Hervé Commère

Hervé Commère




Juillet 2014

 



Hervé Commère



A chaque fois que l’on se lance dans la lecture d’un de vos romans, c’est la grande inconnue pour le lecteur. Quel est votre secret pour nous surprendre encore et encore ?
Merci pour le compliment, même si je ne le fais pas vraiment exprès. J'ai envie d'écrire une histoire intéressante et qui donne envie de poursuivre, j'ai envie qu'il y ait des rebondissements. Mes personnages sont toujours en quête de quelque chose, et en lutte. Ils se battent. Le but est que le combat du personnage devienne aussi celui du lecteur, qu'on tourne les pages en respirant avec lui, qu'on s'envole avec lui quand il gagne, qu'on tombe avec lui quand il trébuche. Je crois que la surprise vient de là. Mais vous dire comment je fais, je ne sais pas vraiment. J'ai écrit Imagine le reste sans prendre mon temps, sans trop relire, comme vivent les personnages, droit devant. J'y ai mis beaucoup de moi, c'est le roman qui me ressemble le plus. C'est peut-être pour ça que le roman surprend page après page : on sent les aspérités de la route et les virages.


Votre nouveau roman : Imagine le reste est sorti il y a peu moins d’un mois et bénéficie de retours très positifs. Que ressent-on lorsque son dernier « bébé » est accueilli de cette manière ?
Un plaisir immense, voilà ! Comme je vous le disais plus haut, j'ai écrit ce roman d'une façon complètement nouvelle pour moi : sans plan, sans savoir la suite.  Imagine le reste, c'est un peu ce que je me disais quotidiennement en me mettant à mon bureau. C'est le roman que j'ai pris le plus de plaisir à écrire. Le voir aujourd'hui se faire accueillir à bras ouvert, c'est la cerise sur le gâteau. Je l'ai senti avant même sa sortie, les gens de chez Fleuve étaient enthousiastes. Les premiers retours de libraires sont arrivés, enthousiastes aussi, puis des blogs, et maintenant la presse, c'est une super récompense. J'ai pris tellement de plaisir à l'écrire, je suis comblé que les gens aient autant de plaisir à le lire.


Question un peu habituelle mais toujours intéressante pour le lecteur, comment est né ce roman ? D’où vous est venue l’idée de départ ?

Une phrase un peu floue, quelques images... Une Masérati Indy immobile au milieu des vagues, de la danse et des cris, sans doute une arme... Mais surtout une idée de ce que je voulais dire : on ne sait rien, on vit, on avance, on fait des plans, et l'on se rend compte au final que les vrais changements de notre vie arrivent sans qu'on ait rien vu venir, un accident, une maladie, mais aussi l'amour, un coup de chance, nos vies dépendent de tant de choses. Voilà ce que je me disais. Ma vie venait de changer, je venais de vendre ma dernière affaire après avoir tout perdu ou presque, ma chérie et moi venions d'arriver à Paris, à deux dans 35m2, et nous étions heureux comme encore jamais jusqu'à présent. Voilà. On était à l'opposé de ce qu'on avait imaginé quelques années plus tôt, et on souriait tout le temps.
Voilà ce que je voulais dire. Alors l'idée de départ, toute simple : deux gars quittent le nord, et filent vers le sud retrouver une fille, qu'ils ont aimée des années plus tôt. Voilà de quoi je suis parti. J'ai découvert le reste en l'écrivant ou presque.



Et cette galerie de personnages, comment est-elle née ?

Là encore, j'avais ça en tête : on n'est jamais une seule et unique chose. On est plusieurs sous le même crâne. On peut avoir plusieurs vies, plusieurs traits de caractère qui même parfois s'opposent. Voilà ce que j'avais en tête. C'est pour cette raison que tous les personnages sont parfois faibles, petits, voutés, comme tout le monde l'est un jour ou l'autre. Par ailleurs, je voulais que cette histoire soit romanesque, que chacun des personnages recèle une part de grandeur, un chevalier qui sommeille. Que tous aient une part d'ombre, mais aussi une partie lumineuse et spectaculaire.


Imagine le reste - Hervé CommèreUne fois de plus, certains de vos personnages principaux sont des truands. Avouez nous tout, vous avez vraiment une attirance pour les voyous ? Est-ce plus facile ou plus difficile de façonner ce type de personnage plutôt qu’un « vrai gentil » ?

Oui, il y a encore deux petits truands au départ, mais il me semble qu'Imagine le reste n'est absolument pas une histoire de truands. Mes précédents romans non plus d'ailleurs. Chacun de mes romans met aussi en scène des personnages qui n'ont rien demandé à personne, et qui se trouvent malgré eux embringués dans des histoires qui les dépassent. J'attraperai ta mort mettait en scène un truand sur un tiers du livre. Même chose pour Les ronds dans l'eau, un tiers environ. Quand au Deuxième homme, le narrateur tentait sur deux ou trois pages à peine de nous laisser penser qu'il était un malfrat.
Tous mes romans mettent surtout en scène quelqu'un d'amoureux, et que l'amour pousse à se dépasser. Je crois que l'amour me fascine beaucoup plus que les truands. Il n'y aura pas toujours des flingues dans mes livres, mais je sais qu'il y aura toujours de l'amour, partagé ou non, platonique ou consommé, éternel ou pas, mais de l'amour.



Dans Imagine le reste, la musique est très présente. Tient-elle également une place importante dans votre vie ? Et si vous deviez conseiller une playlist aux lecteurs pour accompagner votre roman, ce serait quoi ?

Oui, la musique fait partie de ma vie depuis toujours. J'en ai écouté énormément dans mes bars, j'ai organisé des tas de concerts, mon père jouait dans le salon, comme le père de Nino dans Imagine le reste, mon frère est guitariste, et malgré la petitesse des appartements parisiens, on doit avoir mille Cds. Parler un jour de musique dans un roman, c'était évident.
Concernant une playlist, je dirais trois morceaux très connus : Sex Machine pour la danse et la sueur, l'envie de se coller à l'autre et d'assurer le spectacle. Un morceau de Queen, disons Bohémian Rapsody, pour passer du rock à l'opérette le temps d'un claquement de doigt, le grand écart entre la bagarre et l'amour, tout ça en quatre minutes. Et enfin Thunder Road, de Bruce Springsteen, l'histoire d'un gars qui dit à sa copine que rien de bon ne les attend s'ils restent ici, qu'il faut partir, et vu le cœur qu'il y met, je suis certain que la fille le suit.
Ces trois morceaux sont les miens. Plus globalement, je conseillerais aux lecteurs d'écouter des morceaux qui leur donnent envie de vivre, de prendre des risques, de faire l'amour, de s'engager, de se battre pour une vie meilleure, d'imaginer le reste et pas forcément le pire : le meilleur existe aussi. Ce serait la playlist idéale.



Lorsque votre éditeur et vous avez commencé à communiquer sur Imagine le reste, un autre visuel de couverture avait été avancé. Pourquoi avoir finalement changé de couverture ?

L'éditeur s'est toujours demandé si j'écrivais des polars ou pas. Moi, j'ai toujours considéré que j'écrivais des romans : polars ou pas, peu importait. J'ai donc écrit Imagine le reste comme j'ai écrit mes précédents livres, en racontant une histoire qui prend sa source dans une intrigue un peu policière, puis qui s'en éloigne. Mon éditeur me voyant comme un auteur de polar, le premier projet de couverture a été fait dans ce sens, quelque chose d'un peu sombre, peut-être un brin tragique. Sauf qu'une fois le roman terminé, l'éditeur a pensé que oui, ça commençait comme un polar, mais ça s'en éloignait petit à petit, pour n'en être plus un au final. Imagine le reste n'est pas un polar, et l'éditeur a choisi de le sortir en littérature générale. L'idée principale du roman étant qu'il faut se battre et prendre sa vie en main, l'idée d'une route allant vers le soleil et les horizons vastes s'est imposée.


Lors de notre dernière interview en janvier 2013, vous nous confiiez votre projet d’écrire la face B du Deuxième homme, la même histoire vue par Norah. Est-ce toujours d’actualité ?

J'y pense encore parfois, oui, mais écrire la face B du Deuxième homme, ce serait me replonger dans la noirceur et les larmes, peut-être la folie. J'ai roulé vers la lumière avec Imagine le reste et ça a été jouissif, vraiment. J'ai plutôt envie de rester de ce côté-là, finalement ! Enfin on verra, rien n'est jamais sûr.


De manière plus générale, quels sont vos projets ?

J'ai écrit un projet de série télé avec un réalisateur l'année dernière, expérience passionnante, parfois très éprouvante aussi, et surtout complètement nouvelle pour moi. Les droits viennent d'être achetés par un mastodonte de la production audiovisuelle. Il est possible que dans les mois qui viennent, nous écrivions le scénario, il est aussi possible que tout cela prenne beaucoup de temps avant de se mettre en route. C'est un milieu que je découvre, il paraît que c'est parfois riche en surprise.
Imagine le reste est aussi en lecture au sein d'une maison de production de cinéma, j'attends un retour très bientôt, on va voir ça.
Pour ce qui est de l'écriture, je suis encore avec les personnages d'Imagine le reste, c'est assez étrange. Quand je l'ai terminé, je me suis presque forcé. J'aurais bien continué cent pages de plus. Parfois, je me demande si je ne vais pas écrire une autre histoire, une sorte de suite, dans laquelle on retrouverait Nino, Mayerling et Cimard, peut-être même Dante...
Et puis une autre histoire va et vient dans ma tête, parfois précise et parfois pas, qui me tente assez. Devinez quoi : il y est question d'amour.
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Comme d’habitude, nous vous laissons le mot de la fin.

Au dos du roman, il est écrit « chacun aura vu dans ce sac ce qu'il voulait y voir ». Je me rends compte que chacun voit dans Imagine le reste ce qu'il veut y voir aussi. Un libraire m'a dit « j'ai adoré, tout le monde trahit tout le monde ! » et je suis resté un peu pantois, je ne trouve pas qu'il y ait vraiment de trahisons dans cette histoire. Un autre m'a dit que c'était assez désespéré, et j'ai reçu le jour même le mail d'une lectrice qui trouvait que ce roman était un hymne à la vie. Même chose concernant les personnages : pour ma part je me sens proche de chacun, mais un peu moins de Nino. Hé bien pour certains, Nino est le personnages phare de l'histoire, quand pour d'autres il n'est qu'une anecdote ou presque. Je voulais écrire une histoire vivante et tumultueuse, je me rends compte que le roman continue tout seul, j'ai l'impression qu'Imagine le reste parle aux gens pour des raisons à chaque fois différentes, et j'ai la curieuse impression de le découvrir encore quand j'en relis des passages. Et puisqu'on est entre nous, je peux bien vous l'avouer : j'adore ça !




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