de Vigan Delphine

Delphine De Vigan - Rien ne s'oppose à la nuit




Rien ne s'oppose à la nuit

 

 



 

 

 

 Delphine De Vigan - Rien ne s'oppose à la nuit

Écrire sur sa mère est un acte courageux et dangereux. À la mort de sa mère, Delphine de Vigan décide alors de retracer la vie tumultueuse de Lucille, une mère à part. C’est ce récit qui nous est livré sous nos yeux voyeurs.

Ce livre, l’auteur ne s’en cache pas, a dû être douloureux à écrire.  Delphine de Vigan essaye de nous raconter les origines du mal qui a rongé sa mère toute sa vie. S’aidant de nombreux témoignages, l’auteur de No et moi nous livre un portrait familial saisissant, tout en faisant un tri parmi les affirmations de ses proches.
J’avoue que je ne sais pas comment parler de ce livre. C’est assez rare en ce qui me concerne. La démarche de l’auteur est d’une honnêteté inattaquable.  Sa franchise et sa volonté de transparence ne peuvent que forcer le respect de tout lecteur. À travers trois parties, Delphine de Vigan nous entraîne dans la vie de celle qu’elle avait du mal à appeler maman. L’histoire familiale est traversée de nombreux drames qui pourraient nous faire dire ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Mais malheureusement l’histoire va nous démontrer que c’est loin d’être toujours le cas.
L’écriture est à la fois aérienne et empreinte de douceur dans la première partie. Puis plus l’auteur intervient dans le récit, plus le style devient plus factuel. Le début de la troisième partie en est la preuve. Loin de décontenancer le lecteur, ce changement progressif de point de vue nous aide à pénétrer un peu plus dans cette histoire. À ce titre, les paragraphes racontant comment l’auteur écrit le livre que l’on est en train de lire apportent un éclairage qui ne nous fait pas sortir du roman, mais au contraire nous y plonge encore plus, pour une immersion totale. Le lecteur sentira que ce roman est une véritable catharsis pour Delphine de Vigan. Mais loin de tourner à la démonstration égocentrique, l’auteur de « Jours sans faim » prend toujours soin de nous emmener avec elle sans jamais nous lâcher la main.
Si vous êtes comme moi,  allergique aux récits autobiographiques,  ne vous inquiétez pas, Delphine de Vigan a assez de style et d’imagination pour que ce soit bien écrit roman en bas de son livre et non récit. La vie de cette famille est tellement riche que si un auteur l’avait inventée on aurait pu croire qu’il en faisait trop.
Le courage évoqué en début de chronique se manifeste au milieu du livre à travers une révélation, que je tairais, mais qui apporte un éclairage sur toute la destinée de Lucille. Sortir un livre avec ce genre d’affirmation ne peut que nous faire toucher du doigt qu’au-delà des mots, il s’agit de personne de chair et sang dont on parle et non de personnage de papier.
À travers ce portrait, l’auteur naturellement nous pousse à nous interroger sur les relations que nous avons avec ceux qui nous sont liés par le sang. Avant d’être sa mère, ou son grand-père par exemple, ce sont des êtres humains avant tout avec leurs forces, leurs faiblesses et surtout leurs failles. Cet effet miroir ne pourra pas forcément fonctionner avec tous les lecteurs, mais en ce qui me concerne, cela a parfaitement marché.
De Vigan ne construit pas non plus son récit comme une ode à sa mère au contraire, elle en dépeint tous les aspects négatifs et n’hésite pas à la charger tout en s’efforçant d’être la plus honnête possible. Le récit est loin d’être une apologie. C’est ces failles, cette recherche de la vérité qui se dégage de l’histoire, qui attraperont le lecteur pour ne plus le lâcher.
Rien ne s’oppose à la nuit est aussi un roman sur la mémoire, sur la faculté du cerveau à ne retenir que certains faits ou à en transformer d’autres. Ce travail digne d’un spéléologue du cerveau, l’auteur le traite à travers la perception des divers témoignages qu’elle a accumulés pour préparer son livre. Les réflexions qui en découlent sont tout simplement passionnantes.
Rien ne s’oppose à la nuit (titre tiré de la magnifique chanson de Bashung) est une œuvre puissante et absolument bouleversante. L’histoire de Lucille ne peut que vous toucher. Il s’agit de l’un des plus magnifiques portraits de femme que j’ai pu lire. Assurément, l’un des plus beaux livres sortis depuis le début de l’année.
Rien ne s'oppose à la nuit, parution août 2011. Éditions JC Lattès
Parution janvier 2013 - Editions Le livre de poche
 
  Du même auteur : Biographie, chronique, interview
 


 

 

 

Go to top