Denis Alamercery






Novembre 2010

 
 
 
 
 
 

Denis Alamercery, un petit rituel sur Plume Libre lors de la première interview. Pouvez-vous nous dire qui est Denis Alamercery ?
    Houlà... ça c’est la question tordue genre « quel est votre principal défaut ? » dans un entretien d’embauche ! On va dire un homme de 42 ans, qui a pas mal bourlingué à gauche et à droite avant de se poser un peu. Il m’a fallu attendre d’avoir 40 ans avant de trouver ce que je pouvais faire de ma vie...


Comment êtes-vous venu à l’écriture ?
    Hasard total... J’avais un amour immodéré des livres, ce qui m’a fait lire énormément, couplé à un manque de confiance total, ce qui a fait que jamais l’idée d’oser écrire ne m’avait effleuré.
C’est à l’origine une rencontre en 2006, celle de Madeleine Chapsal, journaliste et romancière, qui m’a dit « vous en rêvez au fond, essayez ! »... J’ai obéi, le premier roman est sorti en moins de 3 mois. Depuis, je ne peux plus m’arrêter, c’est devenu une drogue dure.


Ecrivain, scénariste.  Comment partagez vous votre temps ? 50 % écrivain, 50 % scénariste, 100% auteur ?
    Depuis 1 an ½, c’est 98% scénariste et 2% romancier... Goliath était terminé quand j’ai commencé les scénarios, je n’ai fait que des corrections mineures en 18 mois... Là, je sais pas comment je vais me dépatouiller pour écrire la suite ! Sinon, oui 100% auteur, je confirme...


Comment s’est passé la création d’Opération Goliath ? Etait-ce une commande des Carnets de l’info ?
     Opération Goliath a une histoire un peu compliquée : j’ai écrit ce roman comme les autres, pour le plaisir d’abord. Je voulais un héros plus désabusé, plus sombre que celui de mes 3 premiers livres, tout en gardant un ton léger et impertinent. Une fois le manuscrit bouclé, je l’ai envoyé à 5 grands éditeurs... 2 étaient intéressés, mais pas en l’état.
Après 9 mois de corrections, je me suis retrouvé avec 2 nouveaux manuscrits, formatés par le marketing et insipides au possible. J’ai tout arrêté, et j’ai gardé ma version d’origine dans un tiroir, me disant que je préférais une bonne histoire pour moi tout seul qu’une sombre merde pour le plus grand nombre... C’est ce qu’on appelle poliment « l’égo de l’écrivain » !
 Je suis tombé sur Jean-Paul Arif (Les Carnets de l’info) par hasard, quelques mois plus tard. Le jour où je parlais à Lise, mon agent, d’un manuscrit que j’avais en sommeil, elle m’a orienté vers son frère, Jean-Paul... Il a adoré mon travail, on a fait quelques corrections mineures et le livre a été imprimé très rapidement.
Je fonctionne d’abord au feeling, aux sentiments, et j’ai accroché tout de suite avec Jean-Paul. Je crois que la confiance et la compréhension sont les deux choses les plus importantes dans une relation auteur-éditeur. Jean-Paul a eu un œil très juste sur ce que j’avais écrit, les modifs qu’il m’a demandées étaient toujours précises et pertinentes. Je n’ai pas eu l’impression de dénaturer quoique ce soit de mon travail. A peu de choses près, le roman d’aujourd’hui est la version d’origine du manuscrit.


Votre héros Arno Fugiers est un poil bourrin mais vous parvenez avec votre plume à le rendre très attachant grâce notamment à un humour décapant. Comment est né ce personnage ?
    Un poil bourrin... J’aime bien cette définition ! Je suis incapable de savoir comment est né Arno. C’est en partie moi et en partie ce que j’aurais voulu être, j’imagine... plus quelques travers que j’ai ajouté, comme la consommation de cocaïne, qui collait bien au perso. J’écris comme je parle, je ne fais aucun effort là-dessus... Je me laisse juste aller, le plus sincèrement possible, c’est peut-être ça qui se ressent et qui rend Arno attachant, le fait qu’il ne soit pas qu’un personnage imaginaire.


Opération Goliath va à 100 à l’heure.  Mais contrairement à d’autres roman, l‘action n’est pas gratuite et surtout le fond politique de l’histoire assure une certaine densité à l’intrigue. Comment avez-vous géré les problèmes de structures afin de garder l’équilibre entre l’action et la réflexion ?
    Là, je vais décevoir ceux qui attendent des conseils, mais je ne gère rien quand j’écris un roman. Je commence une histoire sans savoir où je vais, les personnages naissent au fur et à mesure de l’histoire, l’action aussi... J’écris sans plan, sans structure, sans méthode. Je tire sur un fil au début de la première page, et je laisse se dérouler la pelote. Je trouve la conclusion du roman en général quelques pages avant de mettre le mot « fin ». Je m’inspire de ce qui se passe autour de moi, de gens rencontrés au hasard, d’infos qui me parviennent par le biais des actualités.
Je ne peux écrire un roman que comme ça, avec cette vraie liberté de ne pas savoir où je vais... J’ai juste besoin de mon sac à dos et de bonnes chaussures pour prendre la route, je me fiche pas mal de la destination. C’est l’opposé du scénario, qui obéit pour des raisons de réalisation à des contraintes techniques en permanence. Un roman, c’est la créativité à l’état pur... Si en plus on arrive à écrire sans se stresser sur le mode « mon Dieu, vais-je trouver un éditeur ?! », c’est du « no limit », le pied absolu !


Le milieu néo-nazi, était-ce une de vos volontés de l’aborder ? Comment avez-vous procédé pour comprendre ce milieu au combien opaque ?
    Oui, c’est un souci préoccupant et dont on ne parle pas assez à mon goût... J’ai parfois l’impression que beaucoup ont déjà oublié ce qui s’est passé en Europe au milieu du siècle dernier. Les croix gammées fleurissent un peu trop facilement, et pas qu’au printemps.
Pour aborder le sujet, j’ai fait des recherches sur Internet, lu des livres et des documentaires... Je ne voulais pas écrire un roman trop « sérieux » sur le sujet, d’autres l’ont fait avant moi, j’ai donc décidé de garder un ton léger pour parler de tout ça de la façon la plus percutante possible au plus grand nombre.


Votre héros est assez violent voire expéditif. Il fallait que cela soit le cas pour lutter contre ces méchants-là ?

    Oui... Il y a certaines personnes avec qui la discussion est une phase à zapper d’entrée de jeu. Quand on se trouve face à un certain niveau de connerie, les mots deviennent superflus. Le côté violent d’Arno est mon côté sombre, celui qu’on a tous à un moment ou à un autre, cette envie de tirer dans le tas et de négocier après.


Lors d’un scénario ou d’un roman, qu’est-ce qui vient en premier l’intrigue ou les personnages ?

    Le héros. Le reste vient naturellement au fur et à mesure, voir la référence à la pelote de laine citée un peu plus haut...


Quelles sont vos influences littéraires ? Vous revendiquez-vous d'un auteur en particulier ?
    Non, pas d’un auteur en particulier... Mes références sont plutôt atypiques : San-Antonio, Joël Houssin, Michel Audiard, Terry Pratchett ou Stephen King. J’ai besoin de vibrer pour aimer, et les auteurs « classiques » m’endorment plus qu’autre chose.


Quel est la journée type de Denis Alamercery quand il écrit ?
    Il n’y a pas de journée type, je suis incapable de m’astreindre des horaires ou des plages d’écriture. Ça vient quand ça vient, j’écris le soir, le matin, la nuit, parfois il me faut du mouvement autour de moi, parfois le silence le plus complet... C’est très bizarre, ça doit venir de ma paresse naturelle, je pense.


Quels sont vos projets pour la suite ?
    Continuer l’alternance romans/scénarios... Il va me falloir trouver du temps pour démarrer la suite d’Opération Goliath, je me suis trop attaché à Arno pour le laisser tomber au bout d’un livre. Des embryons d’idées et des images commencent à pointer le bout de leur nez dans un coin de mon cerveau.


Que pensez-vous de l'influence d'Internet sur la promotion de la littérature ? Est-ce un plus ou bien un problème dans la mesure où tout le monde ou n’importe qui (nous y compris) peut donner son avis ?
    Je trouve ça très bien... C’est enfin l’occasion pour le lecteur de s’exprimer, de critiquer ou de partager ses impressions. L’élitisme en général m’agace, et je préfère recevoir des reproches ou des éloges d’un lecteur passionné par les bouquins plutôt que d’un critique « spécialisé » dont c’est le boulot. Internet peut redonner ses lettres de noblesse populaire à la littérature, terme qui est devenu super pompeux quand on y pense.


Êtes-vous un « gros » lecteur de roman ? Est-il facile quand on est écrivain de se détacher de la mécanique de narration des autres auteurs pour savourer un roman ? La question se pose aussi pour les films de part votre double casquette.
    J’étais un dévoreur de livres avant de commencer à écrire... Depuis 4 ans, je lis beaucoup moins par manque de temps.  Mais écrire n’a pas changé ma façon de lire, je retrouve à chaque fois le plaisir de m’immerger dans le monde d’un autre, sans chercher de comparaisons.
Pour les scénarios, c’est un peu plus difficile, j’ai un œil plus professionnel et je repère d’avantage les détails, ce que j’aurais fait autrement ou ce que j’aurais aimé faire. Sans doute parce que scénariste c’est mon métier alors que romancier reste une passion, un hobby.


Vos derniers coups de cœur littéraires (tant au niveau roman, BD, cinéma, peinture...)?
    Une série télé : Breaking bad.


Vous avez le mot de la fin.

    Merci à tous ceux comme vous qui prennent du temps pour partager leur passion et garder l’esprit communautaire d’Internet.
Pour le reste, à suivre...
Go to top