Jérôme Camut & Nathalie Hug







Avril 2009

 



Nathalie Hug et Jérôme Camut, pouvez-vous nous raconter votre parcours jusqu'à la naissance du tandem Camhug ?
Alors en peu de mots. Un écrivain intermittent du spectacle rencontre, par l'intermédiaire  de ses deux premiers romans, une commerciale en prothèses vasculaires. Premier regard, premier bonheur. Ils ne se quittent plus et décident de n'être plus qu'écrivain, mais ensemble.


Jérôme, que vous apporte l'écriture avec Nathalie par rapport à votre expérience précédente en solitaire sur Malhorne ?
Honnêtement ? Deux fois moins de travail.
Plus sérieusement, je me souviens avoir souffert d'une sorte de syndrome d'Atlas quand j'écrivais seul, un poids sur les épaules, lourd. Se lancer dans un nouveau roman ressemblait à la traversée d'un désert, un long tunnel de solitude et d'affrontement de soi. C'est vrai qu'en décrivant l'écriture ainsi, je me demande bien pourquoi je me suis mis à écrire... depuis qu'ensemble nous mélangeons tout, Nathalie et moi, écrire est devenu beaucoup plus simple. Élaborer une histoire complexe seul est vraiment une étape difficile. A deux, les histoires naissent de nos conversations. C'est simple. Si en cours d'écriture nous rencontrons un problème que nous n'avions pas envisagé, il est résolu en peu de temps. Alors que seul, résoudre ce type d'écueil peut prendre des jours, des semaines. Et puis, ce que m'a apporté le mélange de nos écritures, c'est un style différent, plus riche je pense, et qui évolue très rapidement. De ça je suis persuadé. Et j'aime.


Comment se déroule la conception d'un de vos romans ? Comment se repartissent les rôles et comment se déroule une journée type de travail ?
Nous inventons l'histoire ensemble, intégralement la plupart du temps, c'est l'étape la plus sympa parce que les journées de travail ressemblent à de longues conversations mélangées de recherches sur Internet, de lectures et de ballades. Il y a pire mine que la nôtre ! Ensuite, selon le type de structure narrative que nous avons choisie pour le roman, soit nous nous répartissons les personnages -méthode valable dans un cas d'histoires parallèles- soit l'un d'entre nous est en tête d'écriture et l'autre suit. Cette deuxième méthode est particulièrement stimulante. Nous savons en permanence où en est l'autre et nous sommes obligés de beaucoup communiquer sur notre travail. -Ah oui, parce qu'il faut peut-être le préciser. Écrire à deux reste un travail solitaire. Dans notre cas, nous sommes seuls... à deux. Une curiosité, je vous l'assure.- quant aux journées de travail, elles dépendent de l'étape où nous en sommes. En période d'élaboration d'histoire, nos journées étant rythmées par la scolarité de nos schtroumpfs, levé 07h30 etc. La journée ne commençant vraiment qu'après un passage dans un petit café où nous aimons aller. Ensuite intervient une étape de pré-écriture où on cherche le style, le ton du futur roman. Et quand on l'a trouvé, lever 06h00, début d'écriture à 06h30 et pour le reste de la journée, avec pause pour déjeuner, et ensuite travail jusqu'au soir.


Après la nouvelle EspylaCopa, vous sortez le thriller "Prédation" premier opus de la trilogie Les voix de l'Ombre. Aviez-vous déjà eu au départ l'idée de traiter cette histoire en plusieurs romans ? Quelles sont les raisons qui vous ont incité à prolonger les aventures de Kurtz ?
Au départ, Prédation devait être un roman unique. Mais l'histoire a évolué en cours d'écriture, et notamment la fin. Était-il possible d'abandonner nos personnages comme nous les laissons à la fin de ce roman ? Non, d'où la suite en trilogie car il nous est apparu que nous avions trois étapes clés dans la vie de ce thriller, qui finalement représente trois facettes d'un même univers.


Kurtz est un personnage qui ne peut laisser insensible, il fascine le lecteur. On le déteste, on l'admire...On le voit comme un monstrueux psychopathe mais aussi comme un humain avec ses failles dues à l'enfance.  Comment avez-vous fait pour doser ce paradoxe sans tomber dans l'excès de l'un ou dans l'autre tout au long de cette trilogie ?
Se poser la question : et si j'étais un abominable, et si j'avais cette capacité à ne ressentir aucune empathie (pouvoir ou handicap), et si j'avais l'esprit gorgé d'orgueil et d'envie de réussir, de monter au plus haut en ne m'embarrassant pas des conséquences de mes actes ? Que ferais-je, que deviendrais-je ? Kurtz est né de là.


Comment vit-on avec un personnage comme Kurtz ? Est-il facile de passer à autre chose ensuite ?
Nous ne vivons pas le personnage de Kurtz. Comme c'est dit dans la question, Kurtz n'est qu'un personnage. Ce qui signifie qu'il répond à une logique, dictée par l'histoire et nos aspirations d'auteurs. Donc, une fois la journée de travail achevée, Kurtz repartait dans les limbes des personnages de papier. Mais c'est vrai que le laisser a été une étape frustrante. Ça a été jubilatoire de le faire parler, de projeter le monde qu'il a en tête. Quand à passer à autre chose... Trois fois plus loin et ses personnages n'ont rien à envier à Kurtz. C'est autre chose, mais là encore l'expérience a été tout aussi satisfaisante. Et quitter certains personnages de trois fois plus loin n'est pas plus simple.


Pourrions nous avoir, un jour,  une suite aux Voix de l'Ombre ? (Nouveau roman, adaptation cinématographique ou bd...) ?
Pour ce qui concerne les univers parallèles aux romans, qui peut savoir ? Pas nous en tous cas. Pas encore. Mais pour les romans à venir, la chose est en cours. Nous travaillons sur un opus extrait des voies de l'ombre, avec ou sans Kurtz, ça nous ne le savons pas encore. Mais qui tirera son origine de l'œuvre de Kurtz. Et là, pour le coup, c'est une certitude.


On note sur certaines photos, une étrange ressemblance de Jérôme avec Kurtz. On a envie de vous demander ce que vous cachez dans votre cave ?
Vous devriez y descendre pour voir par vous-même...


Si vous deviez laisser un message à Kurtz, ce serait lequel ?
Enfoiré !

Les Éveillés est un savant mélange entre  le thriller, le fantastique. Mais ce roman voit plus loin, en posant des questions sur le libre arbitre et les limites des connaissances des sciences et des croyances. Peut-on dire que Les Éveillés est un vrai conte initiatique ? Pensez-vous qu'il existe autre chose pour tout expliquer ?
Les éveillés, un conte initiatique ? Sans doute un peu. Y a-t-il autre chose que le réel pour expliquer ce qui nous entoure ? Ce qui m'étonne, c'est de se poser cette question. La réalité est un faisceau d'observations. Et c'est tout. Comme toute expérience, la qualité de l'observation dépendra du matériel utilisé pour la mener à bien. Donc il s'agirait seulement d'affiner le matériel, et en l'occurrence la qualité de l'observateur, pour changer le résultat. Ma foi, ça s'approche de théories de la physique quantique votre histoire. Dans ce beau monde, certains voient plus ou moins loin, au-delà ou en deçà du réel. Qui a raison, qui a tort ? Bien malin celui qui pourrait répondre. Et peut-être qu'au sein d'un même monde, plusieurs réalités co-existent. Ce qui ne gêne personne d'ailleurs. Les arbres au bout du jardin sont toujours là, quel que soit l'observateur. La réponse doit donc se trouver ailleurs.


Les Éveillés est une histoire,  en partie inspirée des travaux du Professeur Michel Jouvet, célèbre neurologue, inventeur du concept du sommeil paradoxal. Avez-vous eu des retours du monde scientifique sur vos hypothèses développées dans votre roman ?
Des scientifiques nous ont lu ?


Pouvez-vous nous présenter votre nouveau roman 3 fois Plus Loin ?
3 fois plus loin, c'est... je me réfère à la question 14, un OVNI, encore, non ?  Un thriller, sans aucun doute, il y du suspens, des gens en danger, des morts -et pas de vieillesse ça va de soi- un thriller donc. D'aventure. Un thriller d'aventure qui jette dans la tourmente une jeune femme en quête d'elle-même, assez bon fond mais terriblement mal dans sa peau. Un mystère à éclaircir aussi. Et dans le même temps, nous nous intéressons à quatre scientifiques dans les années 50, qui tentent de percer le même mystère, mais 50 ans plus tôt donc. Chassé croisé d'époques et de personnages sur fond de thriller d'aventure scientifique. Pas mal non ? Tu crois qu'ils ont compris ta définition ? ... Euh, vaut mieux lire le roman, non ? Oui.


On note un changement de style dans l'écriture de ce roman avec des chapitres plus longs, plus denses, donnant encore plus de force  à l'humidité pesante de la forêt amazonienne. C'est l'histoire qui impose ce changement d'écriture ou est-ce une volonté de votre part ?
Ce qui nous ennuierait beaucoup, ce serait d'écrire tout le temps de la même façon des histoires construites de manière identiques avec des personnages clonés. Est-ce que ça répond à votre question ?


A part la trilogie, vos romans sont un peu des ovnis dans le paysage littéraire. Ils sont difficiles à classer dans un genre, tellement vous les mélangez. Comment définiriez-vous vos romans ? Y a-t-il un genre encore non abordé qui vous tenterait ?
Nos romans sont les reflets de nos envies. Ça ne signifie pas que nous écrivons tout ce qui nous passe par la tête, non, nous avons envie d'être lus, d'être aimés. Pour ça, nous avons des névroses banales. Mais nous en donnons pas de limites. Écrire un roman ne signifie pas remplir un cahier des charges ? Alors, peut-être sommes nous de vilains petits canards, mais c'est vrai que nous débordons des limites de genre dans lesquels on nous range. Et puis, le thriller, ce n'est pas du polar, c'est un climat, une ambiance. Alors ça peut se décliner dans tous les univers. Le roman après 3 fois plus loin sera lui aussi dans un genre, dans une structure narrative que nous n'avons pas encore abordés.


Quels sont vos projets communs et avez-vous des projets en solo ?
Un roman sur le point d'être achevé, un autre dont l'histoire est bien avancée. Le projet de développer Malhorne en BD (là rien n'est sûr) et puis plein d'histoires en tête. La vie sera-t-elle assez longue ? La vie peut-elle être assez longue ?!


Quel regard portez-vous sur l'univers du net ?
Le Net ? Incontournable, irremplaçable. La toile nous sert tout le temps. Pour écrire sur n'importe quel sujet,pays, population, religion, espèce vivante ou pas, etc, la réponse est immédiate, toujours à prendre avec des pincettes, en se méfiant des sites, de leur origine, de leur fiabilité. Ca raccourcit le délai entre la question  et la réponse de façon extraordinaire. Nous ne nous en passerions plus. Et puis, c'est un vrai outil de communication entre les hommes, dont nous nous servons, et qui préserve l'intimité. Que demander de plus ?

Go to top