Patrick Senécal

 

Patrcik Senécal - Rencontre quais du polar / Lyon avril 2011

Bonjour Patrick Senécal, trois de vos romans ("Hell.com", "Le Vide", "Les 7 jours du Talion") et deux Dvds ("Les 7 jours du Talion" et "5150 rue des Ormes") arrivent en France. Quels sont vos sentiments et attentes face à cette multiple actualité française ?
Je suis très content et très fier, mais je demeure la tête froide. Etre reconnu en France, pour un auteur québécois, ce n’est pas facile, c’est même très rare. Donc, je ne veux pas trop me faire d’idées. Mais, bon, juste l’idée d’être disponible chez vous, c’est déjà très intéressant.


Vous avez une activité débordante. Comment travaillez-vous ? Quelle est une journée type de Patrick Senécal ?
En ce moment, une journée type de Patrick Senécal est un peu n’importe quoi, car j’ai tellement de projets que je dois y aller par priorité. Ma priorité de l’heure, c’est mon projet de Web série (www.reinerouge.tv) qui sera en ligne au mois de mai. Je travaille là-dessus à temps plein car je suis scénariste et co-réalisateur. Disons qu’en temps normal, j’écris le jour, durant la semaine. Une semaine de travail très semblable à n’importe quel travailleur, finalement. :-) Sauf quand il y a urgence ou salons du livre, qui peuvent déborder sur les week-end. Vous savez, écrire, c’est un travail comme un autre, alors il n’y a pas de raison que ma vie soit si différente des travailleurs «normaux»...


Abordons ensuite votre dernier roman Hell.com. Comment est-il né ?
Je me disais qu’il était étrange que je n’ai encore jamais abordé le côté sombre d’internet, moi qui m’intéresse pourtant aux pulsions interdites de l’être humain. Mais rapidement, ce livre est devenu aussi une sorte de réflexion sur notre responsabilité personnelle en tant qu’être humain, en tant qu’humain. Internet est l’endroit de tous les possibles. Comment réagir face à ça? Et quand on a les moyens de nos désirs, qu’est-ce qui peut nous arrêter, à part notre propre conscience?


Lors de vos recherches sur l’univers d’Internet, avez vous découvert des choses pires que vous l’imaginiez ? Ou l’existence d’un vrai site Hell.com ? Ou alors son équivalent ?
Je ne suis pas allé voir des sites criminels ou extrêmes pour faire le livre. Ca ne m’intéressait absolument pas de tomber sur des choses ignobles. Et puis, je ne suis pas obligé de faire des recherches pour savoir que le pire existe sur la toile. Pourquoi en serait-il autrement? Et puis, à la télé et les journaux, on en parle souvent, alors... En fait, je sais qu’il existe sur internet des sites de tortures, ou des sites de viol, ou des sites de traite des blanches... Mais une sorte de mafia qui proposerait tous ces sites, ça, je ne sais pas... Il existe par contre un vrai site Hell.com, mais qui s’intéresse au milieu artistique. Rien à voir avec le mien. :-)


Dans votre roman, Internet est l’outil du mal. Le Diable y aurait-il trouvé sa nouvelle voie d’expression ? Quel regard portez-vous sur Internet ?
J’aimais l’idée du Diable qui se modernise car le Mal, qu’on croit en Dieu ou non, existe. Le Diable n’est plus un démon surnaturel, c’est un homme d’affaires. Il ne fait plus signer ses disciples avec du sang, il fait abonné ses clients à des sites illégaux. Mais le prix à payer, c’est toujours notre âme. Notre âme, c’est ce qu’on laisse derrière soi, ce qu’on laisse dans cette vie, nos choix et leurs conséquences. Par ailleurs, ce n’est pas un livre contre internet. On ne peut pas être contre la technologie, c’est absurde. On peut juste être contre certaines utilisations de cette technologie. Dans le fond, internet est un reflet parfait de l’humain: ça permet le meilleur, mais aussi le pire.


Votre héros dans Hell.com suit un véritable chemin de croix dans sa descente en enfer. Il doit trouver la solution, en lui. Vous pensez que pour faire changer positivement la société, c’est d’abord en soi-même que chaque individu doit trouver la solution ?
Moi, l’idée de changer la société m’apparaît de plus en plus utopique. C’est cynique et pessimiste, mais c’est comme ça. Sérieusement, y a-t-il beaucoup d’événements autour de nous qui nous poussent à croire que la société change ? Comme citoyen, je ne crois donc plus que mes actes aient beaucoup d’impact sur la société. Mais je peux avoir de l’impact sur des individus en particulier: mes enfants, ma femme, mes amis... peut-être mes lecteurs. Vous direz que cela revient au même, qu’avoir de l’impact sur les gens, c’est avoir de l’impact sur la société. Je ne crois pas. Individuellement, les gens sont souvent bons et pleins de bonnes intentions. C’est quand ils se regroupent en système que ça se gâte.


Après deux romans nous plongeant dans les entrailles du mal, très denses et très lourds psychologiquement, en êtes-vous sorti indemne ? Vous sortez chez les éditions Coups de Tête un roman court "Contre Dieu". Vous pouvez nous en dire quelques mots ? Clôturez-vous ainsi un cycle sur le mal ?
"Contre Dieu" parle de la dérive émotive et psychologique d’un homme qui a tout perdu et qui se révolte contre le destin, contre Dieu... donc contre la vie et son absurdité. Vous avez sans doute raison: je crois avoir terminé une sorte de cycle avec ce livre, une sorte de trilogie du pessimisme humain. :-) A tel point que je travaille sur une série de romans qui seront très humoristiques. Trash, violents et sexuels, mais très drôles aussi. Je veux m’amuser. Car croyez-le ou non, je suis quelqu’un qui aime beaucoup rire dans la vie.


La religion est présente dans vos romans pour mettre en exergue le Mal, quel regard portez-vous sur la Religion actuellement ?
Si j’ai un regard sur la religion, c’est assez inconscient. Mais pour un nord-américain, québécois en plus, on peut difficilement parler du Mal sans évoquer la religion catholique qui nous a si longtemps tenu dans son étau. C’est mon inconscient collectif qui sort, je crois. Je n’ai pas beaucoup de sympathie pour les religions. Mais ceci dit, je crois que de rejeter en bloc tout ce que la catholicisme nous a appris est une erreur. Une religion qui enseigne qu’il faut s’aimer les uns les autres, ça ne peut pas être totalement mauvais, quand même. Mais le dogme qu’elle impose et l’intolérance face aux autres, ça, je ne peux pas. Et surtout sa manie de démoniser tout plaisir! Mais si on jette la religion dehors, si on jette la famille dehors, si on jette la politique dehors, bordel! on remplace tout ça par quoi? L’individualisme? Pas sûr qu’on en sorte si gagnant...

Pour contre balancer votre coté sombre, vous venez de sortir votre deuxième roman jeunesse Madame Wenham. C’est votre bouffée d’oxygène ?
Entre autres, oui. Et aussi un cadeau pour mes enfants. Je ne peux pas seulement leur laisser des romans noirs et pessimistes en héritage. Avoir des enfants, c’est s’obliger à être moins cynique. Ecrire ces romans pour enfants en est un moyen.


Les adaptations de "5150 rue des Ormes" et des "7 jours du Talion" au cinéma sont des succès, elles ont même été plusieurs fois primées. Cela vous donne-t-il l’envie de vous consacrer encore plus à l’écriture pour le cinéma ? Avez-vous eu des propositions des studios américains ?
Du côté des américains, on a failli avoir quelque chose, puis c’est tombé à l’eau. J’ai d’autres projets de films et j’en suis très content, mais pour moi, le vrai plaisir de la création, c’est dans l’écriture de romans. C’est la liberté absolue, une liberté plus difficile, voire impossible, à avoir dans le cinéma, qui comporte tant de contraintes. Tant que je peux faire les deux en même temps, parfait. Mais si je devais choisir un jour, ce serait le roman.

Pour l’adaptation d’Aliss, on parle que vous allez passer derrière la caméra. Info ou intox ? Comment adapter "Aliss" sans qu’il ne soit interdit au moins de 16 ans ?
Aliss, je ne peux pas trop en parler car il y a beaucoup de points pas clairs encore. Mais une chose est sûre: Aliss ne pourrait pas être fait pour les moins de 16 ans, ça c’est clair. Sinon, on trahit l’essence du livre. Ce serait donc un film extrême. Et oui, j’en serais le réalisateur, mais je vais me pratiquer avant sur ma série Web...


Un autre de vos projets : une web série "La reine rouge". Vous venez de terminer les castings. Quand va démarrer cette nouvelle aventure ? Et pouvez-vous nous donnez des nouvelles de Michelle Beaulieu, va-t-elle revenir également dans vos romans ?
La Reine Rouge va raconter ce qui arrive à Michelle entre 5150 RUE DES ORMES et ALISS. Une première saison de 8 épisodes est prévue pour mai 2011. On a commencé le tournage en décembre, on poursuit le tout en janvier et février. C’est très excitant car comme c’est le Web et qu’on finance le projet nous-mêmes, on peut faire ce qu’on veut. Ca va être très, très cru. Au Québec, on n’est pas habitué à ce genre de chose et franchement, il est temps qu’on s’y mette! Quant à savoir si Michelle reviendra dans un de mes romans, je ne sais vraiment pas...


Quels sont vos projets ?
Ouf!!! Ma Web-série, ma série de romans appelé Malphas, trois projets de films et une nouvelle humoristique qui sortira dans un collectif «Cherchez la femme» en février prochain. Ah et peut-être une série télé, mais bon, n’anticipons pas trop...


Vos derniers coups de cœur littéraires, cinématographiques, musicaux … ?
En musique, j’ai découvert récemment un artiste connu depuis longtemps mais que je ne connaissais pas: Nick Cave. Très dramatique, j’adore. Et un groupe anglais: Malakai. Vraiment cool!
Au cinéma, deux films québécois: A l’origine d’un cri, et Continental: un film sans fusil. J’ai beaucoup aimé Un prophète, un film de chez vous.
En livres: LES BIENVEILLANTES, de Littel. Ca, ça m’a soufflé, estomaqué, secoué! Un livre totalement bouleversant. Et j’ai enfin lu CENT ANS DE SOLITUDE. Je ne savais même pas qu’il était possible d’écrire comme ça! Je m’incline humblement devant tant de génie.


Allons-nous vous voir prochainement en France ?
Je serai au festival du Polar à Lyon. J’ai très hâte!!! Venez donc me dire bonjour!


On vous laisse le mot de la fin.
Bah... Laissons-le au lecteur de cette entrevue, qu’en pensez-vous?

 Du même auteur sur Plume Libre : Biographie, chronique, interview

Go to top