Oksana & Gil Prou






Katharsis

 



Nous sommes en 2033. L'homme continue consciencieusement la lente et inéluctable destruction de la planète. Les émissions de gaz à effet de serre sont toujours aussi nombreuses. La forêt équatoriale diminue de jour en jour et les tensions sociales sont plus tendues que jamais. C'est dans ce contexte que survient un chantage organisé par une mystérieuse organisation qui change de nom chaque jour : L'humanité a 18 jours pour changer de comportement vis-à-vis de la planète Terre, sinon une sanction terrifiante menacera l'existence même de la race humaine.


La première chose qui frappe à la lecture de ce Katharsis, c'est le style des auteurs. Il ne trouve que peu d'équivalent dans les romans publiés récemment et certains passages lorgnent vers une pure poésie. Donc, tordons rapidement  le cou à une idée reçue qui pourrait vous venir en lisant le résumé ci-dessus, il n'est nullement question ici d'action ou d'un quelconque Jack Bauer qui doit sauver la planète. Katharsis se situe à un tout autre niveau. Nous sommes ici sur le questionnement de la place de l'homme sur cette planète et de son devenir. L'un des plaisirs de lecture de ce roman consiste dans la dualité du chantage qui est fait à la population mondiale. Les éco-terroristes ont tort sur la forme mais raison sur le fond. Ce qui déclenche nombre d'interrogations quant au devenir de notre planète et sur notre action au quotidien. Sommes-nous prêts à renoncer à notre niveau de vie pour sauver la planète ?

Katharsis peut donc se lire comme un anti-livre catastrophe dans la mesure où il emprunte certaines ficelles de ce genre ultra-codé (beaucoup de personnages à différents endroits géographiques pour éprouver tous les points de vue) pour les détourner, afin d'amener le récit vers des rivages qui intéressent plus les auteurs. Alors, bien sûr, il y a une dose de suspens pour tenir le lecteur en haleine. Quelle est la menace exacte ? Les terroristes passeront-ils à l'acte ? Quelle va être la réaction des uns et des autres. ? Mais là encore, l'intérêt principal du livre se situe ailleurs : dans la dextérité avec laquelle Gil Prou et Oksana nous décrivent les errances psychiques des différents personnages. Avec leur style plein de descriptions et de phrases agréablement tournées, ils nous font admirer les beautés de la terre tout en touchant du doigt les horreurs dont sont capables les hommes pour un peu plus de profit.

Car oui, Katharsis appuie bien là où cela fait mal. Pile sur la bonne conscience de chacun vis-à-vis de notre planète (le développement durable en prend pour son grade). Pas question de faire semblant après cette lecture, les auteurs nous acculent à nos dernières extrémités et ne nous laissent pas le choix : notre comportement écologique est effroyablement destructeur. Le constat est là, amer, mais amené avec beaucoup d'intelligence et de recul sur le propos.
Issu d'un duo d'écrivain peu banal, Katharsis, paru dans une maison d'édition méconnue, mérite sa place au soleil car tant sur le fond, implacable et inéluctable, que sur la forme, poétique et aérienne, c'est une oeuvre forte qui détonne dans le paysage littéraire français. Une mention toute particulière au choix des prénoms des personnages, tous chargés de sens, mais incroyablement originaux. La grande force de ce roman est la capacité des auteurs à nous emmener vers des terrains de réflexion originale et ce, sans être trop didactique. Très Belle performance !

A noter la résonance particulière qu'a ce livre quand on voit l'abandon de la taxe carbone pour contenter le profit à court terme. Il suffit de lire certains passages du livre en pensant à cet épisode politique pour ne pas avoir froid dans le dos quant à l'avenir de notre terre.
Katharsis, parution mars 2010, éditions Editions Interkeltia.
 


 
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