Emmanuel Grand

Emmanuel Grand





Février 2014




Emmanuel Grand

 

 

Bonjour, Emmanuel Grand commençons par le rituel de la première interview sur Plume Libre, pouvez-vous vous présenter ?
Je suis né à Versailles en 1966. J’ai vécu 18 ans en Vendée à 20 km de l’Atlantique et réside désormais avec ma famille à Colombes. Durant la journée je m’occupe de Web design. Je tourne autour de l’écriture depuis quinze et j’ai saisi l’opportunité d’un congé sabbatique pour me lancer dans l’écriture de Terminus Belz.


Comment est venue votre passion pour l'écriture, comment écrivez-vous?

Depuis tout petit je suis fasciné par la construction. Cela a commencé par les jeux de meccano. Ma famille maternelle tenait une boutique de confection et mon grand-père fabriquait les décors des vitrines. Il avait au-dessus de l’atelier de couture du magasin, un atelier de menuiserie où je passais mes mercredis après-midi à fabriquer des maquettes de bateaux en bois. Quand j’ai décidé d’écrire ce roman, je voulais écrire une histoire qui fonctionne un peu comme un mécanisme d’horlogerie. C’est d’abord pour la construire que j’ai eu envie d’écrire. Et puis il y a l’envie d’en découdre. De régler quelques comptes avec le réel. L’écriture le permet. Et assez étrangement, la passion de la lecture est venue avec l’écriture, pas avant. Je suis vraiment un artisan dans ma démarche. Et comme les artisans, je me lève tôt…


Quelle est la genèse de votre premier roman Terminus Belz ?
Il y a plus de quinze ans, j’ai lu un recueil de légendes bretonnes d’Anatole le Braz, les Magies de la Bretagne. Et je suis tombé sur une petite histoire de quatre lignes. Quatre petites lignes dans lesquelles tout était dit. Cela fut un déclic pour moi. Je me suis dit que là, il y avait matière à roman. Ensuite, sont venus l’amour de la Bretagne, Marko, les pêcheurs… Mais ces quelques phrases constituent vraiment le tout début de l’histoire de ce roman.


Pourriez-vous nous présenter Terminus Belz en quelques lignes ? ?
C’est un polar. Il y a un héros en fuite, Marko, traqué par des mafieux à travers l’Europe. Il y a des flics. Des meurtres. Une enquête. Des mystères. Des personnages hauts en couleurs que j’ai voulu dépeindre dans leur complexité. Il y a de la tension tout au long du livre, jusqu’à la résolution finale qui n’intervient qu’à la dernière page. C’est aussi un roman qui parle de l’étranger, de la mer, de la mort… et qui ne renie pas sa tonalité « fantastique ».


Comment sont nés vos personnages ?
Ils naissent petit à petit, par strates successives. Comme un bloc d’argile qu’on sculpte et qui prend forme progressivement. Je les façonne, je les corrige, je les jette dans l’histoire et un jour, ils prennent vie. Ils gagnent leur indépendance. Ils sont autonomes. C’est très étonnant à observer comme processus. A la fin du roman, l’écrivain se trouve en compagnie de ses personnages. ça paraît peut être un peu pompeux, mais il y a quelque chose de cet ordre, vraiment.


Terminus Belz - Emmanuel Grand Comment s'est fait le choix de situer votre histoire sur une île ?
L’île de Belz du roman est inspirée de l'île de Groix qui se trouve au large de Lorient. Je n'y suis allé qu'une fois il y a quelques années, mais cette île m'a impressionné. Elle est sauvage, assez peu peuplée, peu touristique. J'ai tout de suite eu envie de situer mon histoire dans ce lieu, ou un lieu qui s'inspirerait de lui car c’était un endroit idéal, mythique pour construire une intrigue, un huis-clos. Qui plus est, les personnages qui peuplent l’île sont à la fois très ancrés dans leur terre et citoyens du monde. J’ai trouvé qu’ils avaient là des points communs avec ce Marko, émigré d’Ukraine, qui déboulait sans crier gare. Savez-vous que Belz est à la fois un petit village du Morbihan et une ville d'Ukraine ? Je ne l’ai appris qu’une fois le livre écrit. C’est un signe, non ?


Terminus Belz est un polar avec un regard social sur l'immigration, la condition des marins...certains articles évoquent Simenon comment percevez-vous cette filiation?
Cela me flatte beaucoup. Quand Simenon décrit un soir d’hiver sur les quais de Concarneau, on a l’impression d’avoir les pieds mouillés. Produire ce sentiment chez le lecteur, avec les mots, c’est quand même fort. J’ai envie de parvenir à cela. Alors si on me dit que j’y parviens, je suis content.


On sent dans votre roman un grand respect pour les marins, êtes -vous vous même marin et est-ce un hommage que vous souhaitiez faire à cette profession de plus en plus difficile de nos jours ?
Comme je le disais, j’ai vécu 18 ans en Vendée. J'ai passé mes vacances au bord de la mer et l'Atlantique est un lieu que j'aime et qui m'inspire. Mais pour être tout à fait franc, je n'ai jamais mis les pieds sur un bateau de pêche et n'ai aucun marin pêcheur dans ma famille, mes amis ou mes connaissances. Si j’ai eu envie de parler des marins, c’est que c’est une profession mythique. Des caractères forts. Un métier de chien. Des courageux. Qui risquent leur vie. Des gens ouverts sur le vaste monde, derrière leur aspect peut-être un peu bourru. Je trouvais qu’il y avait matière à explorer ces caractères et oui, au passage, dénoncer les difficultés que rencontrent ces marins au quotidien.


Votre roman est toujours sur le fil entre réel et irréel par l'apport du fantastique avec la légende de l'Ankou, qu'est-ce qui vous fascine dans ces légendes ?
Ces légendes sont assez fascinantes car elles sont riches et proches de nous. Elles existent dans les lieux, les églises, les calvaires, au détour des chemins… dans les récits. Elles sont entretenues par les Bretons qui y tiennent comme à un élément important de leur culture. L'imaginaire, ce qui dépasse le réel et peuple nos fantasmes et nos craintes est une matière passionnante pour un roman. On est vraiment dans le "il était une fois...". ça me fait rêver en tant que lecteur mais aussi en tant qu'auteur. Et ce que voulais, pour rendre cet imaginaire plus inquiétant, c'était le confronter au réel, pour que le lecteur s'y perde un peu lui-même en se disant : "Tiens, mais au fait pourquoi pas...?"


Pouvez-vous nous raconter une légende celte qui vous a marqué lors de vos recherches sur le sujet ?
La légende de Saint Yves de la Vérité. Elle explique par le menu comment l’on fait pour vouer quelqu’un à la mort. Probablement un parent ou un voisin. C’est tout un protocole. Il faut ramasser des objets de la personne, les mettre dans un sac de toile, faire un pèlerinage à la statue de Saint Yves de la Vérité et réciter : Saint Yves, je te voue untel.


Les premières critiques sur Terminus Belz sont très élogieuses, comment le vivez-vous?
C’est vrai qu’au global, les critiques ont été assez élogieuses et qui plus est sur des critères assez éclectiques puisque j’ai eu de très bon retours de Paris Match, RTL, Presse Océan, mais aussi de Télérama ou du très select Matricule des anges, pour n’en citer que quelques-uns, sans oublier les libraires, qui ont été les premiers à manifester leur enthousiasme pour ce roman. Evidemment, cela fait très plaisir. Et c’est très encourageant pour la suite, j’entends pour travailler sur le prochain livre.

 

Quels sont vos projets?
D’abord, je vais participer à quelques événements : signatures, festivals, dont le célèbre « Quais du polar » à Lyon. Mais en parallèle, ce qui m’occupe vraiment, c’est de travailler à mon prochain roman. Ce sera un polar. Il se passera dans un lieu fort.


Quels sont vos derniers coups de cœur littéraires, musicaux, ou cinématographiques?

Je viens de finir Yeruldelgger de Ian Manook. Un très bon polar dans un lieu improbable : la Mongolie. Je suis en train de lire le livre d’Edouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule. C’est pas mal du tout. J’ai trouvé ce type incroyablement émouvant en interview et son histoire est juste hallucinante. Elle m’a fait penser, pour la description poignante du quart monde, à un petit roman de Gregory Mc Donald et qui s’appelle The Brave. C’est l’histoire d’un indien qui vit dans le quart monde avec sa famille et qui va tout tenter pour les préserver. Très beau bouquin. Juste avant, j’ai terminé L’Art Français de la guerre d’Alexis Jenni. Bluffant. Ce type sait écrire. C’est indiscutable.


Emmanuel Grand nous vous remercions et Plume Libre vous laisse libre plume pour la fin de cette interview.
Je vous remercie à mon tour et je rends hommage à votre site littéraire. Communiquer sa passion des littératures est une noble tâche. Je passe la parole à un de mes personnages, Claude Venel : « Enfin, s’ils lisent… c’est déjà ça. N’importe quoi du moment qu’il n’y pas d’image. Même le bottin. »


 

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