Pierre Bordage aux Utopiales






Novembre 2008





L'après Porteurs d'âmes

Deuxième interview sur Plume Libre après celle paru en octobre de l'année dernière. Que s'est-il passé dans la vie littéraire de Pierre Bordage pendant cette année d'écriture ?

En octobre de l'année dernière j'ai publié La fraternité du Panka Tome 1 Frère Ewen. Entre temps, il y a eu le projet chroniques des ombres qui est le feuilleton à télécharger sur Internet. Il y a eu Ceux qui sauront , un roman de littérature jeunesse sur l'Uchronie à paraitre chez Flammarion.  Puis  La fraternité du Panka Tome 2 Soeur Ynolde  qui paraît ce mois-ci à L'Atalante (octobre 2008 en fait). Donc en dehors du Panka 1 voilà ce que j'ai écrit depuis l'année dernière.

La précédente interview avait pour cadre la parution de Porteurs d'âmes. Comment s'est déroulé la sortie du roman et la tournée de promotion qui s'en ait suivi ?

Porteurs d'âmes est sorti en mai 2007. Bizarrement il a été perçu comme un polar, il a participé au prix polar SNCF, il a été présélectionné, puis en final où il ne l'a pas eu (rire). En revanche j'ai eu le prix inter comité d'entreprise sur une base de 4300 votants donc ce qui veut dire qu'il a atteint son but qui était de toucher un plus large public que les univers plus purement science-fiction.

Sur plume libre, site plus généraliste à tendance polar, il y a assez peu de science-fiction. Justement beaucoup vous ont connu à travers ce roman et du coup sont partis sur vos livres plus fantastiques...

J'ai surtout rencontré cela à travers mes tournées pour le prix  inter comité d'entreprise qui est aussi un prix régional (sur 8 régions). Je me suis déplacé et j'ai rencontré beaucoup de gens qui ne lisaient jamais de livres de l'imaginaire et qui ont lu celui-là car il faisait partie de la sélection. Et du coup ils ont d'autres livres de l'imaginaire et ils se sont rendu compte que ce n'était pas du tout ce qu'ils croyaient. Donc pour cela le livre a rempli son objectif de toucher un large public avec juste un tout petit argument de science-fiction dedans. Et de montrer aux gens que ce n'était pas du tout ce qu'il croyait l'imaginaire.

Quand l'action du roman à un cadre réel c'est plus facile pour les gens...
Oui c'est cela

Par contre pour l'imaginaire où il y a des races différentes ou des planètes, c'est plus dur de se projeter.
C'est l'effet vertige propre à la Science-fiction qui emmène directement dans un ailleurs et les gens ont envie de rester les deux pieds sur terre (rire). C'est la perte de repère qui dérange. J'étais assez content de la façon dont ce livre était perçu par le lectorat.

A Plume Libre, beaucoup sont tombés sous le charme de ce roman qui à priori a reçu un excellent accueil critique. Qu'en est-il du succès public ? Êtes-vous régulièrement tenu au courant des ventes de vos romans ?
Aux alentours de 10 000 exemplaires, c'est une vente tout à fait correcte pour moi. Je pense que l'on pourrait encore l'améliorer. J'espère que le prix Inter Comités d'Entreprise va le relancer. J'ai vu mon éditrice là, qui va faire un retirage. Comme souvent, mes livres ont une vie longue, ce n'est pas des produits de saison. Ce n'est pas des produits de la rentrée littéraire qui disparaissent au bout de trois semaines. Ils s'inscrivent sur le long terme. La sortie poche est prévue dans un an. Tout suit son cours normalement. J'aimerais bien avoir une petite accélération mais bon les choses sont ce qu'elles sont.

Avec le recul, y aurait-il certains passages ou certains aspects du roman que vous auriez aimé corrigé ? Globalement comment voyez-vous vos anciens romans ?
Je ne peux plus les changer (rire). En fait, je ne réfléchis pas comme cela. Une fois qu'ils sont sortis, que j'estimais qu'ils étaient prêt pour une sortie, que mon éditrice l'a aussi estimé, ils vivent leurs vies. Ça m'arrive de les reprendre de lire un passage ou deux pour voir comment mon style à évoluer. Je suis plutôt agréablement surpris en général (rire). Je m'attends au pire et puis finalement non ce n'est pas si mal. Quand les « Rohel », qui ont d'abord été publié aux Presses de la Cité chez Vaugirard en 14 volumes, ont été repris par l'Atalante, j'avais cette possibilité de les revoir. J'ai revu tout le texte et j'ai supprimé deux ou trois passages. Sinon je n'interviens plus. Je n'ai plus de regret. Place au suivant. S'il est parfait je pars en vacances mais comme cela n'arrive jamais je ne suis pas en vacances.

Graine d'immortels

Cette année Graine d'immortels  a été republié chez J'ai Lu. Pouvez-vous nous parler un peu de ce roman ? Sa genèse, son écriture ... ?
C'est un truc très particulier. C'était une éditrice qui s'appelait Laurence DECREAU qui avait décidé d'imaginer une collection qui s'appelait « Quark Noir » et dont le principe était des thrillers à base de science. Nous avions tous le même personnage c'est-à-dire Mark SIDZIK plus son copain Fred CAILLOU plus la grand-mère de Mark. On avait une sorte de bible à laquelle il fallait se conformer. Il y avait plusieurs auteurs qui ont bossé dessus : AYERDHAL, Jean-Pierre ANDREVON, Christophe LAMBERT. La série n'a pas du tout fonctionné parce que mal positionnée ou ils n'y ont pas cru. C'est un projet qui s'est écroulé tout seul. Peut-être mauvaise idée aussi, je ne sais pas. Pour x raisons la série a complètement disparu. L'éditeur à rendu les droits à certains auteurs mais pas les miens curieusement (rire). Thibault GEROFF qui est chez « J'ai lu » m'a dit « Écoute j'aimerais bien publier le livre parce qu'on l'a ». J'ai dit pas de problème. On s'est mis d'accord pour que j'intervienne sur le texte car il s'était passé "le 11 septembre 2001" depuis, les événements avaient évolué politiquement. J'ai essayé, je ne suis pas intervenu beaucoup, de tenir compte de ce qui c'était passé depuis car il avait été publié en 1999 ou en 2000. Le monde avait un peu changé.

Graine d'immortels fait partie d'une collection ayant pour héros un même personnage principal, Mark Sidzik, du comité international d'éthique et de recherche, un peu à l'image du Poulpe. N'est-ce pas trop contraignant de chausser ses plumes dans celles d'autres ?
On en accepte le principe. J'aime bien être provoqué et c'est une forme de provocation de dire ce personnage t'es imposé, fais-en quelque chose avec. De la même façon que quand j'écris mes nouvelles, je ne suis pas un nouvelliste naturel, je ne vais pas spontanément faire une nouvelle. Mais si on me dit tiens il faut faire une nouvelle sur le bottin (Tiens c'est rigolo d'essayer de faire un truc sur le bottin (rire)). Un sujet imposé, une anthologie, j'aime beaucoup cela car il y a un coté figure imposée comme au patinage artistique. Est-ce qu'on va être capable de faire quelque chose de créatif avec quelque chose d'imposé ? A partir du moment où j'ai accepté de participer à « Quark Noir », j'en accepte les contraintes qui sont d'utiliser un personnage imposé même si par moments il m'embête, même si j'ai envie de le flinguer (rire). Je trouve intéressant de confiner sa créativité dans un cadre déjà préétablit. C'est un bon exercice. Par moment c'est même jubilatoire car on se dit qu'est-ce que les autres vont faire, comment je vais me démarquer tout en gardant la spécificité du personnage. Avec ce cadre, j'ai eu une très grande envie de les envoyer en Inde et je me suis éclaté à parler de ce pays.

Vous y parler justement avec beaucoup d'amour de l'Inde. Est-ce un pays qui vous a marqué ? Qu'est-ce qui vous attire dans ce pays ? Vous y avez vécu, je crois non ?
J'y ai pas vécu mais quand j'étais jeune, vingt ans, j'ai été faire un séjour là-bas. C'est un pays qui m'a beaucoup marqué. C'est un voyage qui m'a quelque part transformé. C'est un pays qui ne laisse pas indifférent. J'ai connu des gens qui mettait le pied là-bas et qui repartait le lendemain tellement c'est un truc un peu spécial. Je ne sais pas si vous y êtes allé ?

Non, mais c'est un pays grouillant de vie
Il se passe toujours quelques chose. Cela vit en permanence. C'est une sensation une peu indescriptible. Comme j'ai des tendances naturellement mystiques, c'est un pays qui exalte ces valeurs là. Donc je me suis senti bien là-bas. En occident la vision de la religion a brisé mes élans spirituels que je ressentais quand j'étais gosse et je les ai retrouvés là-bas. Donc j'ai une tendresse très particulière pour ce pays. J'y retourne d'ailleurs au mois de janvier.

Graine d'immortels donne justement envie d'y aller
Ce n'est pas facile pourtant

Justement les voyages les plus difficiles sont souvent les plus marquants
C'est la valeur de l'épreuve. C'est un pays un peu initiatique.

La chronique des ombres

1ère série en mp3. Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce projet ? D'où est venue l'impulsion de départ ?
Ce sont les gens de MP3Minutes qui m'ont contacté. Ils cherchaient un auteur pour développer ce concept là. L'idée était de proposer quelque chose d'alternatif à la musique sur le support Mp3. Donc l'idée du feuilleton audio est venue automatiquement. Comme ils voulaient plutôt une histoire futuriste, ils ont pensé à des auteurs de Science-fiction et ils m'ont proposé l'aventure. On s'est rencontré, on s'est mis d'accord. J'ai réfléchi sur une idée et après plusieurs réunions on s'est mis d'accord sur le projet. J'ai commencé à écrire le premier épisode avec pas mal d'erreurs car j'ai des réflexes de romancier dont il fallait se débarrasser car ce n'est pas du tout le même support. L'auditeur est beaucoup plus volatile que le lecteur. Il s'en va très vite donc si on l'embête avec un passage esthétique  de trois pages il part très rapidement (rire), il remet de la musique. Il a fallu adapter l'écriture pour la rythmer et l'adapter à ce support. Çà été un vrai boulot. Un univers qui s'est petit à petit étoffé et rempli de tas de choses. Car on avait prévu plusieurs saisons donc il ne fallait pas aller trop vite.

Justement sur la couverture, on parle de saison 1. Combien y en aura-t-il ? Et quand sortira la suite ?
Au moins deux mais le projet est un peu encalminé car économiquement on ne sait pas encore s'il est très viable. Mais il a encore beaucoup de matière. Après il faut travailler énormément les dialogues car cela va être dit par des comédiens donc il y a un rythme de théâtre à trouver. Après il y a des passages récitant pour décrire l'action. Au début je faisais des passages trop longs donc j'ai contourné la difficulté en faisant appel à des récitants qui racontent leurs propres histoires. Donc cela a été tout un travail qui m'a beaucoup passionné mais qui m'a pris beaucoup de temps.

Y-a aura-t-il une parution livre ?
On attend de voir ce que devient la série, de voir si elle trouve sa place et son économie se stabilise. Le livre, on verra après.

Les Utopiales

Quel est votre lien avec ce festival ?
Je suis président de l'association qui organise le festival. Je suis là depuis 2001. En 2000, j'étais au États-Unis et parce que les hommes politiques sont des gens malins, j'ai reçu une lettre de la mairie de Nantes qui me demandait si je voulais prendre la présidence de l'association. C'était Mireille RIVALLAND  l'éditrice de l'Atalante qui était la présidente à l'époque et elle ne voulait pas continuer. Ils voulaient quelqu'un de la région (ce que je suis), quelqu'un du milieu (ce que je suis également) pour présider le festival. J'ai eu la faiblesse de dire oui et voilà c'est ma huitième édition en tant que président.

Cela représente un gros travail ?
Au début on m'a dit ne t'inquiète pas tu n'auras rien à faire (rire), histoire de rassurer. Et puis c'est vrai que l'on avait au début un programmateur artistique qui était Patrick J.GYGER. Il s'occupait d'à peu près tout et on avait juste des réunions pour valider ou discuter de ces choix. Et puis l'organisation a changé, Patrick n'est plus qu'un membre de l'association car il ne pouvait plus car il avait trop d'activité. Du coup c'est l'association qui se charge de programmer. Donc on  commence à vraiment avoir du travail (rire), à faire des réunions. L'association se charge particulièrement des auteurs littéraires car on a un programmateur pour la partie cinéma Jean-Marc VIGROUX qui est spécialisé là dedans. Tout ce qui est invitation des auteurs, tables rondes et tout le reste c'est du ressort de l'association. Si ce n'est pas bien c'est de notre faute (rire). Donc tout cela prend de plus en plus de temps.

On est dimanche matin, le festival touche à sa fin. Comment avez-vous trouvé le cru 2008 ?
Je l'ai trouvé excellent. On a un problème avec la Toussaint, suivant la répartition des jours fériés. Cette année on n'en avait qu'un c'était le samedi. Quand on en a deux c'est beaucoup mieux car cela permet un étalement de la fréquentation

Effectivement samedi c'était bien chargé
Très chargé samedi comme on est un peu plus creux jeudi et vendredi cela fait une moyenne. Du coup samedi on est presque limite des conditions de sécurité. C'est très bien je suis super ravi de voir des files d'attente partout. Mais avec un jour férié de plus le lissage de la fréquentation est préférable mais malheureusement on ne peut pas changer le calendrier. Sinon globalement on est super contents. On voit que la fréquentation ne faiblit pas, les plateaux sont de bonne qualité...

J'ai rencontré certains auteurs hier et ils étaient tous unanimement ravis par la qualité de l'organisation et la qualité des intervenants et des débats.
Les auteurs étrangers sont plutôt ravis.

J'en ai discuté hier avec Karen Miller et elle était aux anges
C'est bon pour nous car quand on invite des auteurs étrangers ils demandent à leurs collègues pour savoir comment c'était. Donc s'ils sont enthousiastes c'est plus facile après de convaincre certains auteurs de venir. Gibson a été dur à convaincre de venir cette année.

A titre personnel, je connaissais Richard Morgan l'écrivain et j'ai découvert le personnage...
Il est super hein

C'est un sacré personnage
Oui, j'aime beaucoup Richard.

Ceux qui sauront

C'est le premier livre de cette nouvelle collection « Uchronie » Flammarion. C'est Flammarion qui vous l'a proposé ? Comment cela s'est passé ?
Non, j'ai un ami qui s'appelle Alain Grosset qui s'occupe beaucoup de littérature jeunesse. Il me tournait autour depuis quelques années « J'aimerais bien travailler avec toi... ». Un jour, il m'appelle triomphalement chez moi en me disant qu'il avait vendu l'idée Ukronie chez Flammarion et qu'il aimerait que je fasse le premier. Et comme c'était l'uchronie et que je m'intéresse à l'Histoire, je me suis laissé convaincre assez facilement. Puis on a négocié les conditions comme d'habitude et après le projet a été lancé. J'ai réfléchis pour proposer un sujet qui donc a été l'école, le renversement de la troisième république, la restauration de la monarchie et donc la fin de Jules Ferry et de ses lois sur l'école. Et même l'interdiction totale de l'école aux gens du peuple. C'est aussi une réflexion sur les acquis que l'on peut perdre très facilement. Je pense que l'uchronie est un super genre pour parler en creux du présent, avec l'abime que cela crée par rapport à notre histoire à nous. Dans « Ceux qui sauront » en 2008, on vit sous le règne de Jean IV en monarchie dans la capitale Versailles. Il y a donc eu quelques changements (rire). C'est plutôt amusant et intéressant à faire. J'aime beaucoup.

C'est que l'uchronie c'est un sous-genre qui existe depuis longtemps mais en ce moment on sent vraiment que c'est dans l'air du temps.
Je pense qu'il y a une réelle nécessité de réfléchir à l'Histoire parce que vu ce qui se passe actuellement où l'on ne sait plus très bien où on en est des acquis. On est en train de perdre tout cela, cela va très vite. Il y a un vrai besoin. Cela peut servir de base de réflexion à ce qui se passe actuellement. Cela  va tellement vite encore une fois que l'on n'a pas le temps de réfléchir, on est en train de gober plein de choses sans savoir ce que l'on gobe.

On n'a plus le temps de l'analyse maintenant.
Exactement et ce sont souvent dans les romans et particulièrement dans ceux de Science-fiction que l'on a ces bases de réflexion. Donc c'est important.

Quelles différences faites-vous quand vous écrivez un livre jeunesse ? Sur la taille par exemple ?
Non, sur la taille je n'avais aucun impératif, le livre fait 350 pages donc une taille normale. En gros, j'évite de commencer par une scène pornographique (rire). Et c'est tout. Je suis un romancier donc une fois que je suis dans la logique du roman, je suis installé dedans et je ne réfléchis plus à qui je m'adresse. J'essaie de faire la meilleure histoire possible pour le plus de lecteurs possible car il parait dans une collection jeunesse mais il y a plein d'adultes qui le lisent et y prennent du plaisir. Et c'est cela le principal pour moi.

Divers

Vos derniers coups de cœur ?
C'est toujours la question où j'ai des blancs à ce niveau là. Il y a un livre qui m'a fait beaucoup vibrer mais qui n'est pas du tout Science-fiction qui s'appelle « Shantaram » de Gregory David Roberts. Le roman se passe en Inde, à Bombay. C'est un pavé de 900 pages écrit par un australien. C'est mon plus beau moment de lecture depuis très longtemps.



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