Patrick Graham






Octobre 2008




 
 
Patrick Graham - Saint Etienne 2010


L'Évangile selon Satan

L'évangile selon Satan est sortit il y a maintenant plus d'un an et demi. 150 000 exemplaires vendus, prix Maison de la Presse et prix Coup de cœur des lecteurs de Plume Libre : que ressent-on quand on voit ainsi son travail acclamé par les lecteurs ? Comment avez-vous vécu les rencontres avec votre public (qui va de 11 (!) à 99 ans) ?
    La rencontre avec le plus public est la chose la plus éprouvante et la plus passionnante qui soit. C'est troublant de se rendre compte qu'un roman qu'on a eu tant de plaisir à écrire peut être à ce point aimé en retour. J'ai fait des rencontres merveilleuses. Je me suis aussi rendu compte qu'il existait de véritables passionnés capables de parcourir plusieurs centaines de kilomètres rien que pour rencontrer un auteur. C'est infiniment précieux. Ce qui m'a le plus inquiété, c'est de voir débarquer un adorable môme de onze ans qui avait dévoré L'évangile en une nuit. Je lui ai demandé le plus gentiment possible s'il n'était pas un poil trop jeune pour ce genre de lecture et s'il ne préférait pas Harry Potter. Il m'a répondu : « Nan, Harry Potter c'est nul. Moi, ce que j'aime, c'est Le Silence des agneaux, Dragon rouge, L'Aliéniste... Je les ai tous lus. » Je lui ai quand même proposé qu'on prenne ses empreintes digitales pour faciliter le travail de la police d'ici une dizaine d'années. Ça a fait sourire le grand monsieur tatoué qui se tenait derrière lui et qui était son père. D'une façon générale, au cours de ces signatures, ce qui m'a le plus frappé, c'est la façon très différente que les lecteurs ont eue d'aborder et d'aimer le livre. Comme s'ils s'étaient accaparé l'histoire et les personnages jusqu'à leur construire une vie et leur donner un visage que je n'avais pas prévus. C'est finalement ça, le bonheur absolu pour un auteur : voir son livre lui échapper et intégrer l'imaginaire de ceux qui l'ont aimé. 


Pour un premier roman, s'attaquer à l'Église et au Vatican, c'était frapper fort. Quelle a été réaction des hautes (ou moins hautes) instances du christianisme ?
    Contrairement à ce que sous-entend le titre, L'évangile selon Satan n'est pas un livre contre l'Église mais sur l'Église. Dès le début des recherches que j'ai entreprises pour écrire ce roman, je me suis fixé comme ligne de conduite de rester le plus impartial possible. J'ai découvert, par exemple, que beaucoup d'erreurs sont entrées dans l'inconscient collectif à propos des croisades ou de l'Inquisition. Depuis, je me suis souvent retrouvé dans la position de défendre l'Église au cours de conversations avec des croyants ou des athées. Ce qui, pour un mécréant, est assez amusant. Il y a eu très peu de réactions négatives de la part des membres du clergé. J'ai même eu le bonheur d'avoir de longues et passionnantes discussions avec des prêtres, des moines et des religieuses qui avaient parfois aimé le livre, qui l'avaient parfois détesté, mais qui, comme tous les véritables croyants, restaient ouverts à la conversation, au moins pour tenter de me convertir. J'ai aussi reçu des lettres d'insultes de la part d'anonymes qui ne s'étaient pas donné la peine de dépasser la dixième page. Ça fait un bien fou d'être détesté. C'est finalement beaucoup moins fatigant que d'être aimé.

Tous les personnages de L'évangile selon Satan sont très emblématiques. Comment crée-t-on une telle galerie ? Comment choisissez-vous les noms de vos personnages ? Comment est né Caleb ?
    On ne crée par une galerie de personnages. Elle s'impose à vous à mesure que l'histoire se déploie. Un personnage, ce n'est d'abord que ça : un outil. Ensuite, en laissant libre cours à cet outil, on peut obtenir des personnages plus ou moins forts et utiles. C'est une technique que les Américains manient à merveille : ils ont compris que l'histoire doit devenir secondaire et que seuls les personnages lui donneront son relief. Ils passent alors des mois à les imaginer, à leur donner chair et substance, à se mettre à leur place, à vivre et à agir comme eux. Ils recouvrent les murs de leur bureau de centaines de photos, de croquis, d'esquisses, de recettes de cuisine, de profils, de scènes de meurtres... Peu à peu, le personnage prend forme. Il a sa vie propre, ses amours, ses joies, ses peines, ses regrets et ses mensonges. À partir de là, il s'empare de sa place dans l'histoire. Puis, comme un acteur professionnel, il apprend son texte, prend ses marques et attend que l'auteur donne le top. Ensuite, c'est à l'auteur de le laisser faire, de le laisser vivre, de le laisser construire et transformer l'histoire.
Le personnage de Caleb, par exemple, est né de la somme des recherches que j'ai effectuées sur la démonologie des différentes religions auprès d'exorcistes, de théologiens et d'adeptes du satanisme. Caleb est le mal absolu, la réunion de tous ces démons. Mais, et c'est très important, il est aussi incarné, charnel et humain. Il n'est pas que monstrueux, il est aussi et surtout nous-mêmes, notre part de ténèbres. Le nom s'est imposé de lui-même. Je ne voulais pas un nom de démon. Je voulais un nom court, claquant comme une menace. Caleb.

 

En écrivant L'Evangile, aviez-vous déjà l'idée d'une suite dans la tête, d'une continuation du personnage de Marie ?
    Non, c'est tout à fait illusoire d'envisager une suite alors qu'on avance dans l'écriture d'une histoire. Ça signifierait que vous êtes capable de séquencer cette histoire et d'en faire l'économie afin d'en extraire suffisamment de matière pour une ou plusieurs suites. En avançant dans l'écriture de L'évangile, j'ai par contre vu naître un personnage que j'aime aujourd'hui de toutes mes forces. Je savais, à mesure qu'elle grandissait, que Marie contenait ce qu'il fallait pour inspirer d'autres histoires. Plus encore que L'évangile, L'apocalypse est vraiment le livre de Marie. Ça va vous sembler étrange, mais j'ai souvent la sensation que Marie vit dans cet outre-monde peuplé de tous les personnages que les auteurs ont créés. Elle y vit entre chaque livre. Elle continue à vivre sans moi. Je me borne à la rattraper avec mes histoires mais, tout au fond de moi, je sais qu'elle vit. Elle a un mec, des amants, des copines, des secrets. Elle m'en parle parfois. Elle me parle aussi de ses peines de cœur et de ses coups de foudre. Ça me rend atrocement jaloux, et je crois qu'elle le sait. Plus tard, quand je serai grand, je franchirai la frontière d'outre-monde et j'irai lui avouer que je l'aime. Mais voilà, je suis comme un môme rondouillard qui serait tombé follement amoureux de la plus belle fille de la classe. Jamais je n'oserai le lui dire.


Un premier roman, un succès. Avez-vous ressenti une certaine pression pour votre deuxième roman ? Si oui à quel étape ? (écriture, correction...).
    Oui. Ça a duré quelques jours (semaines) durant lesquels je me suis posé toutes les mauvaises questions qu'un auteur peut se poser. On se demande alors ce que les lecteurs attendent et si on va être à la hauteur de cette attente. Et puis, si votre éditeur sait s'y prendre et choisir ses mots, vous redescendez sur terre et vous vous souvenez qu'écrire est un acte sérieux mais que rien de tout ça n'est grave. On se souvient aussi qu'écrire est l'acte le plus solitaire et le plus égoïste qui soit, qu'il exige qu'on oublie le lecteur pour se replier sur soi et laisser libre cours à ses personnages. Ce n'est qu'à ce prix qu'on sert le lecteur : en se concentrant pour donner le meilleur et le pire de soi-même.


Une adaptation de L'Évangile en bd est en cours. Comment y participez-vous ?
Je n'y ai pas participé. D'abord, parce que je n'en avais pas le temps, ensuite parce que c'est presque toujours une mauvaise idée de participer à une adaptation. Par définition, une adaptation doit être une variante de l'histoire originale et non un simple copier-coller. Il est donc urgent que cette histoire vous échappe et qu'elle entre dans l'imaginaire d'un autre créateur. Ce n'est qu'à ce prix qu'elle s'offre d'autres vies : en apprenant à exister sans vous.   Y aura-t-il une adaptation cinématographique ?
Nous avons plusieurs touches. Quelques noms circulent. Là, nous serons extrêmement vigilants sur l'axe choisi. Hors de question, en tout cas, de sombrer dans le gore ou le sensationnel. Rien ne presse, de toute façon.

L'Apocalypse selon Marie

L'Apocalypse selon Marie est la seconde (més)aventure de Marie Parks. Avez-vous l'intention de créer une trilogie (comme c'est la mode dans le polar français, on pense à
Maxime Chattam, Jérôme Camut & Nathalie Hug) ou une série plus longue ? Ou au contraire d'arrêter là avec Marie (en même temps on comprendrait que Marie démissionne vu tout ce que vous lui faites subir ;-) )
    Pas de trilogie, ni de tétralogie, ni de saga. Je ne sais pas faire. À l'heure où je réponds à cette question, le squelette du roman suivant se profile. Des images et des odeurs. Je ne sais absolument pas si Marie en fera partie. Je pense qu'il est toujours mauvais pour un auteur de s'installer dans la facilité. J'ai besoin que ce soit difficile, douloureux, angoissant. Et puis, j'ai beaucoup trop de respect envers Marie pour commencer à lui expédier des scénarios sur mesure. J'ai aussi envie d'essayer de donner vie à d'autres personnages aussi forts qu'elle. User un personnage, le vider de sa substance, est un crime impardonnable que je n'ai pas le courage de commettre.


Autant la psychologie de Marie est fouillée, complexe, autant on a un peu de mal à mettre un « visage » sur elle. Comment la « voyez »-vous ?
    Vers la fin de L'évangile, je me suis rendu compte que je ne savais absolument pas à quoi ressemblait Marie et que je n'avais finalement pas envie de le savoir. Peut-être parce qu'elle-même n'en sait rien et que son cerveau réduit en miettes après l'accident a perdu cette notion de reconnaissance de son propre visage. Je pense que le fait qu'on ne connaisse pas le visage de Marie m'aide aussi à obliger le lecteur à voir les choses à travers ses yeux. Petite anecdote tout de même : pour la sortie de L'Evangelio del Mal, mon éditeur espagnol avait préparé un trailer merveilleusement flippant, genre bande annonce de film. Je me souviens de l'émotion qui m'a envahi la première fois que j'ai vu le visage de Marie dans ce trailer. Une fois rentré chez moi, je me suis passé la vidéo à peu près 9 500 fois et je me souviens qu'à chaque fois j'effleurais le visage de Marie sur l'écran en murmurant : « Salut puce, alors c'est à ça que tu ressembles ? »    

Chaque auteur avoue mettre un peu de lui-même dans ses héros. Qu'elle est la part de Patrick Graham dans le personnage de Marie ? (En fait, nous disons « personnage », mais Marie donne parfois l'impression de mener sa propre vie...)
    Cet été, en Corse, entre deux gorgées de rosé, une éditrice que j'aime m'a posé la question de la part autobiographique dans mes histoires et mes personnages. Jusqu'à cette question, j'étais persuadé que la force du romancier était de créer des histoires entièrement ancrées dans l'imaginaire et que ses personnages n'étaient que l'expression de ce fantasme. C'est oublier que les dragons, les sorcières et les monstres existent vraiment. Et puis, en terminant la rédaction de L'apocalypse, je me suis rendu compte que je parlais énormément de moi dans des personnages comme Daddy ou Marie. De moi et des lecteurs. C'est ce que les personnages ont de fascinant : ils sont comme des dessins figés que notre imaginaire anime. Ou pas. J'ai l'impression que Marie existe et qu'elle vit parce que, le temps de la lecture ou de l'écriture, j'existe et je vis à travers elle. Je bascule dans l'autre monde en empruntant son enveloppe et ses émotions. Ce qui fait la force d'un personnage, c'est qu'il est nous. J'ai donc regardé les grands yeux pétillants de cette éditrice et je me suis rendu compte qu'elle savait des choses sur moi que j'ignorais. C'est troublant. Alors oui, Marie, c'est en grande partie moi. Daddy aussi, Holly forcément, Crossman parfois. C'est moi et nous.


Hormis Marie, de quel personnage de L'Apocalypse vous sentez-vous le plus proche ? Vous dites par exemple que Holly vous a été en grande partie inspirée par votre propre fille ?

    Je me sens proche de tous mes personnages. C'est impossible de leur donner vie sans cela. Ensuite, certains restent plus dans l'ombre que d'autres, mais ça ne veut pas dire qu'ils sont moins importants. J'ai par exemple une immense tendresse pour le personnage de Cayley, ce vieillard à moitié fou qui sert de voisin à Marie à Hattiesburg. J'aime profondément les vieillards brisés de chagrin. Ils sont un côté « pêcheur d'Islande » qui me touche infiniment. Cayley, c'est ça : un vieux bonhomme brisé, au visage froissé de rides qu'on a envie de caresser du bout des doigts. En fait, j'aime que quelqu'un ait traversé toute une vie sans perdre cette faculté extraordinaire qu'est la tristesse, le regret et les chagrins irréparables.
Pour le personnage d'Holly, je me suis effectivement inspiré de ma fille, qui est formidablement « attachiante » dans la vie de tous les jours. Holly, c'est le double de Charlotte dans outre-monde. J'éprouve pour toutes les deux une passion d'éleveur de bonzaïs : j'adorerais qu'elles ne grandissent jamais et qu'elles continuent à me voir comme un super héros, quelque part entre Barbapapa et Charles Ingalls. Je tremble quand elles ont une seconde de retard à la sortie de l'école ; je leur ai acheté un téléphone portable pour pouvoir les appeler tous les quarts d'heure ou pour leur envoyer des sms débiles du genre « je t'aime ma puce » ; je leur fais des câlins à longueur de journée, et mon sang ne fait qu'un tour quand un de leurs copains de classe s'approche un peu trop d'elles. En fait, tant pour Holly dans l'écriture que pour Charlotte dans la vie de tous les jours, je suis ultraprotecteur et affreusement possessif, une sorte de mix entre une mère-poule et un centaure : je suis un père juif.

L'Apocalypse selon Marie n'est pas une suite de L'Evangile selon Satan : l'intrigue, le thème et les personnages sont complètement différents. Avez-vous voulu trancher radicalement de l'Evangile ?
    Beaucoup de lecteurs m'ont demandé cette suite en pressentant que la fin de L'évangile en appelait une. Inconsciemment c'est peut-être vrai, mais le chemin n'est pas encore fait. Si je trouve un sujet assez fort pour ranimer le personnage de Carzo, alors je n'hésiterai pas. Mais je refuse l'idée d'une suite à une bonne histoire sous le seul prétexte que l'histoire était bonne. En fait, une suite à une bonne histoire est presque toujours une mauvaise histoire. Pour L'apocalypse, je me suis laissé faire par les personnages et, surtout, par Marie et Holly. Je rêvais d'une « sainte famille » en fuite, par pour la fuite mais pour la « sainte famille ». J'aime ces moments « vides » où l'émotion sert de contrepoids à la tension du récit. Pour écrire L'apocalypse, j'ai été obligé d'entrer dans la peau d'une femme brisée et en colère qui découvre qu'elle sait encore aimer et qui est prête à tout pour sauver sa fille adoptive. Ça a donné quelque chose de radicalement différent et c'est bien.


L'Apocalypse est avant tout le livre de Marie. On lui découvre un passé atroce, un présent peu encourageant, et un avenir plus qu'incertain. Comme trouve-t-elle la force d'avancer ?

    Oui, L'apocalypse est avant tout le livre de Marie où, malgré ce passé atroce qui remonte à la surface, elle va découvrir qu'elle sait encore aimer. En fait, elle est comme tous ces personnages au bord du K.-O. qui décident de continuer à avancer juste pour voir si ça en vaut la peine. Des femmes comme elle, il y en a des millions dans la vie de tous les jours. Avec ce petit plus que Marie a : une plaque et un flingue. Un but aussi : se servir de ses traumatismes et de ses visions pour traquer les tueurs les plus dangereux. Voilà ce qui m'a toujours fasciné chez les désespérés : cette faculté de continuer à avancer alors que n'importe qui baisserait les bras. C'est ce que je dis à propos de Marie dans L'apocalypse, qu'elle avait continué à grandir et à vivre, qu'au début c'était juste pour voir si elle était capable de supporter sa souffrance. Une sorte de pari avec elle-même : survivre un jour, puis deux, puis cent. Survivre en se disant qu'il suffirait de se jeter d'un pont ou de se retenir de respirer si survivre n'était plus supportable. J'ai toujours été profondément touché par ce paradoxe des désespérés : ce sentiment de maîtriser son destin et de ne plus avoir peur de rien. Les gens comme Marie se moquent éperdument de la mort et ramènent la vie à ce qu'elle est vraiment : un court moment chiant et interminable pour les gens qui ont peur de mourir, drôle mais pas grave pour ceux qui décident de fumer l'existence comme un joint. J'aime ça. Comme un joueur de poker, Marie ne vit que pour voir si ça vaut le coup de vivre. Je pense qu'on ne peut vivre vraiment qu'à ce prix là.

L'intrigue de L'Apocalypse est plutôt sombre et désespérée. Et pourtant, les dialogues et certaines situations sont très comiques. L'humour est-il le seul remède contre la noirceur ?
     Je ne pense pas que L'apocalypse soit un livre désespéré. Sombre sans doute, mais pas désespéré. Comme tous les romanciers, j'essaie de décrire le monde tel qu'il est et d'achever mes livres en le décrivant tel que j'aimerais qu'il soit. Quand j'étais môme, je me souviens de m'être arrêté dans un cimetière breton pour lire une épitaphe gravée sur une stèle. Ça disait : « J'ai essayé de rendre le monde un peu meilleur. » Je trouve que ça vaut la peine de vivre pour ça. D'une façon générale, j'ai une peur panique des adeptes du bonheur et des Saint-Just de la santé qui affirment qu'il faut être heureux à tout prix et qu'il faut prendre soin de soi pour mourir en pleine forme. La vie est faite pour s'user, pas pour s'économiser. Respirer c'est mourir, manger c'est mourir, faire l'amour ou vivre c'est déjà mourir. Mais je ne pense pas que L'apocalypse soit aussi noire que ça. La vie non plus n'est pas noire. Elle est usante, fatigante, passionnante, pleine. Rien de sombre et de désespéré là-dedans. Quant à l'humour et la dérision, que serait devenu sans eux ce condamné montant à l'échafaud et qui, ratant une marche, s'est exclamé : « Ça commence bien ! »

L'homme est un loup pour l'homme, et visiblement, pour la Nature entière. Souhaitez-vous, avec L'Apocalypse, lancer une sorte d'avertissement aux lecteurs ?
     Surtout pas ! J'ai toujours détesté l'idée d'être un porteur de message. Nous sommes déjà submergés d'avertissements sur l'écologie ou la santé, à tel point que nos enfants ne peuvent plus grimper dans un car de ramassage scolaire sans se demander si ça va accélérer le génocide des ours polaires. Comme les adeptes du bonheur parfait ou les fanatiques de la santé, les écologistes forcenés m'ennuient. J'aime les steaks surgelés, les centrales nucléaires, les gros emballages en carton autour des aliments, et les 4x4. Je ne prône pas le retour à la bougie ni aux yaourtières. C'est une simple notion économique : tant que le fait de polluer rapportera plus d'argent qu'il n'en coûte, nous continuerons à polluer. Le problème que soulève L'apocalypse, c'est que, par peur de mourir, nous vieillissons trop et nous sommes trop nombreux. Ce qui fait de l'homme le prédateur absolu, c'est qu'il force son environnement à s'adapter à lui. D'où cette comparaison que je m'autorise avec les virus. Nous détruisons progressivement l'organisme qui nous contaminons et nous serons bientôt obligés d'en contaminer d'autres. Le cancer humain, c'est ça.

Cette vision pessimiste et torturée du monde, de l'homme a travers les âges, est-elle profondément votre, ou simplement un prétexte à l'intrigue de L'Apocalypse ?
    Je suis au contraire une personne (relativement) optimiste et (relativement) apte aux bonheurs simples. Je n'ai rien contre un verre de vieux malt, un coucher de soleil (pas trop long) ou un dîner entre potes. Je pense aussi que mes livres sont beaucoup moins noirs que la vie réelle dont ils se font le reflet. L'amour indestructible qui lie Holly et Marie en est la preuve.


Avez-vous quelques infos à nous donner sur votre prochain roman (sur lequel vous planchez déjà depuis un moment d'ailleurs).

    J'en suis aux premières esquisses. À ce moment assez magique où les premières impressions se transforment en mots. Je suis angoissé, hanté, excité. Je suis aussi complètement drogué : si je n'ai pas mes quelques lignes quotidiennes, je suis en manque. C'est bon signe.


Plus largement, quels sont vos projets pour l'année 2009 (2008 tire un peu à sa fin là..) ?

    Je veux un autre bébé, de préférence une fille, de préférence des jumelles, ou des triplées. Si c'est oui, je leur donnerai des noms de fleurs ou de fruits. J'en ai parlé à ma femme. Elle m'a passé la main dans les cheveux et m'a embrassé sur le front. Je crois que ça voulait dire non. Je voudrais aussi construire une arche remplie de milliers de caniches pour pouvoir la couler au large parce que je hais les caniches. Sinon, hormis mes autres occupations professionnelles, mon seul véritable but cette année est de me remplir du roman suivant. J'ai besoin d'avoir besoin de ça.

 

 Du même auteur sur Plume Libre : Biographie, chronique, interview

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