Fabrice Papillon

 

 
 
 
Le dernier hYver - Fabrice Papillon




Bonjour Fabrice Papillon, la première question est un petit rituel sur Plume Libre, pouvez-vous vous présenter ?
    Je suis un homme de 44 ans, blond aux yeux bleus, qui aime beaucoup rire. Mais bon, comme je ne cherche pas l’âme sœur (je l’ai trouvée il y a 20 ans !), je m’arrêterai là ! Sur le fond, je suis un passionné d’histoire (ma formation, avant le journalisme) et de science. Et comme je ne suis pas scientifique de formation – justement – j’aime la science pour ce qu’elle témoigne de notre prodigieuse histoire récente (celle des progrès des techniques et de notre compréhension du monde), mais aussi des excès qu’elle suscite parfois (manipulation du vivant, risque nucléaire...). Comme je suis tout aussi fondu de philo, je me suis toujours passionné pour l’histoire des idées, depuis les hypothèses purement théoriques et parfois prodigieuses de certains philosophes antiques, jusqu’aux démonstrations qui prouvent que la terre est ronde, qu’elle tourne autour du soleil, et un million de connaissances bien plus sophistiquées attestées ces deux derniers siècles. J’ai toujours perçu la philo et la science comme un continuum – et d’ailleurs les plus grands philosophes étaient tous « préscientifiques » si bien que les deux champs étaient souvent parfaitement confondus. Cette grande histoire du progrès humain me fascine, et depuis 20 ans, je m’interroge sur les limites dangereuses que la science tutoie souvent, et je ne recule devant aucun moyen pour en parler !!


Le dernier hYver - Fabrice PapillonJournaliste scientifique (Radio/télé), directeur d'une société de production audiovisuelle, vous avez collaboré à plusieurs ouvrages de vulgarisation scientifique, Le dernier hYver est votre premier roman qu'est-ce qui vous a poussé dans cette aventure ?
    C’était une suite logique. J’ai été très sérieux, pendant toutes ces années, à travers mes livres et les films que j’ai produits. Et je ne renie rien ! Ecrire avec Axel Kahn ou Albert Jacquard a été un privilège. J’ai énormément appris et mon imaginaire s’est mis en marche en développant tous les raisonnements possibles autour des limites de la science et de ses excès. De même, je suis très privilégié de produire de grands documentaires de vulgarisation scientifique pour des chaînes aussi exigeantes et prestigieuses qu’ARTE. Et je ne vais pas m’arrêter de si tôt ! Mais j’étais parvenu à un moment de ma vie où j’avais envie de m’amuser. Comme je suis aussi un dévoreur de romans, et notamment de thrillers, j’ai eu envie de me tourner vers cette nouvelle forme de récit, bien plus créative et « trippante ». C’est une autre manière de montrer en quoi la science prolonge aujourd’hui le grand œuvre débuté il y a 2500 ans chez les grands philosophes grecs. Et partager cette fascination pour les questions existentielles : d’où venons nous ? Où allons-nous ? Fréquenter longuement les physiciens théoriques et autres biologistes moléculaires m’a permis de saisir ce qui peut paraître à beaucoup comme insaisissable, trop complexe, ou trop technique. Faire vivre ces grands scientifiques dans un roman, à côté de nombreux personnages historiques, a été une aventure prodigieuse !


Le dernier hYver vient de paraître aux éditions Belfond, pourriez-vous nous le présenter ?
    Et bien disons que le dernier hYver brasse tous les ingrédients que je viens de mentionner : de la science très moderne, de la pensée prodigieuse (de l’Antiquité, de la Renaissance, des Lumières…), et des épisodes historiques parfois inconnus et décapants. Mais en réalité, je dirais que c’est avant tout un vrai thriller, que beaucoup des premiers lecteurs m’avouent avoir lu d’un trait, en quelques jours, malgré les 615 pages ! Une amie du CNRS m’a confessé n’avoir pratiquement pas dormi et seulement mangé des pêches pendant qu’elle lisait ! Un écrivain que j’admire énormément, Bernard Werber, m’a écrit à 3h du matin en pleine lecture « d’un trait » pour me dire que c’était « très fort ». Ce type de témoignages me remplit d’une joie immense car c’était la première mission que je m’étais assignée : ne laisser aucun répit aux lecteurs. Le dernier hYver, avec un Y qui prend tout son sens au fil du roman, pour le pire (et pas vraiment le meilleur…), c’est donc une aventure qui implique toute l’humanité à travers une histoire débutée en 415 après Jésus-Christ à Alexandrie (avec le massacre d’une grande philosophe), et qui finit par éclore tout à fait en 2018 dans des conditions atroces : des meurtres épouvantables qui résonnent rapidement avec des épisodes historiques secrets. Je mêle donc le passé au présent, au rythme d’un chapitre historique (au total une dizaine qui traversent 16 siècles) pour deux chapitres actuels. Et au bout, l’histoire rejoint le présent, et la dépasse de manière tragique. Car je suis aussi un passionné de tragédie grecque.


Était-il logique pour vous d'utiliser vos connaissances pour construire votre roman ?
De quelle manière l'ont-elles influencé ?
    Oui, c’est la continuité de ma démarche depuis 20 ans au contact du monde de la recherche, et des réflexions philosophiques dont mes livres coécrits avec de grands scientifiques doublés de penseurs (comme Axel Kahn) se font l’écho. J’ai une imagination assez bouillonnante, et mon esprit s’évade régulièrement vers la fiction quand je travaille sur une nouvelle technologie, ou une découverte scientifique. J’imagine ce qu’elles pourraient dissimuler d’occulte, de mystérieux, dans des laboratoires secrets. Donc toutes ces connaissances acquises au fil des années, toutes les discussions avec de nombreux chercheurs ou penseurs, ont clairement alimenté mon imagination. Ensuite, j’ai beaucoup bossé. Lu ou relu des dizaines d’ouvrages, d’articles scientifiques, de biographies etc. pour être très exact dans les faits. J’ai aussi beaucoup puisé dans les documentaires scientifiques que j’ai produits : pour ceux qui connaissent nos films, ils retrouveront des références subtiles disséminées un peu partout. Au bout, je voulais que tout soit parfaitement crédible. Je déteste les thrillers qui ne tiennent pas debout, ou qui font de grosses approximations (voire de vrais non sens) quand ils reposent sur des faits historiques ou scientifiques.


Sans trop en dire sur l'intrigue, d'où vous est venue l'idée de départ ?
    Tout a commencé par la lecture d’un ouvrage remarquable, Quattrocento de Stephen Greenblatt, d’ailleurs récompensé par le prestigieux prix Pulitzer. Il raconte le destin du chasseur de manuscrits Poggio Bracciolini, dit « Le Pogge ». C’est d’ailleurs l’un de mes personnages historiques, parmi une dizaine d’autres qui parcourent mon roman de l’Antiquité à l’époque contemporaine. Cet humaniste, dans le sillage du célèbre Pétrarque, a déniché dans des abbayes de toute l’Europe de sublimes œuvres oubliées de l’Antiquité (en particulier le De Rerum Natura de Lucrèce) et a largement contribué à la Renaissance de la pensée (qui a légèrement précédé celle des Arts). Cette idée de débusquer des codex vieux de plusieurs siècles, et qui réveillent les esprits pour sortir l’humanité de l’obscurantisme, m’a aussitôt enflammé. J’ai commencé à imaginer le long périple, à travers les siècles, d’un manuscrit nourri par la main de nombreux hommes, et surtout de nombreuses femmes d’exception. Lesquels transmettaient un secret unique, qui finirait, aujourd’hui, par sceller le sort de l’humanité.


Votre roman mélange habilement intrigue et événements historiques. Quelles sont vos influences ?
    Elles sont nombreuses, mais pour n’en citer que quelques unes : dans le champ du polar historique, Jean d’Aillon et son incroyable série d’enquêtes menées par son célèbre Guilhem d’Ussel. Dans le domaine de la techno-science, pas mal de SF dont les œuvres majeures d’Asimov ou de George Orwell. Dans le domaine de la prospective inquiétante sur l’avenir de l’humanité, l’incontournable Aldous Huxley et son Meilleur des mondes ou, bien plus récemment, le film Bienvenue à Gattaca d’Andrew Nicol – et d’autres fictions remarquables sur le plan scientifique. Enfin, dans le pur domaine du thriller magistral, je suis un inconditionnel de Jean-Christophe Grangé. C’est la lecture méthodique de ses livres (notamment les premiers, Les rivières pourpres, Le concile de pierre ou encore L’empire des loups) qui m’a permis de décortiquer ses engrenages terrifiants, et qui ne laissent aucun répit. Dans le même ordre d’idées, je suis un admirateur de Karine Giebel et notamment de son incroyable Meurtres pour rédemption, une somme de 1000 pages, que j’ai lu en quatre jours. Et autant vous dire ma fierté de publier chez Belfond, son éditeur actuel ! Depuis, j’ai rencontrée Karine, nous avons sympathisé. C’est un rêve qui devient réalité que de publier à ses côtés et à ceux de nombreux autres romanciers de talent.


Dans Le dernier hYver, vous mêlez très judicieusement à votre histoire, des personnages ayant existé, qu'est ce qui vous a donné cette idée ?
    Comme j’en parlais tout à l’heure, c’est sans aucun doute l’histoire de Poggio Bracciolini, découverte dans le livre Quattrocento. J’ai immédiatement imaginé ce vrai personnage en train de redécouvrir un codex secret, occulte, vénéneux, enfoui pendant 1000 ans dans un monastère retiré. Après quoi, en tissant toute l’intrigue, j’ai découvert que de nombreux personnages historiques (dont de très célèbres, tel Newton et Voltaire, ou Léonard de Vinci et Paracelse) auraient pu se croiser, se passer un relais extraordinaire qui témoigne d’une pensée prodigieuse née dans l’Antiquité. Mais toujours dans des conditions inquiétantes, tandis que la mort rôde, et généralement sur leur lit de mort. Je me suis plongé ou replongé avec passion dans les biographies de ces immenses personnages. Et j’en ai découvert d’autres, moins célèbres, mais déterminants pour l’histoire, dont beaucoup de femmes. Car ce roman est avant tout un hommage aux femmes, généralement méconnues, cachées voire niées dans la grande Histoire.


À la lecture de votre roman, on se rend compte du colossal travail de recherches que vous avez dû effectuer au préalable. Comment travaillez-vous à ce sujet ?
    Je poursuis la logique de l’Encyclopédie, dont la méthode reste à mon sens la plus efficace, depuis son invention par les Lumières du 18ème siècle. Bien sûr, aujourd’hui, les encyclopédistes modernes travaillent bien plus avec Wikipedia que de vrais volumes en papier, mais la logique est la même. Je n’ai pas échappé à cette démarche : j’ai commencé par tracer une trame générale, puis j’ai commencé à lire une dizaines d’ouvrages incontournables dans mon histoire (d’ailleurs j’ai indiqué une bibliographie assez complète en fin de mon roman). Après avoir plongé dans ces récits détaillés, qui m’ont aiguillonné et donné de très nombreuses idées pour charpenter le récit autour du squelette de la trame, j’ai ensuite picoré des milliers (réellement des milliers !) d’informations sur le net, en commençant par Wikipedia quand je n’avais aucune base, et en prolongeant jusqu’à des articles très scientifiques ou historiques. J’ai aussi beaucoup puisé dans mes connaissances, développées dans mes livres ou films. J’ai ensuite tissé de très nombreuses interrelations entre les situations, les lieux, les époques historiques, les personnages. Dans le présent, j’ai enquêté comme le journaliste que je suis. J’ai décroché mon téléphone et demandé à rencontrer les limiers de la police technique et scientifique (qui jouent un rôle central dans l’ouvrage), ou bien des médecins, comme le légiste et anthropologue (et néanmoins ami) Philippe Charlier ; ou encore l’ingénieur en chef de l’Inspection générale des carrières souterraines de Paris etc. Je tiens d’ailleurs à tous les remercier de m’avoir ainsi ouvert leurs portes. Enfin, j’ai parfois complété avec des lectures « témoignages » de certains experts, comme un livre du médecin du RAID (qui raconte son travail lors des attentats du Bataclan, glaçant) ou même un roman écrit par un vrai flic du 36, quai des Orfèvres, et qui m’a « affranchi » sur le jargon de la Crim. Tout était bon pour être réaliste.


En commençant l’écriture du dernier hYver, aviez-vous déjà en tête les différents rebondissements, y compris la fin ?
    J’avais clairement la fin (ou plutôt « les » fins) en tête. La première, au temps du récit présent (2018), la seconde bien des années plus tard. Ces deux fins m’ont guidé tout au long du livre. C’était comme un puissant aimant. Le destin, à la manière d’une tragédie grecque, allait se réaliser malgré tout. Et rien ne pourrait l’empêcher. En revanche, j’avoue qu’un certain nombre de rebondissements sont nés pendant l’écriture, grâce au travail inconscient des rêves nocturnes. J’écrivais d’ailleurs généralement dans l’obscurité, entre 23h et 2h du matin, puis au petit matin entre 7 et 9h, avant d’aller faire mon travail de producteur. Ce sont des moments très propices pour l’imagination, surtout pour de sombres récits.


Que diriez-vous à un futur lecteur pour lui donner envie de se plonger dans votre roman ?
    Que c’est une histoire plus forte que moi, que nous tous, un engrenage inéluctable, qui nous embarque quoi qu’il arrive. Et que je finis sincèrement par me demander si le dernier hYver n’est pas vraiment en train de se réaliser, tant mes découvertes, au fil de mes recherches et de l’écriture, semblent naturellement corrélées. J’en tremble encore, et je redoute fortement l’été 2018… Maintenant, si je m’adresse plutôt à une future lectrice, je lui dirai : bienheureuse que tu es ! Ton heure est peut-être arrivée…


Quels sont vos projets ?
    Dans le domaine de l’écriture, c’est clairement un second roman. J’ai déjà un titre de travail : « Régression ». Je suis plongé dans de nombreux ouvrages historiques, je m’amuse comme un fou. Et je découvre déjà des corrélations qui me font froid dans le dos. L’humanité sera, une fois encore, largement impactée par ce récit historique, philosophique et scientifique.


Merci beaucoup, Fabrice Papillon, nous vous laissons le mot de la fin.
    Je reprendrai la dernière phrase de mes remerciements : que seraient les hommes sans les femmes ? De manière quelque peu déconcertante – j’en conviens – ce livre est un véritable hommage aux femmes. A leur nature, à leur particularité et à leur inventivité largement niées dans l’histoire… Mais il faut se méfier de l’eau qui dort… Pour ma part je veux rendre hommage à ma femme, Valérie, qui m’a soutenu tous ces mois durant et s’est avérée une première lectrice exigeante mais toujours bienveillante. Clairement, sans elle, pas de roman. Elle m’a permis de tenir bon, de tenir la rampe, de ne pas digresser. Et elle a supporté le bruit entêtant du clavier de mon portable, des soirées entières ! Quelle patience… Et je veux aussi remercier mon éditrice, Céline Thoulouze, qui a cru en moi dès les 100 premières pages de l’ouvrage. Elle était sûre d’elle, alors que je commençais à peine l’écriture. Elle m’a donc donné une confiance énorme qui a largement contribué à me permettre d’aller jusqu’au bout.


P.S.
Non en fait il reste une toute petite chose que nous aimerions savoir …

L'homme n'a pour l'instant aucune prise sur le temps qui passe, mais il semble que vous soyez le détenteur de quelques "astuces" pour paraître plus jeune. Pourriez-vous en partager quelques-unes avec nous ? 
Et non ce n'est pas une question intéressée juste de la curiosité … :)

    Alors c’est simple : beaucoup d’amour, de bonheur, pas d’angoisse, pas de stress, beaucoup de soleil (je viens de déménager en Corse, je sais de quoi je parle !), une nourriture saine et de l’activité physique ! Et si vous habitez dans une grande ville, dans la pollution, les transports bondés, le temps grisâtre, avec un job stressant, un conseil : faites TOUT pour changer de vie. Ne pensez plus qu’à cela. Vous aurez l’air plus jeune, c’est sûr. Et vous vivrez plus longtemps, dans de bien meilleures conditions ! Vous voyez, inutile de recourir aux astuces du dernier hYver et de mes amis scientifiques……



 
 

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