Franck Thilliez

 

 

Franck Thilliez


La première question sera d'ordre général afin que nos lecteurs te cernent un peu mieux. Présente-nous Franck Thilliez. Comment est-il arrivé à l'écriture?
    Allons-y pour la courte bio. Une trentaine d'années. Habite dans le Nord, aux alentours de Lens. Ingénieur en informatique et donc, aussi... auteurs de romans policiers ! Comment j'en suis venu à l'écriture ? C'est assez spécial, car je ne suis pas tombé dedans en étant petit. Je ne suis pas un gros lecteur, et je n'avais, d'ailleurs, quasiment pas lu de romans policiers depuis une dizaine d'années ! Je ne te raconte pas le retard accumulé... Non, ma culture est plutôt cinématographique. Thriller/Polar/films à suspense depuis tout jeune. Je fonctionne surtout de manière visuelle lorsque j'écris, à base d'images. J'ai commencé à écrire  il y a tout juste 5 ans...


Tu as publié à ce jour deux romans: Train d'enfer pour ange rouge et La chambre des morts. Deux thrillers où l'action est reine.

Le 13 Mars, Deuils de miel, la suite des enquêtes de Sharko sort en librairie. Un personnage récurrent est-il né ou bien est-ce une nouvelle trilogie comme on en voit beaucoup ces temps-ci?
Sharko est un personnage qui me plaît, car il est très dur, mais aussi très humain. Le planter dans l'uniforme d'un commissaire de la PJ m'a permis d'élaborer des histoires particulièrement fortes et de mettre en avant les techniques employées par la police scientifique, surtout pour "Train d'enfer..." Pour "Deuils de miel", Sharko fonctionne plus à l'intuition, avec ses tripes. Une trilogie ? Qui sait ? Mais "Deuils de miel" va l'éprouver fortement, ce personnage. Sera-t-il encore capable d'affronter tout ce mal qui l'entoure ?


Tu écris en ce moment Furor Amoris qui est un roman indépendant. Cette alternance de romans indépendants et de romans de la série Sharko est-elle une règle que tu t'es fixée?

Disons que j'essaie de varier, de montrer qu'il y a différentes façons d'écrire des thrillers, et non pas un moule unique à base de flics et d'action explosive. La psychologie des personnages m'intéresse de plus en plus, les secrets les plus sombres viennent du fin fond de l'âme humaine. C'est là-dessus que je prends du plaisir à travailler. Et puis, ces changements de thèmes, de manières de raconter sont autant de défis pour moi, un moyen aussi de me remettre en question. Cette interrogation est absolument nécessaire, quelque soit le domaine, si l'on veut sortir de bonnes choses...
Tiens, une anecdote amusante (si l'on veut). Le titre ne sera plus "Furor Amoris", car, avec mon éditeur, nous avons remarqué que ce titre passait très mal à l'oreille. Certaines personnes ont compris "Fureur à l'île Maurice", ou "Fureur chez Maurice". Pas génial génial...



Te lira-t-on dans un style littéraire différent du thriller contemporain?

L'ex futur "Furor Amoris" est un huis clos. Même s'il reste un thriller, la technique d'écriture est complètement différente. C'était déjà un joli challenge que de s'attaquer à ce genre d'histoire où la psychologie des personnages devient prépondérante. Autre chose que du thriller ? Hmmm... Difficile, étant donné que je baigne dedans depuis tout petit (de par mon goût pour les films à sensations...) Je pense qu'il y a largement de quoi s'épanouir dans le thriller, car, à lui seul, il représente déjà un mélange de genres !



Dans ton dernier roman tu nous contes une sombre histoire d'enlèvement qui tourne mal. Mais surtout, tu nous peins le nord de la France où désolation et misère se battent sur un terrain abandonné, on pense notamment au personnage de l'ancien mineur qui est particulièrement réussi.

Y a t il une véritable envie de dépeindre un contexte social ou la réalité a-t-elle tout simplement pris le pas sur ton écriture?
Le Nord est une région très riche, tant par sa géographie que son histoire, voire même son tissu social. Je voulais, tout en restant dans mon style qui est celui d'écrire des histoires très dures, parler de tout cela, sans jamais entrer dans le cliché. Je n'ai pas eu plus de facilité à écrire sur ma région que sur Paris, par exemple, que je connais beaucoup moins bien. Parce que j'ai justement cherché le petit détail qui ferait la différence. J'ai fouillé dans le passé de la région, fouiné dans les méandres de ses villes aux toits rouges pour n'en faire ressortir que la plus fulgurante réalité. Je décris un Nord très dur, mais, d'une certaine façon, je pense que ça le glorifie...
Quant à ce mineur... Il suffit de l'écouter raconter, pour comprendre à quel point il aimait sa terre, et son métier, malgré la souffrance...



Tu le dis toi-même que le roman a un peu du mal à démarrer pour finalement reprendre du poil de la bête. Du coup, on a l'impression que les événements relatés sont en roue libre. Les rebondissements s'enchaînent jusqu'à la fin.

En cela, tu te rapproches du style de certains auteurs américains, on se pose alors a questions de tes influences.
Démarrer une histoire et poser les personnages est pour moi le plus difficile, car j'ai tout de suite envie de foncer, de plonger dans l'horreur. Au final, je me rends compte qu'il est très intéressant de faire monter la peur progressivement, ça crée un meilleur effet. Cette impression de s'enfouir dans les ténèbres, sans plus jamais pouvoir en sortir...

Mes influences ? Je n'en ai pas énormément, étant donné que j'ai lu du polar très tard ! Disons que JC Grangé représente pour moi le must en la matière. Mais les Américains, tels Harris ou Connelly, ne sont pas mal non plus !



En France, il existe un vivier important d'auteurs très bons, à ton image. On peut citer par exemple Alec Covin, Régis Descott ou encore Maxime Chattam. Pourtant, en tant que lecteur, j'ai la nette impression que les grands éditeurs sont frileux. Toi-même tu es publié entre autre par une petite maison d'édition distribuée par un grand groupe (Seuil).

Comment expliques-tu cette frilosité?


Le côté mercantile aurait-il dépassé l'aspect "découverte" propre à toute activité artistique? En ce sens, le secteur littéraire ne se dirige-t-il pas vers le même mur que le secteur musical qui ne signe que des artistes qui ramènent de l'argent?

C'est évident. Dans le monde d'aujourd'hui, une grosse maison d'édition  est avant tout une entreprise, qui a pour unique but de gagner de l'argent. On préfère négliger le vivier inépuisable des manuscrits arrivant par la poste  et chercher à récupérer des auteurs qui ont le vent en poupe. C'est pourtant par la poste que sont arrivés les plus grands auteurs. Personnellement, j'ai la chance d'être tombé dans une maison qui attache une grande importance aux valeurs humaines et au travail bien fait, un petit commerçant entouré d'hypermarchés, en quelque sorte. Ce sont ces éditeurs-là qui donnent leur chance aux auteurs inconnus, certainement pas les gros. Sans eux, il n'y aurait pas de "Franck Thilliez", et mes manuscrits continueraient à dormir dans mes tiroirs...



Pour le moment, tu es ingénieur en nouvelle technologie et écrivain en parallèle. A quand un thriller informatique?

A creuser. Il est vrai qu'il y a matière, surtout avec ces virus informatiques qui ont une capacité de destruction phénoménale. Mais pour l'instant, j'ai d'autres idées, que j'aimerais "épuiser" avant de me rabattre sur l'informatique !


Ecrire: une passion ou une profession?
D'abord une passion. On ne peut pas écrire 300 pages si on n'aime pas ça ou si, quelque part, on se force. Ce doit être un moment magique, une envie, un besoin, à chaque fois. Aujourd'hui, il est vrai que ça marche plutôt bien, mais je préfère garder la tête froide, et continuer à raconter des histoires qui plaisent sans pression ni contrainte. Voilà pourquoi je continue, aujourd'hui, à vivre comme j'ai toujours vécu, sans me prendre la tête...



Ingénieur, écrivain, papa, mari, Webmaster... Quel est ton secret? Des journées de 48 heures?
J'aimerais bien que le temps soit élastique. Bon, je vais te révéler un petit secret. Je travaille en dormant... Ah bon, ça t'étonne ?
Etant étudiant, je réfléchissais à des problèmes (mathématiques, la physique, ...) que je n'arrivais pas à résoudre la journée, et, souvent, la solution arrivait d'elle-même le matin. N'oublions pas que nous exploitons à peine 80% des capacités cérébrales, et que le subconscient possède une puissance sous-jacente phénoménale ! Alors, pourquoi ne pas profiter des nuits ?

Je pense que tout le monde a déjà réalisé cette petite expérience. Aujourd'hui, j'applique cette technique à l'écriture, elle me sert à trouver des idées, à clarifier des chapitres dans ma tête. L'acte d'écrire en lui-même prend alors beaucoup moins de temps quand on sait ce qu'il faut aligner.

 

A la lecture, on voit un réel travail de documentation. Comment organises-tu tes sessions d'écritures?
Au départ, tout se passe dans cette bulle bouillonnante appelée « cerveau ». Je cherche d'abord l'idée, et ce travail peut durer jusqu'à deux mois. Car il faut faire le tri, vraiment chercher la fibre originale, intéressante, qui pourra s'étirer sur les 300 ou 400 pages d'un roman. C'est un travail aussi important que l'écriture en elle-même, car c'est la fondation de ce que sera le futur roman. Et qu'une fois démarré, il sera impossible de revenir en arrière !
Ensuite, par rapport à cette idée, il va y avoir une nécessité de documentation. Car les personnages peuvent être médecins, psychologues, profilers, ... Il faut donc s'imprégner de leur métier, des lieux qui sont susceptibles d'être liés à l'idée, de l'ambiance. J'essaie aussi, à chaque fois, de développer un aspect scientifique ou artistique, qui va générer une ou plusieurs sous énigmes à l'histoire principale. Exemple : les virus, les insectes, la taxidermie, l'internet, ...
Quand je me suis imprégné de tout cela, je suis prêt à attaquer l'écriture, basée sur mon idée, et les gros points de mon histoire que j'ai en tête. La jointure entre ces points vient au fil de l'écriture. Je suis comme le Petit Poucet, de simples cailloux éparpillés me suffisent à créer mon histoire, je n'ai pas besoin d'un fil d'Ariane... 



Des révélations sur tes projets? Des exclus pour Plume Libre?

Mes projets ? Travailler encore sur le futur ex Furor Amoris. Il sortira en octobre 2006, et je l'ai quasiment terminé. Mais je vais le laisser reposer un peu,   avant de replonger dans les ténèbres de ses pages. Je veux qu'il soit le meilleur possible, le plus proche de la terreur que je souhaite transmettre. Puis je m'attellerai probablement à une autre histoire, encore différente de ce que j'ai pu écrire à présent. Je souhaite me renouveler à chaque fois...
Une exclu sur "Furor Amoris",  pour Plume Libre : Vous ne verrez plus jamais les forêts du même oeil...
Autre exclu, toute récente : "La chambre des morts" va être adaptée en film ! Tout risque d'aller très vite, à suivre !!



Tes derniers coups de cœur roman? BD?

J'ai lu dernièrement "Pavillon 38", de Régis Descott. Un roman superbement documenté sur le milieu psychiatrique, avec une bonne intrigue. Sinon, là, je lis "La mort des bois", de Brigitte Aubert. Ça s'annonce très bien. Côté film, je conseille "L'exorcisme d'Emily Rose", qui est sorti il n'y a pas longtemps. Très original, et particulièrement effrayant...

 

Merci beaucoup Franck, tu as le mot de la fin....
Merci pour cette interview, ce fut un plaisir. Je ne vous découperai pas dans mon prochain roman, promis... Et longue vie à votre site !

  Du même auteur : Biographie, chronique, interview






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