Grégoire Hervier

 

 
 
Grégoire Hervier - Vintage

 

 

Bonjour Grégoire Hervier, troisième interview sur Plume Libre après celle de novembre 2008 lors de la sortie de Zen City. Que s'est-il passé dans votre vie littéraire depuis cette date ?
     Bonjour et merci de me recevoir à nouveau sur Plume Libre. J’ai participé à beaucoup de salons et de rencontres suite à la sortie de Zen City. J’ai reçu un prix au Maroc en 2010 pour Scream Test et Zen City a obtenu le Prix PACA des lycéens en 2011 (un grand souvenir car il fut pour moi l’occasion de faire un petit concert de rock avec deux autres auteurs devant plus de 500 personnes). J’ai publié une nouvelle, Concentration, dans la revue Black Mamba cette même année. Parallèlement je réfléchissais à un nouveau roman, un techno-thriller, dont j’ai ensuite abandonné l’idée, avant de me consacrer pleinement à Vintage.


Grégoire Hervier - VintageVotre roman, Vintage, vient de paraître aux éditions Au Diable Vauvert, pouvez-vous nous le présenter ?
    C’est un polar, ou peut-être plus un roman noir, sur le rock’n’roll. Le héros, un jeune journaliste et guitariste, est amené à remonter la piste d’un instrument mythique : la Moderne de Gibson, le graal des guitares vintage. Je voulais écrire un roman rythmé et énergique, mélangeant suspense et humour, qui s’adresserait autant aux amateurs de rock qu’au grand public.


Comment est née cette intrigue ?
    Un peu par hasard… Je joue (très moyennement) de la guitare depuis mes 16 ans et, en voulant m’en acheter une nouvelle, je suis tombé sur une Silvertone des années 1960, pour laquelle j’ai craqué. Je me suis alors intéressé aux guitares anciennes, sans qu’il y ait de rapport avec le sujet sur lequel je travaillais. C’est ainsi que j’ai découvert l’histoire méconnue de la Moderne : une guitare dont le brevet a été déposé en 1957 par le président de Gibson, Ted McCarty. Bien qu’elle ne fût jamais produite en série, il pourrait exister un ou plusieurs exemplaires de présérie. Aucun d’entre eux n’est jamais apparu sur le marché mais, si cela devait arriver, son prix affolerait les compteurs, car des modèles comparables de cette époque, comme la célèbre Flying V, atteignent déjà des cotes faramineuses. Cette histoire d’un objet précieux et mythique, dont l’existence même n’est pas avérée, m’a intrigué. Je me suis dit qu’elle pouvait être un bon point de départ pour un roman, d’autant qu’elle était liée à l’une de mes passions, le rock’n’roll. Alors, je me suis lancé...

À travers la recherche de cette guitare "mythique", vous revenez sur les débuts du rock. Comment vous est venue cette idée ?
    L’histoire de la Moderne amenait naturellement à se concentrer sur le rock de la fin des années 1950, période qui marque le déclin de la première vague du rock’n’roll : Elvis Presley est envoyé en Allemagne pour effectuer son service militaire, Jerry Lee Lewis puis Chuck Berry connaissent des problèmes judiciaires, Little Richard devient pasteur et, le 3 février 1959, Big Bopper, Ritchie Valens et Buddy Holly décèdent dans un accident d’avion. On lit très souvent que cette première vague, qui s’arrête en 1959 (les années suivantes seront marquées par l’émergence du twist et de la surf music) a commencé en 1951, avec la chanson Rocket 88. Mais, comme le montre très bien Nick Toshes dans ses Héros oubliés du rock’n’roll, cela est un mythe. En réalité, le rock’n’roll est bien antérieur. Il est raisonnable de le faire remonter à la fin des années 1930 : Roll’Em Pete de Big Joe Turner, par exemple, date de 1938 et peut être sérieusement considéré comme du rock’n’roll. Let’s Have a Ball de Champion Jack Dupree Trio, en 1945, en est incontestablement. Ce sont des choses peu connues, parfois même des grands amateurs de rock’n’roll, et j’ai trouvé intéressant d’en parler.


Le travail de recherche est très impressionnant, comment s'est-il passé ?
    J’ai passé ces dernières années à lire de nombreux livres spécialisés : sur les guitares, le blues, l’histoire du rock’n’roll, ainsi que des biographies. Je me suis aussi rendu aux États-Unis, sur la route du Blues, de Chicago à La Nouvelle-Orléans. J’ai visité les studios Sun, Graceland, et presque tous les musées du rock ou du blues qui s’y trouvaient. J’ai aussi rencontré un universitaire à Oxford, Mississippi, qui m’a beaucoup éclairé sur la culture du Sud des États-Unis. J’ai pris énormément de plaisir à effectuer ces recherches. En fait, le travail le plus difficile a été de sélectionner ce que je considérais comme vraiment utile pour le lecteur, et à l’intégrer le plus naturellement possible dans l’histoire.

La musique est un personnage à part entière dans votre roman. Pouvez-vous nous en parler ?
    J’ai beaucoup aimé écrire sur la musique : celle de chansons connues et plus encore celle de chansons fictives. J’ai élargi mon horizon musical grâce à ce roman et, à ce titre, j’aimerais soumettre deux liens aux lecteurs intéressés : le premier (https://www.youtube.com/watch?v=H_lqJk5JzeA) permet de découvrir les prémices du rock’n’roll avant 1950, le second (https://www.youtube.com/playlist?list=PLntJzYBw6aWqETVq4YkAPJvoykhQ6jxxR)est la « bande originale » de Vintage. Cette B.O. est axée sur l’évolution du son des guitares, et l’apparition progressive de la distorsion. Les premiers titres peuvent être considérés comme les principales sources d’influence du personnage de Li Grand Zombi Robertson, les suivants comme des titres importants, qui résonnent fortement dans le roman.

Êtes-vous un peu vintage ?
    Sans doute sur certains points, ou pour certaines choses, mais je suis bien ancré dans le présent. Enfin, j’essaye…


En commençant l’écriture d’un roman, avez-vous déjà en tête les différents rebondissements, y compris la fin, ou vous laissez-vous porter par l’écriture au fur et à mesure ?
    Un jour, Pierre Bordage m’a parlé de la terminologie créée par Francis Berthelot, qui distingue deux types d’auteurs : l'auteur « scriptural », qui laisse à l'écriture le soin de définir la structure, et l'auteur « structural », qui construit le roman avant de l'écrire. Je fais partie du deuxième type : j’ai besoin d’étudier longtemps le sujet dont je souhaite parler, et surtout savoir vers quoi je tends. J’écris un synopsis, je rédige des fiches de personnages et je réfléchis beaucoup avant d’écrire. Cela dit, je m’accorde une grande souplesse lors de la rédaction, car rien n’est plus plaisant que de se laisser surprendre : certaines idées, ou rebondissements, ne jaillissent qu’au moment de l’écriture. Et la fin n’est jamais exactement la même que celle que j’avais imaginée au départ.


Vos romans traitent de sujets totalement différents les uns des autres, est-ce que vos méthodes d'écriture changent avec le sujet ?
    La plus grosse différence pour Vintage est que, après avoir conçu la trame du roman, je suis allé sur place, sur la route du Blues, pour situer l’action et les personnages. J’avais écris Scream Test sur la base de mes souvenirs de Los Angeles et, pour Zen City, je ne m’étais rendu dans les Pyrénées qu’en toute fin d’écriture. Mais dans Vintage, le cadre n’est pas un détail : la Highway 61 est réellement liée à l’histoire du blues et des débuts du rock’n’roll. Je l’ai parcourue en sens inverse, de Chicago vers le Sud, pour plonger dans le passé, comme c’est le cas dans mon histoire. Et aussi m’inspirer de l’ambiance de ces régions et de ces villes telles qu’elles sont aujourd’hui. Par exemple, en visitant le quartier de Cooper-Young à Memphis, je suis tombé sur une maison délabrée qui m’a fait penser : c’est là que Bruce Pelvis Presley, l’un de mes personnages, habite.

Une autre différence est que j’accorde une importance croissante au travail de réécriture : j’essaye de couper partout où j’estime qu’il y a une perte trop importante de rythme.

Quelle est la question à laquelle vous auriez aimé répondre et qu’on ne vous pose jamais ?
Honnêtement, je ne sais pas. Grâce aux rencontres avec les lecteurs, j’ai eu l’occasion d’être confronté à de nombreuses questions et j’ai globalement la sensation inverse : celle que chaque détail que je mets dans mes romans, y compris le plus insignifiant, finit par être relevé par quelqu’un.

Quels sont vos projets ?
Dans l’immédiat, je vais essayer de promouvoir Vintage de manière à ce qu’il rencontre son public. Et puis, quand le temps sera venu, il n’est pas impossible que je me mette à écrire cette nouvelle histoire qui me trotte dans la tête…

Merci beaucoup, Grégoire, nous vous laissons le mot de la fin.
    Zut, c’est déjà la fin… Alors, un grand merci à Plume libre pour son soutien dès mes débuts.
Continuez à faire rocker la littérature comme vous le faites !

 

Vous pouvez retrouver Grégoire Hervier en dédicace 

Librairie Les Mille-Feuilles (Paris) : 12 octobre 2016 à 19h30
Librairie Longtemps Paris 19 ème : 10 novembre 2016
Librairie La virevolte (Lyon) : 16 novembre 2016
Histoire d’en Parler / Librairie L’imaginaire (Annecy) : 17 novembre 2016 (rencontre au Bistrot des tilleuls)
Festival Sang d’Encre (Vienne) : 19 et 20 novembre 2016
Radio France fête le livre : 26 novembre 2016

 

  Du même auteur : Biographie, chronique, interview



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