, la
promotion d’un auteur est longue et chronophage. Quatre me semble un
maximum, d’autant plus que j’ai d’autres auteurs dans d’autres
collections.
Que pensez-vous de l'état et de l'avenir du Thriller français dans le
monde littéraire actuel ?
Je suis assez confiant. Je trouve qu’on a vraiment de très bons auteurs
qui ont su s’imposer. Il y a encore quelques années, voir des auteurs
français faire de la littérature de genre passait pour incongru. Là, je
trouve que ça devient normal. Mais ça veut dire que la concurrence va
sans doute être plus rude !
Avez-vous un truc super moche à nous raconter sur chacun des quatre
auteurs de la collection ? C'est le moment de vider votre sac et de vous
lâcher grave ! Mouhahaha...
Malheureusement non. Vraiment, ils sont tous sympas et (globalement) pas
moches. D’ailleurs, je trouve étonnant que cette littérature plutôt
sombre génère des auteurs aussi agréables, humains et modestes. C’est un
plaisir de bosser avec eux.
Merci beaucoup Denis Bouchain, nous vous laissons le mot de la fin.
Merci à Plume libre de soutenir cette collection et ces auteurs. Vous
n’imaginez pas à quel point j’y suis sensible, combien ça me touche.
J’espère que vous garderez votre curiosité et votre enthousiasme
intacts. Ils nous sont infiniment précieux. Encore merci.