Nathalie Hug et Jérôme Camut

 

 
 
Nathalie Hug et Jérôme Camut

 


Bonjour, Nathalie et Jérôme, c'est avec beaucoup de plaisir que nous décernons le prix des chroniqueurs pour votre roman W3 - Le mal par le mal.

Prix des chroniqueurs 2016 (Plume Libre)

 

Quel a été le point de départ de l'aventure W3 ?
    Quand on se lance dans un nouveau roman, on sait Nathalie et moi que nous en avons pour une année de travail au minimum. Et davantage, si possibilité nous est offerte de raconter une très longue histoire. Cette fois, W3 allait nous embarquer pour quatre ans. Quatre ans, c’est long. C’est pourquoi il vaut mieux être absolument passionné, excité, sûr de l’intérêt de cette trilogie, et sûr à 100% qu’elle vaut le coup d’être écrite.

    Vous allez nous dire : tous les romanciers pensent que leur roman valait le coup d’être écrit !
Et vous n’aurez pas tort. Mais en ce qui nous concerne, il faut que les deux têtes du Camhug soient à 100% convaincues. Ça démultiplie les écueils, ça renforce les certitudes, et comme le Camhug est un être en amour (ok, ça ne veut pas dire grand-chose cette expression, « en amour » – on est deux, on s’aime, quoi !), bref, on peut se cracher toutes les vérités au visage, toutes les critiques, même les plus dures, sans se faire de mal. Quand on est sûrs, on l’est vraiment.

    À la base, on avait très envie de partir dans une histoire à multiples entrées, avec des personnages très différents, pas de véritables héros, juste des gens.
Ensuite, ça faisait pas mal de temps que nous cherchions un remplaçant au personnage de Kurtz, notre « méchant » des Voies de l’ombre. Et vu qu’il était assez charpenté, ce Kurtz, sacrément apprécié des lecteurs aussi… ce n’était pas simple.
En fouillant les thèmes de W3, en cherchant à bâtir un héros atypique, aussi aimable que détestable, mais pas psychopathe comme Kurtz, nous avons inventé Ilya Kalinine. À partir de là, le reste s’est imposé.
Pour terminer sur les origines de W3, c’est la vie qui nous a inspirés. La vie, l’actualité, le quotidien. On voulait se pencher sur la justice des hommes, l’injustice, les gens broyés par l’application de lois inadaptées, on voulait aussi parler de la violence faite aux femmes. À travers les agressions sexuelles dont elles sont victimes chaque jour, partout dans le monde, mais également à travers les réseaux de traite humaine. Des dizaines de millions de personnes sont prises au piège dans les rouages des mafias du sexe, de la prostitution, de la drogue.
La lecture du rapport mondial sur l’exploitation sexuelle, publié par la Fondation SCELLES, nous a donné une idée de l’étendue de ce fléau. C’est révoltant, révulsant, à peine croyable, mais c’est ainsi.
C’est pourquoi il nous semblait important d’en parler. Et cette thématique nous permettait également d’évoquer la législation autour de ce fléau, puisque chaque pays a ses propres lois en matière de prostitution.
Ce thème de la violence faite aux femmes est si lourd, si vaste et si difficile à aborder que nous avons choisi d’en parler crument, pour leur justice aux victimes et créer un choc, mais également à travers des personnages aux multiples tons et couleurs. Nous avions aussi besoin de nous marrer en écrivant, et nos lecteurs aussi.

 

Nathalie Hug et Jérôme Camut


Est-ce que le scénario a évolué en cours d'écriture ou êtes-vous restés fidèles à votre ligne directrice ?
    Au départ, nous avons écrit trois synopsis, un pour chaque tome. Chaque histoire proposait une résolution différente de l’affaire des pendus qui inaugure l’enquête de Sookie, notre fliquette préférée. Mais on n’a pas réussi à se tenir au carcan que nous nous étions imposé. Notez bien qu’un carcan, c’est fait pour qu’on cherche en permanence à s’en débarrasser ! Non ?

    Dans le premier tome, Le sourire des pendus, nous avions largement entamé le deuxième synopsis. On a alors revu notre copie et redirigé l’histoire.
Et puis, il y a eu l’actualité de ces 24 derniers mois, terrifiante, édifiante. Le monde a pris des tours dans l’horreur.
Bref, le monde a basculé et le plan de nos romans s’en est trouvé transformé.


Comment avez-vous créé la riche galerie de personnages qui est au cœur de W3 ? Avez-vous un personnage que vous affectionnez plus particulièrement parmi eux ?
    Les personnages sont les moteurs d’une histoire. Plus important qu’eux ? Y’a pas !

Comment on fait ? Excellente question….
Au départ, nous avons été très marqués par le suicide collectif par pendaison d’une famille française. Des parents et leurs deux enfants. Ça nous a aussitôt paru intriguant. Qu’est ce qui peut pousser 4 personnes à disparaitre comme ça ?
Et puis, il nous fallait une enquêtrice attachante, hors pair.
Sookie existe, elle ne travaille pas dans la police, mais elle est physio pour des palaces de la côte d’azur. Sa mémoire exceptionnelle lui permet de reconnaitre des gens qu’elle n’a pas vus depuis dix ans, et de se souvenir exactement dans quelle circonstance elle les a rencontrés. Qu’ils aient changé, qu’il ait grossi, minci n’a pas d’importance. Elle sait qui ils sont.
Dans la trilogie, Sookie est l’incarnation de la droiture, de la justice, celle qui ne basculera jamais du côté sombre.
Comme nous aimons les histoires à entrées multiples, il nous fallait une seconde héroïne, miroir de la première. Lara, ou comment une jeune femme « normale », peut être tentée de basculer du côté du mal après avoir été violemment agressée.
Chacune d’entre elle va être soumise à rude épreuve sur les trois tomes. Et chacune aura sa propre réponse à l’agression.
Ce qui pose l’éternelle question : comment survivre après un viol, après le meurtre d’un enfant, d’un proche ? Qu’est-ce qui nous fait tenir ? Pardon, vengeance, oubli ? Sommes-nous tous capable de résilience ?
Et puis, ces deux héroïnes ont un clan, une famille présente au début du roman, ou construite au fur et à mesure de l’histoire.
Au début du sourire des pendus, Sookie est brouillée avec son père, Léon.
Ce personnage, c’est un peu notre fil rouge, le type qui râle, l’esprit libre, le trublion. (On retrouve chez lui des caractéristiques d’un des héros de Malhorne.)
Quant à Lara, elle est plus entourée. Proche de son jeune frère, Valentin, et de leur grand-mère, Carmela, mais également de son producteur, Arnault de Battz qui lui-même a un amoureux.
Ensuite, il fallait des flics pour aider nos amis dans leurs galères, des méchants pour qu’il y ait de la tension.
Vous voyez, c’est comme au marché, on choisit les personnages dont on a besoin pour donner du corps à l’histoire comme on choisit les légumes pour la soupe ! Enfin presque…
Après, il faut les fouiller ces personnages, leur donner l’apparence de la vie. Pour ça, soit on invente, soit on prend des éléments chez des gens qu’on connaît, ou des morceaux de personnes médiatiques, ou alors c’est un mélange de tout ça. Ce qui est certain, c’est qu’on finit par vraiment les aimer, nos personnages. Faut dire, au bout de quatre ans, ils sont devenus des potes, voire des amis.
Ça ne va pas être simple de les quitter. (Comme ce n’est jamais simple de les tuer, d’ailleurs.)
Pour notre « bad guy », Kalinine, on a énormément travaillé. Avant même de commencer à écrire le tome 1, nous nous sommes penchés sur la genèse de ce personnage – qui n’apparait d’ailleurs que très peu au début pour devenir ensuite un personnage central de la trilogie. Comment un gosse tout mignon devient-il un assassin multirécidiviste ? Qu’est-ce qui le motive ? C’est quand même plus simple dans la vie de trouver un boulot intéressant, bien payé, et de vivre peinard, non ?
Pour que Kalinine soit crédible, cohérent, nous devions tout connaître de lui, même si on le voyait peu. Alors nous avons écrit son enfance, son adolescence, trouvé son point de basculement, choisi ses amis, ses ennemis, son amoureuse, ses douleurs, ses deuils. Au départ, nous pensions glisser son histoire par petites touches dans le premier tome.
Pas de place. Et puis, dans cet opus, Kalinine n’est qu’une ombre.
Pas de problème, s’est dit le Camhug, on mettra ça dans le tome 2.
Tome 2, nous avons pu glisser quelques chapitres de son passé, quand ils permettaient d’éclairer des séquences présentes, mais il n’y avait pas assez de place pour tout raconter.
Diable ! Ça commence à être chaud, s’est dit le Camhug, mais on est assez malin pour dégoter un peu de place dans le tome 3 ! (Un peu de place, on rigole, la vie des 20 premières années de Kalinine est un doc de 150 pages !)
Tome 3, pas de place. Du tout.
Mince alors ! On ne va quand même pas mettre cette belle histoire à la poubelle !
Heureusement, solution nous a été apportée par nos partenaires éditeurs. La vie de Kalinine paraîtra au Livre de poche sous le titre : « Ilya Kalinine » dans une collection nommée Préludes qui publie des textes inédits – en 2017, probablement juste après la sortie du tome 3 en poche.

Nos chouchous ?
Pour Nathalie, préférence non négociable pour Ilya Kalinine, puis pour Lara et Valentin. Mention spéciale pour Jo Lieras.
Pour Jérôme, préférence pour le duo de comiques Léon / Hervé, et puis Sookie.


Où en est la suite de l'aventure W3 ?

    Elle est achevée, entre les mains de l’éditeur – qui a dit « génial ! » après l’avoir lu.
Ouf…
C’est un gros bébé de 765 pages qui s’intitule Le calice jusqu’à la lie. On a passé l’année dessus. On a sué sang et eau, et on en est très fiers !
Parution fin mars 2016.


On vous laisse le mot de la fin.

    W3, c’était un bonheur tout au long de l’écriture, la sensation de rentrer chez vous avec nos personnages, de partager des moments forts avec chacun de vous. Ça n’est jamais simple de livrer près de 2000 pages d’une histoire, de se lancer dans une trilogie où forcément, on perd des lecteurs à chaque nouveau tome.
Mais, nous, les Camhug, on aime les grandes histoires, de celles où on se plonge avec délice, en espérant que ça ne finira jamais. Alors ce prix Plume Libre des chroniqueurs, il nous dit une chose vachement chouette : c’est que vous aussi, vous aimez qu’on vous raconte de longues histoires.
Eh bien nous, on vous dit : merci.

 

  Du même auteur Nathalie Hug: Biographie, chronique, interview
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