Isabelle Desesquelles

 




Isabelle Desesquelles



Bonjour Isabelle Desesquelles, c’est l’heure du petit rituel de présentation… Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous ?
     Bonjour. Que vous raconter... que dans la vie civile j'ai retranché un L à mon prénom? Isabelle devient Isabel, peut-être pour dire plus encore combien la fiction me donne des ailes! C'est alors que je lisais un Club des cinq, l'été de mes huit ans, m'identifiant bien sûr à Claude le garçon manqué et... fille réussie, que j'ai compris que j'étais bien mieux avec les livres. Comme pour grandir, il me faudrait trouver comment ne pas les quitter une seconde. Ensuite tout n'a été que lecture et littérature jusqu'à quasi vivre dans une librairie.


Comment est venue votre passion pour l'écriture ?
     Je dirai plutôt que c'est une façon de respirer. L'écriture a commencé dans cette vie parallèle que je mène depuis l'enfance, une vie invisible pour les autres,
silencieuse et qui n'est qu'un cri. Quand tout cela devient trop assourdissant dans ma tête, j'écris. J'ai d'abord beaucoup voyagé pour écrire, je partais seule, choisissant des destinations loin du bruit du monde. J'emportais un carnet, un crayon et c'est là que l'écriture a commencé. Face à la mer ou dans le désert et toujours le plus profond silence. Puis, j'ai écris la nuit dans une librairie et ses 100 000 livres, c'était extraordinaire, j'avais trouvé les clés du trésor. Aujourd'hui, j'écris face à une nature encore sauvage, je crois avoir trouvé où respirer le mieux.


Les hommes meurent les femmes vieillissent - Isabelle Desesquelles


Votre nouveau roman Les hommes meurent, les femmes vieillissent, vient de paraître aux éditions Belfond. Pouvez-vous nous le présenter et nous raconter votre parcours pour arriver jusque-là ?

     Les hommes meurent les femmes vieillissent est peut-être celui de mes romans qui contient tous les précédents. J'ai publié le premier Je me souviens de tout, il y a exactement dix ans et l'on retrouve aujourd'hui, celle alors qui en était déjà une figure centrale : Eve, l'absente. Il faut croire que son chagrin est lourd à porter! Disons qu'elle est mon fantôme préféré et réclame toujours une place dans mes livres.
J'aime explorer les choses cachées, écrire ce que l'on ne s'avoue pas. Et il y a à faire avec dix femmes... et leurs hommes. Comme elles appartiennent à la même famille, cela me permettait aussi de creuser un sillon, ma marotte, je l'appelle : la mémoire ancienne. Celle dont on hérite et qui se transmet génération après génération. Plus que de souvenirs, elle est faite de non dits, de secrets, c'est là que se tiennent souvent les personnages de mes livres, dans la faille. Après j'essaye d'écrire l'amour dans ce qu'il a de merveilleux et de redoutable et, pour Les hommes meurent les femmes vieillissent, je me suis attachée à comprendre pourquoi ceux que l'on a élevé deviennent parfois des étrangers, ou comment les enfants une fois adultes se posent en procureur de leurs parents. Que nos plus proches soient à un moment ou à un autre des lointains, continue de me troubler. Ecrire ce livre là, c'était partager ce trouble.



Vous décrivez à merveille les relations humaines, les sentiments, le manque, quel est votre recette ?
     Aucune recette, d'ailleurs c'est un mot que je n'aime pas, même en cuisine! Aucun dosage... juste une gourmandise, un appétit du détail qui dans la seconde devient toute une histoire. Je m'invite dans l'inconscient des autres, et à partir de là je peux tout imaginer, j'adore imaginer. Il me semble que l'émotion est la grande affaire, ce n'est pas simple les émotions et c'est passionnant.




Pourquoi avoir choisi l’univers d’un institut de beauté pour mettre en scène vos personnages ?
     Parce que c'est un formidable observatoire. Ses murs sont une véritable caisse de résonance. Parce que c'est le confessionnal de notre époque. Dans la cabine de soins on vient tout confesser sans même parler. On cherche un oubli, on vient sauver sa peau, et il ne s'agit pas de gommage, on y va pour y réhydrater sa capacité à l'enchantement, on s'y repulpe l'âme. La table de massage d'Alice agit un peu comme une chambre noire, elle révèle tout ce qu'il y a d'invisible en nous, toutes nos peurs aussi et nos espoirs.

 

De toutes ces femmes de laquelle vous sentez-vous le plus proche ?
     Ouh là! J'ai souhaité que toutes elles soient LA femme, ici et maintenant, à des moments clé de la vie, ces étapes que nous rencontrons nous les humains. La première à s'incarner alors que je commençais le livre a été Clarisse qui observe avec curiosité la défaite annoncée, ce qu'ont de cruels les renoncements; j'aime le désenchantement absolu de Clarisse. Et j'aime aussi la pétroleuse qu'est Lili, l'octogénaire qui ne dételle pas côté plaisir, qui ose la liberté et se révélera une arrière-grand-mère épatante. J'aime Barbara, l'adolescente féroce qui ne passe rien à ses parents. Et il y a Judith, pour moi elle est la poésie faite femme, elle est une douceur. J'aime Alice, la jolie belle et j'aime avant tout Jeanne. Si je ne devais en retenir qu'une, ce serait elle, toutes je les ai écrites pour arriver à Jeanne.


En 2013 vous avez fondé une résidence d’écrivain, la maison De Pure Fiction, pouvez-vous nous en parler ?
     Son nom dit tout, non? Le lien d'une vie entièrement dédiée à la littérature. La maison d'écrivains a poussé sur une terre qui serait comme un vivier contenant ce qu'a de meilleur ici bas : il y a des biches, il y a un figuier, il y a des tables d'écriture dans la nature, la possibilité aussi de la rêverie, il y a des chemins où se perdre, il y a la voix lactée, tout cela a quelque chose de pur, d'intact, quel écrin pour écrire. Et il y a pour moi une force à le partager.



Êtes-vous vous-même une lectrice ? Quels sont vos derniers coups de cœur et/ou vos livres de chevet ?
     Mes livres de chevet se retrouvent souvent dans mes propres romans, Martin Eden dans Les hommes meurent, les femmes vieillissent, David Copperfield dans Un homme perdu, Tendre est la nuit dans Quelques heures de fièvre, Ada ou l'ardeur dans Fahrenheit 2010 et Le comte de Monte Cristo dans La vie Magicienne. Actuellement je lis et relis Les Misérables.



Quels sont vos projets ?
     Quelle question, écrire! Et juste d'y répondre c'est un sourire.



Merci beaucoup Isabelle Desesquelles, nous vous laissons le mot de la fin.
     "Elle gardait l'espoir infaillible de ne jamais faillir", c'est Henry james, c'est Un portrait de femme.

 

 Du même auteur sur Plume Libre : Biographie, chronique, interview 

 

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