Anne Robillard







Janvier 2008

 




 

Commençons par le petit rituel de présentation : Qui êtes-vous Anne Robillard ?
Je suis une femme qui a eu le bonheur de voir son plus grand rêve se réaliser : vivre enfin de sa plume. Née au Québec, je suis la fille d'un comédien et d'une danseuse de ballet classique. J'ai donc grandi dans un milieu favorable au développement de ma créativité. Ma famille m'a toujours encouragée à écrire.

 

Comment vous est venue l'envie d'écrire ? Les débuts ont-ils été difficiles ou au contraire conte de fée ?
J'ai commencé à écrire à l'âge de six ans, dès que j'ai su lire. J'ai tout de suite compris qu'en alignant des mots sur une plage blanche, on pouvait raconter une histoire. Je n'ai jamais cessé d'écrire ensuite. Le conte de fée s'est cependant fait attendre, dans mon cas. Puisque j'écrivais déjà de la fantasy il y a trente ans et que ce style littéraire n'était pas encore à la mode, j'ai essuyé beaucoup de refus de mes manuscrits de la part des éditeurs. Il a fallu Harry Potter pour montrer aux éditeurs d'ici que les lecteurs avaient envie de lire des romans fantastiques. C'était enfin ma chance.


Comment sont nés les Chevaliers d'Emeraude ? Comme JRR Tolkien, vous avez crée non seulement une histoire et des personnages, mais tout un monde avec ses peuples, ses légendes, son histoire...
Le ciel m'a fait cadeau d'un type particulier d'inspiration : la nuit, je rêve les histoires que j'écris. J'ai « vu » celle des Chevaliers d'Émeraude en l'an 2000. C'est le grand Chevalier Wellan qui me l'a contée cette nuit-là. Je me suis réveillée et j'ai noté tout ce qu'il m'avait dit. En fait, il venait de faire le croquis sur la toile et je n'ai eu qu'à y ajouter de la couleur. La création de cet univers est parti de ce noyau et s'est poursuivie pendant plusieurs mois. C'est en rédigeant tout récemment le livre compagnon de la saga (qui s'intitulera « Enkidiev, un monde à découvrir ») que j'ai vraiment pris connaissance du chemin que j'avais parcouru depuis ce rêve.

 

Lorsque vous avez commencé le tome 1 (Le Feu dans le Ciel), aviez-vous déjà toute l'histoire en tête ou au contraire s'écrit-elle au fur et à mesure ? (rappel : la saga en est déjà à son 11e tome au Québec)
Grâce à Wellan, je connaissais déjà les grandes lignes de la saga et j'en avais aussi vu la fin. Le lendemain de ce rêve, j'ai repris mes notes de la nuit et j'en ai fait un plan qui comptait des centaines de chapitres. J'ai rapidement compris que cette guerre ne pourrait pas être racontée en un seul roman. Je les ai donc divisés en tomes, selon l'âge de Kira. Il y en avait 11 au départ. C'est Wellan qui a rajouté le cinquième en décidant, à la fin du tome 4, qu'il devait à tout prix aller chercher les femmes qui avaient été enlevées. Eh oui, certains personnages prennent réellement vie. Depuis le début de l'écriture de la saga, en l'an 2000, je suis fidèlement mon tout premier plan. J'ai apporté quelques modifications à certains passages, mais la trame de fond est restée la même.


Parlons un peu des Chevaliers : Ils vivent en communauté, ont le droit de se marier même entre eux, d'avoir des enfants, leurs écuyers sont aussi un peu leurs « enfants ». Ce coté « grande famille » ne devient-il pas un peu sectaire ?
Oui, d'une certaine façon. Mais pour comprendre la décision du Roi d'Émeraude de procéder ainsi, il faut se rappeler que les premiers Chevaliers d'Émeraude étaient des mercenaires sans aucune discipline. C'est pour éviter les erreurs du passé que le magicien Élund et Émeraude Ier ont établi des règles aussi strictes.


Le Code est essentiel dans l'ordre de la Chevalerie. Pourtant Wellan, qui en est le chef, le traite parfois par-dessus la jambe. Pourquoi ?

Comme le dit si bien le magicien Élund, Wellan aurait dû être roi et non serviteur du peuple. C'est dans la nature de Wellan de transformer les règles en fonction de son expérience et de la situation qu'il doit affronter. Il est le personnage le plus novateur de la saga. Il comprend l'importance pour les membres de l'Ordre d'adhérer aux règlements du Code, mais il sait aussi que ceux qui refusent de changer ne font pas vieux os.

 


Le personnage de Kira est central dans l'histoire. Comment fait-on « grandir » une héroïne au fil des livres ?

J'ai justement divisé les tomes en fonction de son âge, en tenant compte de son évolution particulière. Non seulement Kira a la peau mauve et des griffes, mais elle n'a pas été élevée comme les autres enfants. Surprotégée par le roi et sa gouvernante, elle a d'abord vécu une vie de petite princesse. C'est son désir de devenir Chevalier qui lui a fait franchir les étapes nécessaires à la réalisation de son rêve. Ce ne fut pas facile pour cette enfant gâtée d'acquérir de la discipline. Kira est d'abord et avant tout un exemple de persévérance. Elle nous prouve qu'on peut faire n'importe quoi avec de la détermination.

Au Canada, les Chevaliers d'Emeraude est un véritable phénomène : des bébés sont baptisés des prénoms de vos héros, les livres sont enseignés dans certaines classes, chaque sortie et signature rencontrent un succès digne d'un concert rock ... Comment vivez-vous cet engouement pour vous et vos héros ? Par exemple, qu'est ce que cela fait de voir des lecteurs habillés en Kira ou Wellan, de les voir prendre vie ?
Je dois vous avouer que la première personne à porter l'uniforme des Chevaliers, ce fut moi... Je voulais que les gens voient que leur habillement n'était pas médiéval et, comme j'avais grandi sur les planches, porter un costume était chose normale pour moi !

En peu de temps, j'ai commencé à recevoir des demandes de fans de la série qui voulaient interpréter les personnages de la saga, en commençant par Wellan. C'est grâce à notre site Internet, créé en juillet 2003, que les gens ont pu se familiariser avec l'habillement, les armes et les valeurs des Chevaliers. J'ai alors commencé à recevoir des photos de jeunes déguisés en Chevaliers, le soir de l'Halloween. Puis les jeunes et les moins jeunes se sont présentés aux lancements et aux salons du livre habillés à la mode d'Enkidiev. Ces événements se sont rapidement transformés en véritables fêtes pour les fans et pour mes comédiens. J'ai alors compris l'impact de ma saga sur un siècle qui a besoin de héros, car il n'y en a plus. Des gens me demandaient même comment se rendre au Royaume d'Émeraude, car c'est là qu'ils voulaient vraiment vivre. Malgré le nombre croissant de lecteurs qui se déplacent pour me voir et rencontrer les Chevaliers, toutes les demandes que je reçois des professeurs d'utiliser les valeurs des Chevaliers dans leur enseignement, tous ces parents qui me font l'honneur de donner à leur bébé le nom d'un de mes personnages et tous les honneurs que je reçois, je suis restée humble et reconnaissante de mon succès. Je m'émerveille encore devant tout ce que m'apportent mes lecteurs et je prends le temps de les écouter. En fait, je pense que c'est ce lien que j'ai établi avec eux qui est la véritable clé de mon succès.

La saga a débarqué en France depuis quelques mois. Comment les Chevaliers ont-ils été accueillis par les lecteurs français ? Comment ont-ils été « découverts » et ramenés en Europe ?
C'est mon éditeur québécois qui en a parlé à Michel Lafon lors d'un voyage en France. Michel Lafon a alors fait lire les premiers tomes de la saga à des jeunes qui ont tout de suite voulu lire les suivants. Ils ont donc décidé de tenter le coup en France. En novembre dernier, j'ai participé au Salon du livre de Montreuil où j'ai emmené les Chevaliers Santo, Chloé et Bergeau. Les réactions qu'ils ont suscitées partout où nous sommes passés nous ont tout de suite fait comprendre que la saga aurait le même impact en France qu'au Québec. Je reçois exactement les mêmes commentaires des fans français que je recevais chez moi lors de la sortie du tome 3. Je suis vraiment ravie de l'accueil des lecteurs français.


Il est apparemment compliqué pour les auteurs du Canada francophone de se faire connaître en France (Patrick Sénécal est l'un des rares, avec vous, à avoir franchi l'Atlantique). Comment expliquez-vous cela ?
En fait, il est compliqué pour les auteurs du Canada francophone de se faire connaître où que ce soit à l'extérieur du Canada. Mais la situation est en train de changer. Nous commençons à comprendre que nous avons tous quelque chose à apporter aux autres sur cette planète. Tout comme les Chevaliers, peu importe nos origines et la couleur de notre peau, nous sommes tous frères et sœurs d'armes et, au fond, nous voulons tous la même chose : vivre en paix et apprécier ce que la vie nous offre.

 

Auriez-vous une ou deux petites révélations à nous faire sur « La Princesse Rebelle » et la suite de la saga ?
Dans ce tome, il est question de trahisons, mais aussi de loyauté. Les Chevaliers ont laissé entrer le loup dans la bergerie et ils devront faire face aux conséquences de cette erreur. Le tome 4 marque aussi l'arrivée d'un nouveau personnage qui deviendra de plus en plus important tout au long de la saga. Vous apprendrez à l'aimer, puis vous le détesterez, et vous lui pardonnerez finalement ses faiblesses. Intrigués ?

 

Quels sont les auteurs qui vous on fait aimer la littérature ? Vos inspirations ?
Ce furent d'abord Gustave Flaubert pour le style et Homère pour l'aventure. Puisque je lis très bien l'anglais, j'ai ensuite découvert Tolkien, Stephen Lawhead et Michael Crichton. J'adore la créativité et la musicalité de Tolkien, le souci historique de Lawhead et l'exactitude scientifique de Crichton. Je viens aussi de découvrir Jack Whyte, que j'ai failli rencontrer au Salon du livre de Montréal !


Quels sont vos derniers coups de cœur musicaux, cinématographiques, littéraires ?
Je penche pour les trames sonores des films comme Gladiator, Kingdom of Heaven, King Arthur. Je les trouve très inspirantes lorsque j'écris. Du côté cinéma, j'aime le fantastique et l'historique, donc j'ai vraiment aimé le film 300. Du côté littéraire, comme vous vous en doutez, je n'ai plus vraiment le temps de lire. Cependant, ma nouvelle série A.N.G.E. m'oblige à éplucher des ouvrages religieux et scientifiques. J'ai hâte d'avoir un peu de temps à moi pour livre les derniers romans de Jack Whyte.

 

Quels sont vos projets pour l'avenir ? Que ferez-vous une fois terminée la saga des Chevaliers d'Emeraude (encore le 12e et dernier tome à paraître sauf erreur) ?
Ayant reçu des tonnes de courriels me suppliant de ne jamais arrêter d'écrire cette saga, j'ai longuement réfléchi à la façon de ne pas briser le cœur de mes lecteurs, puisque le tome 12 est le dernier de la série. J'écrirai donc une suite qui s'intitulera Les héritiers d'Enkidiev, qui se passera 10 ans après la guerre. Il y a encore tout un territoire à découvrir de l'autre côté des volcans et donc plusieurs aventures à y vivre.

Je suis aussi en train d'écrire une nouvelle série qui s'intitule A.N.G.E . (ou Agence Nationale de Gestion de l'Étrange). Le tome 4 sera publié en mars ou en avril cette année. J'aimerais enfin percer le marché anglophone avec les Chevaliers. J'ai d'ailleurs traduit moi-même les deux premiers tomes en anglais. J'aimerais également trouver un producteur qui m'aiderait à produire la saga au petit écran. Je veux aussi construire le Château d'Émeraude au Québec et y offrir des formations de Chevaliers et d'Écuyers afin que nous puissions un jour changer le monde.

 

Vous avez le mot de la fin ...
À tous les Chevaliers et Écuyers de ce monde, peu importe votre rêve, persévérez. Je suis la preuve qu'on peut réaliser ses rêves. Courage Honneur et Justice !

 Du même auteur : Biographie, chronique, interview

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