Emmanuel Despujol

 

 

 

Emmanuel Despujol

 

 

 

Bonjour Emmanuel Despujol, notre première question est devenue un rituel, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur qui est Emmanuel Despujol ?
Je me souviens d'un moment, alors que j'étais dans une des premières classes élémentaires, du réel plaisir que j'ai ressenti en faisant mon dessin. La satisfaction d'arriver à représenter ce que j'avais à l'esprit.
Depuis, je n'ai jamais plus lâché mon crayon et j'ai libéré mon imagination. Je suis un grand rêveur et le dessin est un exutoire sans pareil.


Comment êtes-vous venu à la bande dessinée ? Êtes-vous un auteur qui dessine ou un dessinateur qui est devenu auteur ?
Le dessin fait partie de ma vie depuis toujours, mais il y a peu de temps que je me suis mis à organiser mon imagination en histoires. Comme j'ai dû apprendre à le faire dans les livres. Et depuis, ces univers, ces images et sensations qui peuplent mon imagination, je les ai dompté pour en tirer des récits. Et c'est un plaisir sans pareil, au moins aussi grand que de les dessiner. Chronologiquement, je suis un dessinateur qui est devenu auteur, mais j'aime autant faire l'un que l'autre.


Pouvez-vous nous présenter un peu l'univers du Dixième Peuple ? Comment est née cette histoire ?
Les histoires du Dixième Peuple sont issues de la mythologie égyptienne. Lors d'un précèdent projet, qui n'a pas (encore) été édité, sur les raisons de la construction des pyramides, je me suis plongé dans cette mythologie. C'est très naturellement que j'ai voulu la raconter... à ma manière. Pour avoir suffisamment de liberté tout en restant cohérent avec ce que tout le monde connaît, j'ai pris comme point de départ que ces mythes étaient le souvenir d'un passé lointain et révolu. Je raconte un monde qui a précédé notre ère où des peuples se sont battus pour leur survie avec une force telle que ce souvenir nous les fait prendre pour des dieux. D'où le pitch, “la mythologie des mythologies”.
 
Le dixième peuple - Tome 1 : Aha        Le dixième peuple - Tome 2 : Dahouty

Pourquoi le thème de la religion est-il au coeur de votre récit ? Est-ce une préoccupation personnelle ou un axe narratif intéressant ?
Ni l'un ni l'autre, dans le sens où cela n'a pas été une volonté de ma part. Cela c'est imposé naturellement car les mythologies sont les histoires des dieux. Il est donc normal que la religion soit au coeur du Dixième peuple. Mais d'un autre côté, la religion fait partie de l'actualité, de notre quotidien et de nos préoccupations. Quelque soit notre religion, que l'on soit croyant ou non, cela suscite toujours beaucoup de questions. Qui ne se pose pas de questions sur la religion aujourd'hui ? Il me semble aussi que cela a toujours été le cas depuis que l'homme est homme et cela était d'autant plus vrai du temps des Egyptiens. Cependant, Le Dixième peuple ne se bat pas contre les religions, mais contre l'interventionnisme des dieux par le biais de la magie et des clergés qui en disposent. Le thème est pour moi, celui de la liberté. La liberté d'agir et de penser.

Aha a des points commun avec un personnage bien connu de Game of Thrones à savoir Tyrion Lannister (fêtard, frondeur, indépendant...). Est-ce un hasard ou un clin d'œil ?
Cette fois-ci, un peu des deux ! Je connaissais et appréciais grandement cette série et les livres quand j'ai écrit Le Dixième Peuple. Je ne pouvais pas le faire sans penser à Tyrion. Au début de mon écriture, j'ai pris l'ensemble des dieux égyptiens pour les étudier et voir quel rôle ils pouvaient avoir dans mon histoire. Quand je suis tombé sur Aha “le combattant”, un dieu ancien, lié à la musique et aux chansons, protecteur des femmes enceintes et souvent représenté avec ses attributs virils apparents... L'occasion était trop belle.


Est-ce que, dès le départ, l'histoire était pensée pour être en deux tomes ?
La mythologie égyptienne ne tient pas en deux tomes. Au départ, j'avais centré ma narration sur Dahouti qui est le nom d'origine du dieu Thôt. C'est un dieu important et hors norme, car il prend la relève du dieu Ra quand celui-ci prend sa “retraite”. La transformation du monde dans mon histoire se fait à cause ou grâce à lui. Il me semblait normal de le suivre le long du récit que j'avais prévu en dix tomes pour faire écho au titre, pour aussi avoir le temps de passer par les dix peuples afin de bien les connaitre et pour avoir le temps d'embrasser largement la mythologie égyptienne. Mais j'ai eu peur d'effrayer les éditeurs en proposant un récit aussi long. J'ai donc changé mon point de vue et je raconte l'histoire de Dahouti par les yeux des témoins. En recentrant la narration sur une succession de personnages secondaires, j'en ai fait une série à épisodes plutôt qu'une série à suivre. L'éditeur ne pouvait alors s'engager que sur une histoire à la fois. Ce qui a été le cas. La première fait deux tomes, car elle met en place l'univers, ce qui n'est pas une mince affaire, tout en racontant l'histoire du premier témoin: Aha. Et pour compléter la réponse à la question précédente, le choix d'un nain gouailleur et bon vivant me semblait un excellent choix pour démarrer la série.

Qu’aimeriez-vous dire aux lecteurs qui n’ont pas encore lu cette histoire ?
L'étiquette d'héroic-fanstasy est collée au Dixième Peuple par défaut. Cela ne fait pas partie de ma culture et donc je raconte mon histoire sans influences et, d'après ce que j'ai compris, assez loin de ce qui se fait actuellement. Cela m'a probablement desservi mais j'aime bien l'idée d'être en dehors des sentiers battus. J'ai la grande satisfaction d'avoir un public très large. Les lecteurs de 10 ans et plus apprécient les péripéties de mes personnages animaliers. Des adultes de tout âge et des deux sexes y trouvent une histoire plus consistante et moins convenue. Si j'ai un conseil à donner à ceux qui ne connaissent pas Le Dixième Peuple, je vais reprendre ce que j'entends souvent en festival: “ce n'est pas ce à quoi on pourrait s'attendre! “

Pouvez-vous du coup nous parler de la campagne de financement participative qui entoure le troisième tome ?
Nos librairies regorgent d'ouvrages BD et un “jeune” auteur comme moi à du mal à y faire sa place. Mes deux premiers albums ont rencontré un plutôt bon accueil critique, mais qui n'a pas été accompagné par les ventes escomptées par mon éditeur. Comme il ne pouvait envisager un tome trois dans l'immédiat, ce que je comprends très bien, et encouragé par l'accueil des lecteurs que je croise lors de mes déplacements, j'ai pris l'initiative de lancer une souscription sur la plateforme Ulule pour financer le tome trois et un tirage de Tête réservé aux souscripteurs. Cette opération va me permettre de réaliser l'album qui pourra sortir ensuite en librairie chez le même éditeur que les deux premiers, les éditions Paquet. Je ne pouvais pas me résoudre à abandonner cet univers sur la base d'un mauvais démarrage.

D'un point de vue général, comment percevez-vous l'état de la BD française et étrangère en cette fin d'année 2015 ?
Vaste sujet récurrent auprès des autres auteurs que je croise... En tant que lecteur, je trouve que la prolifération des sorties s'accompagne heureusement d'ouvrages de grande qualité. Il est seulement plus difficile de faire le tri parmi les sorties toujours plus pléthoriques. En tant qu'auteur, l'augmentation de la production m'a probablement permis d'être édité. Mais inversement pas permis d'être bien vendu. Face à cela, je préfère chercher un nouveau modèle économique que d'abandonner. Cf. plus haut.

Êtes-vous vous-même lecteur et quels sont vos livres/BD de chevet et vos derniers coups de cœur ?
Même si j'ai rencontré des auteurs qui n'ont pratiquement pas lu de BD, ce n'est pas mon cas. Je suis tombé dedans aussitôt que je me suis mis au dessin. C'est dire. J'ai “quelques” albums, je continue à lire. Beaucoup moins depuis que j'en fait. Mes derniers achats s'accumulent sur ma table de nuit. Vous y trouverez le magnifiqueUndertaker de Ralph Mayer et Dorison à coté de Stern de mon ami Julien Maffre, qu'il me tarde de pouvoir ouvrir. puis pêle-mêle: Bouffon de Porcel et Zidrou, Fatale de Max Cabanes, Hommes à la mer de Riff Rebs, Expérience mort T3, Gung Ho T2, Chronique des immortels T5...

Avez-vous d'autres projets en dehors du tome 3 du dixième peuple ?
Trop... Pour l'instant, j'ai la chance de vivre une expérience très agréable. Grâce à Thierry Gloris, je voyage dans un univers où je ne serais pas allé naturellement: la toute fin du 19ème siècle en faisant le tome 5 d'Aspic chez Quadrant/Soleil. Après le trait admirable de Jacques Lamontagne, je reprends humblement le flambeau. J'espère faire ensuite le tome 3 du Dixième peuple. En parallèle, je fais un album jeunesse sur l'enfance d'un des personnages du Dixième Peuple. En dehors d'Aspic que j'espère bien continuer, j'ai sous le coude plusieurs projets, dont une petite série avec David Ratte au scénario que je ferai chez Paquet, et une histoire personnelle de hard SF déjà écrite quand j'aurai un peu de temps libre...


Merci beaucoup, Emmanuel, nous vous laissons le mot de la fin.
Comme vous l'imaginez, ma préoccupation principale ces jours-ci est de mener à bien ma campagne pour le tome trois du Dixième Peuple. Maintenant que vous me connaissez mieux, j'espère que vous aurez l'envie ou la curiosité d'aller jeter un œil sur le site ! Je vous redonne le lien pour mémoire. ( https://fr.ulule.com/dixiemepeuple-tome3/ ). Autrement, rendez-vous en septembre prochain pour le tome cinq d'Aspic. Et peut-être aussi pour le tome trois du Dixième Peuple ?

 

 

 

 

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