Pierre J.B. Benichou

Pierre JB Benichou 





  Juin 2017

 

 
 
Pierre JB Benichou

 

Bonjour Pierre J.B. Benichou, afin de mieux vous connaître, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vous et votre parcours ?
    Bonjour. C’est un plaisir de répondre à vos questions. Mon parcours est plutôt long et je vais faire de mon mieux pour le résumer, car j’ai toujours conduit plusieurs carrières en parallèle. Après des études de droit international à l’Université Paris Assas, je me suis lancé dans le journalisme et écrit dans la rubrique Cinéma de plusieurs quotidiens et hebdos pendant plusieurs années. Ce qui m’a conduit, d’une part, à écrire des bios et des essais ( Romy Schneider et Horreur et Epouvante dans le Cinéma Fantastique, aux Editions PAC, par exemple ) mais aussi à m’impliquer dans le marketing, la distribution et la production de films de cinéma. L’échec d’un film produit à Hollywood en 1983 (Savage Down) qui a englouti le peu de biens dont je disposais, m’a fait retourner à l’écriture sous un pseudonyme. En tant que Pierre Malvine, j’ai publié une demi douzaine d’oeuvres, parmi lesquelles « Les Chemins d’Amérique » dont les droits ont été achetés par TF1, mais qui malheureusement n’est jamais devenu la série TV envisagée. A la même époque, j’ai été « nègre » de plusieurs auteurs célèbres, dont je ne citerai pas les noms, et j’ai écrit une vingtaine de romans de commande. Ce que l’on appelle des « romans de gare ». Un blocage d’écriture m’a fait retourner « aux affaires » sous la forme d’un groupe de presse que j’ai créé dans les années 90. J’ai eu le plaisir d’éditer le magazine « Zoo tous des bêtes » avec l’ancienne équipe d’Hara Kiri, y compris le professeur Choron. Ce que l’on se permettait de faire à l’époque me conduirait aujourd’hui directement à la case prison. Certains de mes dessinateurs ont d’ailleurs tristement disparu pendant le massacre de Charlie Hebdo, dont nous étions concurrents. Mon dernier magazine « Rajeunir », un mensuel de santé anti-âge, a disparu en 2008, lorsque je suis parti vivre aux USA. Une fois de plus, je me suis remis à l’écriture, avec l’édition de « La tentation Barbare » chez Kéro en 2014, puis, cette année, « Rouge Eden » chez Belfond, qui doit d’ailleurs publier mon prochain roman (titre confidentiel pour l’instant) au début 2018. Ouf ! Et j’ai fait court !


Qu'est-ce qui vous a mené à l'écriture ?
    Ma passion pour la lecture est née d’un accident. Alors que j’avais 12 ans, je me suis retrouvé, en pleines vacances, avec un pied dans le plâtre, ce qui excluait pour moi tous jeux de mer et de plage. Mon père a eu alors l’idée de dévaliser la librairie du coin. Et je me suis retrouvé pendant trois semaines, installé sur une chaise longue, à dévorer « Autant en Emporte le Vent » « A l’est d’Eden » « Le vieil homme et la mer » et autres classiques américains. Je me souviens de ces vacances parmi les plus heureuses de mon enfance. Mais, parallèlement, je m’étais découvert depuis l’école primaire un certain don pour les rédactions. Autant les maths me rebutaient, autant j’avais hâte d’assister au cours de français. Mes notes en rédaction étaient toujours les meilleures de la classe et m’ont souvent évité de redoubler. C’est d’ailleurs le français et la philosophie qui m’ont permis d’obtenir un bac littéraire en première, sans faire de terminale. J’ai obtenu un 17 dans les deux matières, ce qui était d’autant plus exceptionnel que je n’avais suivi aucun cours correspondant. Dès lors, je me suis défini comme « écrivain ». Mes 3 premiers romans n’ont jamais été publiés, mais que l’on demande ma fonction, même lorsque je suis resté près de 15 ans sans écrire, et je réponds toujours « écrivain ». Ma passion pour la lecture s’est muée en passion pour l’écriture.


Vous avez été critique de cinéma, producteur, auteur de romans sous plusieurs pseudonymes et aussi pour d’autres auteurs, qu’est-ce qui vous a décidé à publier sous votre nom ?
    A force d’avoir une multitude de pseudonymes, pour diverses raisons, on finit par ne plus savoir qui l’on est vraiment. Je ne me suis jamais senti à mon aise lorsque je devais me présenter comme « Pierre Malvine » et j’ai toujours eu le réflexe d’ajouter « mais ce n’est pas mon vrai nom ». A l’origine, malheureusement, il se trouve que j’ai un homonyme célèbre, ancien rédacteur en chef du Nouvel Observateur, dont je ne partage pas forcément les idées. Afin de me démarquer de lui en reprenant l’identité qui m’appartient, j’ai rajouté les initiales des mes 2 autres prénoms « JB » entre Pierre et Benichou. Je ne suis pas particulièrement attaché à ce nom, et j’aurais sans doute préféré m’appeler Malvine, dès la naissance, mais il se trouve que c’est le mien. Je me suis donc donné pour but, désormais, de le défendre, comme Michel Polnareff, qui, lui, a toujours refusé de prendre un pseudonyme, malgré les pressions de son agent et des maisons de disques.


Pierre JB Benichou - Rouge Eden

Votre roman Rouge Eden est sorti en février 2017, pourrirez-vous nous le présenter ?
    Je définis Rouge Eden comme appartenant à un genre que j’ai voulu créer. Le « thriller philosophique » qui, à mon sens, devrait remplacer la mode du « thriller ésotérique » lancée par Dan Brown avec « Le Code Da Vinci ». Depuis longtemps, je me passionne pour l’histoire, l’ésotérisme, la kabbale, la philosophie bouddhiste et la physique quantique dont nous découvrons, peu à peu, qu’elle redonne leurs lettres de noblesse à des sagesses ancestrales. Je ne suis pas religieux, bien au contraire, mais je ne peux imaginer une vie sans autre sens que celui que nous voulons bien lui donner individuellement. Parallèlement à ces objets de recherches, j’ai eu la chance, quand je vivais aux USA, d’entrer en relation amicale avec plusieurs agents du FBI, parmi lesquels Bill Hagmaier, spécialiste en sciences comportementales, et Michael Welner, psychiatre légiste. Bill est l’agent spécial avec lequel Ted Bundy, le plus célèbre des tueurs en série, a passé ses dernières nuits avant d’être exécuté sur la chaise électrique. Mon personnage, Will Birdy, s’en inspire. Mais à travers l’histoire de ce tueur en série qui croit en la réincarnation, et qui s’avère être, justement, celle d’un professeur de physique quantique envoyé injustement au goulag soviétique dans les années 30, j’ai pu relier entre elles toutes mes passions. Je crois personnellement en la réincarnation, d’ailleurs. Mais j’ai voulu sortir la thématique, de plus en plus à la mode dans le cinéma américain, de ses schémas habituels : histoire d’amour, comédie ou débat scientifique. Faire d’un criminel, d’un monstre, la réincarnation d’un génie de la physique, victime absolue d’un système aberrant, me permet d’ouvrir un débat plus profond, à plusieurs niveaux passionnants pour moi.


Votre livre nous fait partager le drame vécu par la famille Bogaïevski, comment est-elle née ?
    Pour tout vous dire, mon idée première était de faire de cette famille des victimes de l’holocauste. Mais j’ai pris conscience que, si l’holocauste servait de thématique à énormément d’œuvres- et c’est un bien à une époque où des pans entiers de la société sombrent dans le négationnisme sous l’influence des dictatures d’aujourd’hui, dont l’Iran - peu mettent en avant ou accusent l’une des plus grandes atrocités du vingtième siècle. Le totalitarisme communiste, qu’il soit stalinien, cubain, coréen, ou maoïste. Le mal absolu symbolisé par le nazisme a trop longtemps occulté un autre mal, de même niveau : la dictature du prolétariat. Il se trouve encore des intellectuels pour défendre Staline du bout des lèvres, alors que rien n’égale une dictature criminelle comme une autre dictature. Etant d’une nature polémique, et attachant plus de valeur à la liberté individuelle qu’à toute autre forme de vie en société (sans pour autant sombrer dans l’anarchisme) j’ai trouvé plus intéressant de situer l’action en Russie Soviétique dans les années 30, ce qui m’a conduit à Moscou et en Sibérie pour faire quelques recherches sur le Goulag, et à découvrir d’immenses auteurs spécialisés comme Nicolas Werth, à qui je dois d’avoir découvert « L’ile aux Cannibales ». Puisque vous avez lu le roman, vous comprenez ce à quoi je fais allusion…


Une partie de l’histoire se déroule en Floride en 1991 et l’autre à Moscou en 1933, pourquoi ces choix de dates ?
    J’ai souhaité coller du plus près à l’histoire. Ted Bundy a sévi dans les années soixante dix pour être exécuté en 1989. Quant à 1933, c’est l’année de la grande purge des « ennemis de la république socialiste » décrétée par Guenrikh Iagoda, patron du GPU, l’équivalent de la Gestapo de Staline, mais c’est aussi une grande année pour les découvertes en physique quantique, 6 ans après la conférence de Solvay, qui s’est trouvé être la plus grande réunion de génies scientifiques de tous les temps. Ainsi que je l’écris dans Rouge Eden, notre perception de la réalité et notre connaissance du monde se divise en deux époques. Les millénaires avant la conférence de Solvay… et depuis.



Will Birdy est un tueur condamné à la peine capitale qui a quelques similitudes avec un tueur en série qui a défrayé la chronique, Ted Bundy (photo ci-dessous).
Pourquoi avoir choisi ce criminel en particulier ?

    Ce doit être mon coté mégalo. (rires) Tant qu’à m’inspirer d’un tueur en série, autant choisir le plus abominable, et le plus charismatique. Ted Bundy Ted Bundy ou Theodore Robert Bundy était un tueur en série américain. Il a agressé et assassiné de nombreuses jeunes femmes et filles durant les années 1970
Pour en revenir à Bill Hagmaier, j’aurais dû préciser, plus tôt, qu’il avait été engagé comme conseiller sur le tournage du « Silence des Agneaux » et que beaucoup pensent que le personnage d’Hannibal Lecter était aussi inspiré de Bundy. Pour faire contrepoids à la victime d’un monstre tel que Staline, dans mon jeu de systèmes inversés, je me devais de m’inspirer d’un personnage de même ampleur. 



Le professeur Bogaïevski est un physicien soviétique, expert en physique quantique, pourriez-vous nous expliquer cette science en quelques mots ?
    En quelques mots ? Vous voulez dire en quelques volumes de 5000 pages chacun ! Bon, je vais quand même tenter. Jusqu’aux découvertes de Planck (à qui l’on doit le terme « quanta »), Einstein, Schrödinger, Bohr, Heisenberg, De Broglie, Pauli, Dirac, pour ne citer que quelques noms parmi les pionniers de cette science, les scientifiques pensaient que l’univers était fait de matière divisible, jusqu’à l’infini. L’idée d’atomes, qui nous vient le Grèce antique. Avec la physique quantique, on découvre tout à coup que, non seulement la matière n’est plus autant divisible, mais qu’à une certaine dimension elle se comporte de façon tout à fait non intuitive. Par exemple, la lumière que l’on croyait être une onde, porté par « l’éther » est tout à la fois onde et matière. Sa nature finale dépend de l’expérience conduite. Mais pire encore, la physique quantique nous démontre que l’infinitésimal n’est pas régi par le déterminisme mais par le hasard, ou plutôt, les statistiques. Par exemple, lorsqu’un faisceau de lumière traverse une plaque de verre, et qu’une partie se réfléchit à sa surface, chaque particule a X% de chances de traverser la plaque ou de rebondir dessus et donc de créer l’effet de réflexion. Enfin, il a également été prouvé que les particules imbriquées peuvent correspondre entre elles, quelle que soit la distance qui les sépare, et donc capables de s’envoyer des messages instantanés, à une vitesse, donc, supérieure à celle de la lumière, ce qui défie d’autres règles de la physique, notamment celles de la relativité générale et restreinte d’Einstein. Cette science, dont les résultats sont incontestables et incontestés, a, malheureusement, ouvert la porte à toutes les superstitions et conduit à la naissance de la vague « new age » puisque, le fait que l’expérimentateur puisse définir la conduite d’une particule de lumière dont un univers non déterministe, aurait pour conséquence que la conscience humaine détient des pouvoirs illimités, ce qui reste à démontrer.

 

Conférence de Solvay
Conférence de Solvay


Quelle part représente la documentation historique dans votre travail d'écriture ?
    En termes de temps ? Disons que, une heure d’écriture, j’en passe vingt en recherche.


Il est aussi question de réincarnation, un sujet qui divise, pourquoi ce choix ?
    Si nous ne devions aborder que les sujets qui ne divisent pas, beaucoup de romans ne seraient jamais écrits. Comme je vous l’ai indiqué plus tôt, je crois personnellement en la réincarnation, comme partie intégrante du destin humain et animal. Mais je ne me vois pas, dans mon corps, avec ma mémoire, revenir sur terre dans deux cents ans, et je ne pense pas, non plus, avoir été Napléon ou Moïse dans une vie antérieure. Ma conception de la réincarnation découle de la croyance en l’âme, ce qui est également objet de débat, et d’une logique implacable quand on se passionne pour le temps en physique : s’il y a un après, il y a forcément un avant. Pratiquant la méditation de façon régulière, j’en suis venu à cerner cette âme et à établir un dialogue avec elle. C’est ce que Jung définissait comme « dialogue entre le moi et l’inconscient ». Elle est, pour moi, plus réelle que mon égo, constitué de pulsions, d’acquis, de névroses et de fantasmes et que ma part physique, qui se reconstitue en permanence, et fait qu’à soixante dix ans je n’aurai plus rien à voir avec l’adolescent de quinze ans que j’ai pu être. Seule cette âme est constante. Elle est immuable et éternelle et décidera, selon moi, de mon prochain passage sur terre. En fait, nous nous réincarnons en nous-même à chaque réveil. Et je ne crois pas au grand néant.


Qu’aimeriez-vous dire aux lecteurs qui n’ont pas encore lu vos romans ?
    Je les invite à découvrir un monde à la fois magique et réel. Des plongées dans l’extrême à travers des personnages hauts en couleur et extrêmement vivants. Il paraît, d’après certains critiques, qu’il est impossible de refermer mes romans une fois qu’on a lu la première page. J’en suis flatté. J’espère donc qu’ils seront de plus nombreux à me faire l’honneur de partager ces aventures avec moi.


Quels sont vos projets ?
    Je viens de remettre un manuscrit à mon éditeur, Belfond, qui devrait l’éditer début 2018. Il s’agit cette fois d’un thème tout à fait différent. L’histoire d’une jeune femme plutôt laide, mais d’une intelligence remarquable, qui participe à une émission de relooking extrême pour gagner la somme qui lui permettra de sauver sa petite chienne gravement malade. En parallèle, on suit la radicalisation d’un jeune immigré de troisième génération, qui avoue sa haine des femmes, jusqu’au passage à l’acte. Ce roman, très féministe, est une critique des excès de deux civilisations qui s’affrontent actuellement et dont on ne dit pas assez que le point de friction principal est le comportement de la femme, son image et sa liberté dans chacune des deux sociétés. Mais je n’en dirai pas plus pour l’instant. En revanche, je vais attaquer prochainement une grande saga sur 4 époques, avec, une nouvelle fois, la réincarnation comme thème central.


Merci beaucoup Pierre J.B. Benichou, nous vous laissons le mot de la fin.
    C’est moi qui vous remercie. Comme conclusion, je mettrai en avant celles d’une étude américaine récente. Lire un minimum d’une heure par jour développe l’intelligence, la sensibilité émotive, la capacité de concentration. A l’inverse, ne pas se servir de cette fonction naturelle conduit à une dégénérescence cognitive qui va en s’accélérant. Pour le dire plus simplement, nous avons un choix. Lire, ou devenir idiots.

 

  Du même auteur : Biographie, chronique, interview



 

 

 

 

 

Go to top