Diniz Galhos

 

 

 

Diniz Galhos

 

 


Bonjour Diniz Galhos, pour commencer le petit rituel de présentation : qui est Diniz Galhos ?
Moi. Pas d’homonyme à ma connaissance.

Avant de parler de votre roman Gokan, arrêtons-nous sur votre travail de traduction, quel est votre parcours, comment êtes-vous arrivé à la traduction de livres ?
Je suis bilingue de naissance, et passionné par la langue française depuis le B.A.BA. Au cours de mes trois premières années de Lettres modernes, j’ai eu la chance de me pencher en détail sur certaines problématiques relatives à la traduction. J’ai ensuite fait à peu près tout ce qu’on peut faire dans « l’editing », du café/photocopie à nègre, un bien vilain mot pour un bien vilain métier. Je me suis arrêté à la traduction, qui a ma préférence pour tout un tas de raisons.


On parle souvent du style d'un auteur. Est-ce difficile en tant que traducteur de restituer ce "style" dans une autre langue ?
C’est, je crois, par définition impossible, puisque le « style » de chaque auteur est intimement lié à sa langue, et que chaque langue a ses particularités, profondes, mais aussi « séculières », que l’auteur ne peut toutes maîtriser ou renier. Ceci dit, je suis assez circonspect quant à l’usage littéraire du terme « style ». C’est très souvent un fourre-tout qui en impose, et permet commodément d’éviter toute analyse. Pour répondre à votre question (cette réponse n’engage que moi) : j’essaye de chercher un équivalent de la voix (des voix) des romans que je traduis. Le succès est plus ou moins aléatoire, et presqu’exclusivement suggestif. C’est à l’éditeur, à la lectrice et au lecteur d’en juger.


Est-il difficile de traduire un livre qu'on n'a pas forcément apprécié en le lisant ?
Tout dépend de ce qu’on entend par « difficile ». Je vais parler ici de ce que je pratique le plus en tant que traducteur, ce qu’on appelle la « littérature grand public » anglo-saxonne contemporaine. Certains romans peuvent être très faciles à traduire du point de vue de la phrase : vocabulaire limité de l’auteur (pas par choix d’écriture, mais de fait), structures simplistes (pas par choix non plus), etc. Mais ce sont souvent dans ces romans qu’on trouve des erreurs de chronologie, des confusions dans les noms des personnages, etc. Et le temps perdu à rétablir ces erreurs me donne souvent des envies d’expéditions punitives à l’arme lourde.


Faites-vous passer vos propres émotions dans la traduction ou restez-vous totalement neutre ?
La neutralité est bien évidemment le but recherché. Pour les émotions, c’est assez simple. En revanche, il y a toujours une marge d’interprétation. Tel traducteur décidera de traduire « fucking bastard » par « enfoiré », tel autre par « sale connard », tel autre par « espèce de demi-sel de Roscoff mal démoulé ».   C’est à l’éditeur, au correcteur, au lecteur et à la lectrice de juger de la validité de ce qu’on appelle les « choix de traduction ».


Comment vous êtes-vous décidé à sauter le pas et écrire un roman ?
J’avais cinq ans quand mes parents m’ont appris qu’écrire des histoires était un métier. J’ai commencé à en écrire avant le C.P. (dessins sur feuilles A4 agrafées en petits volumes, servant de repères mnémotechniques me permettant de raconter l’histoire à haute voix). Ma première nouvelle achevée remonte à mes 15 ans. Mon premier recueil de contes achevés à mes 23 ans. Mon premier roman achevé à mes 25 ans. « GOKAN » est mon troisième roman achevé.


Comment s’est passée la recherche d’un éditeur ?
Par la poste, et par le peu de contacts que j’ai. Cela fait maintenant dix ans que je soumets mes manuscrits à Arnaud  Hofmarcher, éditeur au Cherche Midi et co-fondateur de Sonatine. Il n’a jamais été avare de compliments (même sur les romans les moins évidents), et m’a toujours encouragé à continuer. Il a aimé GOKAN, l’a proposé à Hélène Oswald, qui a bien voulu l’accepter dans sa collection Néo.

Travaille t-on de la même façon à l’écriture d’un roman et à celle de la traduction ?
"On", je ne sais pas. Moi, absolument pas. Dans la traduction, il y a un plan, des personnages, des situations, bref, un ROMAN déjà écrit que je dois traduire de mon mieux dans l’une de mes langues maternelles (celle que je maîtrise le mieux). Quand j’écris, je commence du point 0, et je suis libre, virtuellement, de tous les choix imaginables.


Diniz Galhos - Gokan Pouvez-vous nous présenter votre roman « Gokan » ?
Très mal. C’est un divertimento gangsta-nerd. Ou un pulp féministe. Ou un palimpseste multimédia. Ou un bâton d’encens sur l’autel des Anciens. Ou une fleur de cerisier secouée par le vent de mai. Ou une grenade dans un salon de thé. Ou un… Et merde. Je vous l’avais dit.


Comment vous est venue l’idée de cette histoire ?
Ca s’est passé en 2010, lors de mon premier séjour au Japon. J’ai pris Tokyo comme une énorme claque. Des scènes et des bouts de fil conducteur me sont venus, ils se sont peu à peu mis en place les uns vis-à-vis des autres, je les y ai aidés quand ça coinçait.


Vous avez créé des personnages tout à fait originaux, comment sont-ils nés ?
Merci. Avec l’histoire, simultanément.  Comme elle, d’une nécessité et d’une envie.


Aviez-vous déjà en tête les différents rebondissements de votre livre avant d’en entamer la rédaction ou vous êtes-vous laissé porter par l’histoire et/ou vos personnages ?
Je ne me laisse porter par mes personnages et mon histoire que dans le premier temps, quand je les imagine. Une fois que j’ai mis de l’ordre dans tout ça (c’est-à-dire que j’ai établi un plan), et que cet ordre me plait assez pour commencer, je me mets au travail. C’est la méthode que je suis. Elle n’a rien d’original, rien de glamour ni de novateur, mais elle m’a permis d’écrire GOKAN dans le peu de temps dont je disposais, à savoir deux mois.


Pourquoi avoir choisi Tokyo comme décor pour votre roman ?

Parce qu’à mon retour de mon premier séjour au Japon, j’étais encore plein de l’énergie de cette ville. Il fallait que j’écrive sur ça. J’aurais pu faire dans l’impression de voyage, le récit de ce que j’y avais vécu, et le commentaire a posteriori de mes impressions. Dans le meilleur des cas, cela aurait pu susciter des émotions chez le lecteur ou la lectrice. Mais des émotions d’un tout autre ordre que celles que j’ai éprouvées. GOKAN est ce qui se rapproche le plus de ce que j’ai vécu au Japon. Pour espérer le transmettre fidèlement à quelqu’un d’autre par l’écriture, il fallait cette histoire, qui part dans tous les sens pour se résoudre comme un accord parfait.


Il faut pas mal d'imagination pour inventer une histoire, où puisez-vous vos idées ?

Je ne crois pas avoir plus d’imagination qu’une autre ou un autre. Comme n’importe quel être humain, je puise mes idées de ce que je vis, activement et passivement, volontairement et fortuitement.


Le style de Gokan est très visuel, les références au cinéma (et à Quentin Tarantino) sont nombreuses dans votre roman, dans quelle mesure cette influence a-t-elle été déterminante dans l’écriture de votre roman ?
L’une des premières impressions que j’ai eue à Tokyo a été celle d’être plongé dans un film. Décors, éclairage, perspectives, travelings, plans, bande-son, bruitages, figurants et personnages principaux, tout était à sa place, à l’échelle d’une mégapole.  Le fait de me retrouver dans le bar dont il est question dans le roman, une bouteille appartenant à Quentin Tarantino dans chaque main, a marqué le point de non-retour : mes bouts d’histoire étaient déjà dans cette veine, la coïncidence était trop belle. C’était le signe qu’il fallait absolument se jeter dans l’aventure. J’ai par la suite travaillé le motif des références (j’allais écrire révérences) culturelles dites « pop », et au-delà de ça, la thématique de la transmission, de la filiation, qui me tient à cœur depuis pas mal de temps. Depuis mes 16 ans, Tarantino est un de mes maîtres. Idem pour Kurosawa, Ozu, ou Sergio Leone, Rabelais, Zola ou Shi Nai-an. J’ai appris de ces illustres aînés comment raconter des histoires. GOKAN est, entre autres choses, un hommage à ces maîtres.


Si votre roman était adapté au cinéma, avez-vous déjà une petite idée des acteurs qui pourraient incarner vos personnages ?

Des comédiens peu connus et talentueux. Pour Michael Wakasa, mon père, Eduardo Galhos.
Et pour la réalisation, mon rêve absolu serait de voir MIIKE Takashi derrière la caméra.


En parlant de ciné/série, quels sont vos derniers coups de cœur dans ces domaines ?

Récemment, j’ai fini la dernière saison de « The Wire », série que j’ai beaucoup aimée. Je me pencherai bientôt sur « Treme », la nouvelle série de David Simon, ainsi que sur son livre, « Baltimore », dont la traduction paraîtra dans quelques mois chez Sonatine.

J’ai beaucoup aimé « Prometheus », dont j’ai trouvé la plupart des critiques injustes. C’est du grand spectacle filmé par un grand réalisateur. Et ça se voit. Avant cela, mon dernier coup de cœur en salle obscure remonte à fin 2011 : « Hors Satan », de Bruno Dumont. Personne ou presque n’en a parlé, et ça, c’est encore plus injuste que les critiques de « Prometheus ».


Etes-vous vous-même un lecteur ? Quels sont vos derniers coups de cœur et/ou vos livres de chevet ?

Je crois que pour écrire, il faut lire (énormément). Je suis en ce moment à cheval sur trois livres : « le Chamanisme » de Mircea Eliade, « Fantômes et Samouraïs » d’OKAMOTO Kido, et pour la deuxième fois, « L’œuvre au noir » de Yourcenar (que je vénère et recommande plus que chaudement).


Quels sont vos projets futurs ? Un nouveau roman est-il en préparation ? De quel genre ? Allez, dites nous tout....
Le roman sur lequel je travaille actuellement est le plus gros projet d’écriture que j’aie jamais mis sur pied. J’ai écrit la première phrase en 2005, et il devrait faire au final un millier de pages. À chaque histoire achevée, je casse le moule. Le ton et le propos n’a donc rien à voir avec GOKAN. Mais je vous laisserai en juger sur pièce…


Merci beaucoup Diniz Galhos, nous vous laissons le mot de la fin.

Merci  beaucoup à vous !



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