Ledun Marin






La guerre des vanités

 



Tournon, petite ville de la vallée du Rhône, est sous le choc. A quelques heures d'intervalle, plusieurs adolescents se suicident alors que rien ne semblait indiquer leur mal-être. L'inspecteur Korvine de Valence est dépêché sur cette enquête car elle touche de près beaucoup de monde. Et chacun sait que dans une petite ville quand un secret touche quelqu'un, il touche tout le monde.

Tournon est l'un des personnages principaux du nouveau roman de l'auteur de "Marketing Viral". La ville est omniprésente, voire omnisciente. Elle étire ses tentacules pour empêcher Korvine d'atteindre la vérité. Car "La guerre des vanités" est un vrai polar noir urbain qui fait la part belle à l'ambiance. En ce sens, un seul adjectif peut venir à la fin de la lecture du roman : poisseux. Tout est visqueux dans ce livre, les situations, les personnages, les lieux sont empreints d'un mélange qui rend l'atmosphère plombante. La culpabilité et le secret rongent chacun des interprètes de la comédie humaine qui se joue sous nos yeux. Personne n'est coupable, tout le monde est responsable. Tout le monde est coupable et personne n'est responsable.

Nous assistons au naufrage d'une ville, le tout écrit dans un style brillant, fluide et avec une encre dégoulinante de mal-être. Car Marin Ledun aborde ici des thèmes délicats et originaux (la vie numérique de ce que l'on dépose sur le réseau est d'actualité avec Loppsi, mais rarement traité en littérature), il nous met face aux conséquences d'actes innocents sans se parer d'ironie protectrice ou de second degré salvateur. Même si les nombreux traits d'humour, toujours cinglants, soulagent l'atmosphère, l'auteur nous interpelle sur ces dangers.

On retrouve la même écriture présente dans "Modus Operandi" qui lui avait valu la plume du premier roman (un peu d'auto-pub ne fait pas de mal). En tout cas, ceux qui avaient été déroutés par l'écriture exigeante de "Marketing Viral" peuvent se jeter sur cette "guerre des vanités" car i'histoire nous absorbe sans peine et passe ses 400 pages à nous digérer. Ce roman fait partie des rares livres qui le soir, une fois le livre posé sur le chevet, vient se faufiler dans vos rêves pour vous injecter son ambiance suffocante à souhait.

Alors, bien sûr, le livre est étouffant par son coté course-poursuite et par la chape de plomb qui tient tout le long du roman (on peut parler ici d'omerta) mais se limiter à cela serait passer à coté des personnages qui sont magnifiquement tracés tout en nuances. Car si, au départ, on assiste à un énième duo, vieux flic, jeune flic, leurs traits de caractère respectifs les distinguent de suite du tout venant. La politique est aussi omniprésente à travers les relations hiérachiques de Korvine avec ses supérieurs et elle contribue à donner un caractère inexorable à l'enquête. Comme si, dès le début, tout était déjà joué d'avance.

Bref, vous l'aurez compris "La guerre des vanités" est un grand roman noir par sa capacité à nous entrainer dans les méandres d'une ville banale qui cache des secrets pas banals. Ce livre nous brosse un portait sans concession des défauts de l'âme humaine. Un livre qui ne vous laisse pas de répit et qui vous étouffe à petit feu à travers son suspens et son atmosphère.

Merci Mr Ledun pour cette formidable lecture. Pour ceux qui ne l'ont pas encore lu, pas de choix possible: Lisez-le !


La guerre des vanités, parution mars 2010, éditions Gallimard Série Noire.

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