Grégoire Hervier



 

 Grégoire Hervier - Festival sang d'encre

 

 

Faisons connaissance: Qui est Grégoire Hervier? Comment seriez-vous noté par les psychologues des castings de téléréalité?

Qu'est ce qui vous a donné l'envie (le besoin?) d'écrire?
Bonjour, je suis un auteur de 29 ans, attiré par les genres de l'imaginaire tels que thriller, le fantastique, l'horreur, la SF et l'anticipation. Je serais probablement un très mauvais candidat de jeu de télé-réalité, sans doute trop indépendant et réservé. J'avais depuis longtemps envie d'écrire, mais je m'y suis mis sur un coup de tête. J'ai cherché une idée, et celle-ci ne m'a plus quitté. J'ai écris Scream Test en deux périodes de trois mois étalées sur deux ans, dans un état de furieuse jubilation.

Faire éditer son premier roman, est-ce la grande aventure ou le parcours du combattant?
Honnêtement, trouver un éditeur lorsque l'on est inconnu et débutant reste le parcours du combattant. Les délais de lecture sont très longs, les chances infimes et les réponses laconiques. Je me suis accroché aux quelques lettres de refus personnalisées que j'ai reçu pour améliorer mon manuscrit et le renvoyer à d'autres éditeurs. A l'inverse, une fois l'éditeur trouvé, c'est la grande aventure. Une fois publié, le livre devient incontrôlable et c'est une période pleine de surprises, d'interventions improbables et de rencontres.

 

Quelques mots sur Scream Test, sans en gâcher le suspense : vous mettez en scène (et la formule est délibérée), un groupe de jeunes pensant participer à une émission de téléréalité, abattus par balle en direct sur le net au gré des votes « de sauvetage » des spectateurs. Une course contre la mort s'engage alors pour Clara Redfield, lieutenant de police à Los Angeles, qui n'a que 6 jours pour retrouver les « candidats » de ce jeu macabre.

Pourquoi avoir choisi la télé réalité comme décor de votre roman ? Vous en dressez un portrait glaçant de cynisme, et pourtant d'un humour ravageur. Avez-vous un compte personnel à régler avec John De Mol?
Je cherchais un sujet original et peu traité, ce qui était le cas avec celui de la télé-réalité. Il y avait eu des films formidables, Le prix du danger, The Truman show, mais quand j'ai commencé (il y a trois ans et demi), je n'ai trouvé aucune référence de cet incroyable phénomène de société dans la littérature. Depuis, surtout avec Acide Sulfurique d'Amélie Nothomb ce n'est plus vrai, mais au moment de l'écriture, j'avais l'agréable impression de voguer en terrain vierge.
Je n'ai aucun compte personnel à régler avec M. De Mol. Je pense d'ailleurs que son rôle a été surtout d'anticiper les goûts du public en utilisant le phénomène webcam. L'idée de la télé-réalité lui est bien antérieure et si cela n'avait pas aussi bien marché, il serait certainement passé à autre chose.
C'est vrai que pour moi, la télé-réalité représente le triomphe du cynisme, du sadisme. C'est un divertissement qui valorise l'exclusion. Mais ce n'est pas non plus un sujet dramatique et il vaut mieux en rire qu'en pleurer.

 

Au-delà de la téléréalité, c'est tout le monde des médias qui en prend pour son grade. Dans Scream Test, une scène nous a particulièrement interpellée : celle où la présentatrice des émissions spéciales sur « The Last One » demande une minute de silence en mémoire des victimes, avant de se rendre compte avec horreur que cela provoque une perte d'audimat. Etes-vous à ce point dégoûté des médias pour en dresser un tel portrait ? Ou est-ce un signal d'alarme adressé aux téléspectateurs que nous sommes tous?
La télévision (comme la vie) a un rythme de plus en plus rapide. Dans les émissions les plus populaires, le temps de réponse alloué est souvent moins long que celui des questions de l'interviewer star, qui redoute avant tout le fameux « tunnel » de son invité. Il est vrai que certains talk-shows  ne sont pas avares en moments de flottement, en silences qui en disent longs avec des gros plans de mains tremblantes ou d'yeux humides, au cours desquels le présentateur compatit à la peine de l'invité tout en augmentant son capital humanité. Mais une vraie minute de silence total, ce n'est vraiment pas télégénique, surtout pour les spectateurs qui arrivent sur l'émission à ce moment sans savoir pourquoi il ne se passe rien.

Je tiens à préciser que je ne critique pas les médias de manière aveugle car, comme dans tous les métiers, il y a des gens compétents et honnêtes, et finalement de nombreux programmes de qualité. Par contre, ce qui est fréquent et odieux, c'est de se servir du malheur des gens à des fins de divertissement. Je viens de voir récemment un programme américain, intitulé « Plastic surgery nightmares », avec avertissement aux personnes sensibles et photos chocs. Le plus écoeurant n'était pas tant les gros plans de cicatrices suintantes que la fausse compassion de la jeune et pimpante présentatrice face aux mères de familles « aux âmes et aux corps brisés ». Les questions oscillaient toujours entre partage de la douleur et recherche du détail sordide.

Je viens de m'apercevoir que ma réponse est un peu longue. J'espère qu'il reste encore quelques lecteurs.

 

Pourquoi avoir choisi les Etats-Unis comme décor pour votre roman? La France serait-elle plus posée, moins déviante dans le domaine de l'audiovisuel?
Je me suis posé la question au tout début de l'écriture. Ca me paraissait plus crédible aux États-Unis, qui ont toujours une longueur d'avance dans le trash et qui comptent un maximum de candidats à la starification. Je trouve aussi que le genre thriller, avec un « serial killer » organisé et méthodique, est une création purement américaine. Je ne regrette pas du tout ce choix. La France est peut être un peu moins déviante dans ce domaine, du fait du CSA et d'autres organisations, bien qu'il y ait eu aussi de nombreux excès. Cela dit la télé-réalité est un phénomène mondial, qui a débuté aux Pays-bas et qui a proposé des concepts extrêmes, en particulier en Europe. L'action aurait pu se situer en France mais, à l'instar de Nice People, avec une dimension européenne.

 

Internet semble être le  média ultime, celui qui peut tout dire, tout montrer. Nous avons vu dernièrement les images de l'exécution de Saddam Hussein circuler librement sur la toile, alors que les médias télé ont refusé de les diffuser. Que pensez-vous de cette hypocrisie, vous qui pointez également cette pseudo déontologie de la télévision par rapport au net ? Internet est-il à ce point incontrôlable et incontrôlé?
Je pense que, fondamentalement, Internet est un outil. Et un outil peut s'utiliser de différentes façons. Vous pouvez vous servir du même couteau pour préparer un repas ou pour tuer votre voisin. Et si vous choisissez la dernière option, il ne viendra à personne l'idée d'accuser le couteau.
Si je ne devais dire qu'une chose d'internet, c'est que je trouve que c'est un outil formidable et terriblement puissant. C'est un vecteur de connaissance, d'information, de communication entre les individus, de transmission de la culture au plus grand nombre et dans les endroits les moins favorisés, de liberté d'expression, le tout de manière universelle et instantanée. Internet est globalement très enthousiasmant.
Bien sûr les abus sont nombreux et le pire est à portée de clic, comme dans votre exemple.
Pour ce cas précis, je ne crois pas que la faute en incombe aux télés traditionnelles, sauf si elles ont montré des images internet floutées de l'exécution, ce que j'ignore.
Je ne suis pas spécialiste mais il me semble effectivement qu'Internet est très peu contrôlé et, par essence, très difficilement contrôlable. C'est effrayant d'un côté et réjouissant de l'autre, et ce n'est peut être pas définitif.

 

Accepteriez-vous d'écrire pour la télévision? Un scénario d'émission de télé réalité contre un pont d'or par exemple?
Je suis plus orienté vers la fiction mais il y a de nouvelles écritures à mi-chemin entre réalité et fiction qui peuvent être très intéressantes. Un pont d'or pour un scénario de télé-réalité, j'accepte de suite. Par exemple, suivre au jour le jour (pendant des mois) l'équipe de reporters des émissions de Delarue ou de Mireille Dumas dans leur travail quotidien.

 

Le style de Scream Test est très visuel, un hommage appuyé au slasher, ce genre cinématographique rendu célèbre par Halloween,  Vendredi 13 et autres Scream. Cette influence a-t-elle été déterminante pour vous ? Dans quelle mesure ? Le personnage de Stanley, par exemple, ressemble furieusement au demi-frère de Sidney dans Scream 3, prêt à tout et surtout au pire pour faire le film du siècle....
Tout à fait. J'ai été un lecteur passionné de Mad Movies et un grand amateur de fantastique et d'horreur sous toutes ses formes. Aujourd'hui, c'est plus par périodes. Je m'intéresse évidemment à d'autres genres mais ceux-ci résonnent en moi d'une manière particulière.
Scream Test regorge de références plus au moins discrètes aux films d'horreur. Il repose aussi sur l'idée que la structure narrative des jeux de télé-réalité (un groupe d'ados coupés du monde et éliminés les uns après les autres par un tueur invisible) est la même que celle des Vendredi 13 et autres Halloween.

 

Avez-vous choisi vous-même la couverture du roman ? Le moins qu'on puisse dire est qu'elle frappe (et nous, on adore...).
Oui je l'ai choisie, parmi les quatre projets d'Olivier Fontveille. J'ai également gardé l'idée de la barre de téléchargement gorgée de sang, que j'aimais beaucoup. C'est vrai qu'elle frappe, mais c'est à double tranchant (sans mauvais jeu de mot).

Scream Test va-t-il se décliner en suites comme ses pendants cinématographiques ?
Pour l'instant je n'envisage pas de suite à Scream Test mais si l'envie d'écrire un nouveau thriller se déroulant aux Etats-Unis me prend, je ferais probablement revenir Clara Redfield. Par contre, il y a un projet d'adaptation cinéma de Scream Test. Affaire à suivre...

 

Quels sont vos projets futurs ? Un nouveau roman est-il en préparation ? De quel genre ? Allez, dites nous tout....
J'ai quelques projets de scénarios et je travaille en effet sur un deuxième roman. Une sorte de roman d'anticipation satirique...


Quels sont vos romans ou vos auteurs coup de cœur ? Qui voudriez-vous nous conseiller ?
Mes romans cultes sont Candide, 1984, American Psycho et Les Particules élémentaires.  En polar, mon auteur préféré est James Ellroy. Mes coups de cœur récents dans ce genre sont Méprise d'otage de John T.Parker (pseudo d'un auteur français et roman hilarant) et La Conspiration des Ténèbres de Théodore Roszack, véritable chef d'œuvre que j'apprécie d'autant plus que c'est un vibrant hommage à l'un des pionniers du cinéma horrifique. Au passage, pour les fans de films d'horreur, je ne saurais trop conseiller la lecture d'Une Expérience américaine du chaos de Jean-Baptiste Thoret, le meilleur livre sur Le meilleur film du genre. Par ailleurs, j'ai adoré un certain nombre de romans du Diable Vauvert, en particulier Pas de temps à perdre de Régis de Sa Moreira (au style poético-surréaliste flamboyant), Les enfants du Plastique de Thomas Clément, qui est à l'industrie de la musique ce que Scream Test est à celle du petit écran et je dévore en ce moment La Dernière Arme de Philip Le Roy


Merci beaucoup Grégoire Hervier, vous avez le mot de la fin

Merci à ceux qui sont arrivés jusque là sans zapper.


Du même auteur : Biographie, chronique, interview



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